14.

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— Je peux ?

Je hausse les épaules sans même lui adresser un regard. Je me demande vaguement comme il a eu l'idée de me trouver ici, mais qu'importe, de toute façon même si je refuse, il le fera quand même.

Arès s'assoit sur le banc, à mes côtés. J'ai décidé de ne plus me rendre à la cafétéria pour déjeuner. Non, à la place, je viens là, à mon endroit favori et je prie pour que personne n'abuse de sa méchanceté jusque dans mon cocon.

Il fait froid, vraiment froid. Du coup, peu de joggers s'aventurent jusque dans la forêt, encore moins que d'habitude. Le coin est donc paisible et calme et c'est à peu près le seul moment de la journée où je me sens bien.

Quand je viens ici et quand je rentre chez moi.

— Tu es blessée ?

Arès désigne du menton le bandage qui recouvre ma main et le haut de mon poignet. Je hausse les épaules une nouvelle fois. Je n'ai pas l'intention de lui expliquer comment je me suis coupée, puis comment j'ai eu envie de me faire du mal pour lâchement abandonner ensuite.

— Rien de grave, assuré-je.

Il hoche la tête en regardant devant lui, les yeux dans le vide.

— Qu'est-ce que tu veux ? questionné-je alors sèchement.

— Te parler.

— Ça fait plus de deux semaines que tu ne m'as pas adressé la parole. Et là, tout de suite, c'est moi qui n'en ai plus envie.

Il pose ses yeux dans les miens un court instant, puis les détourne aussi vite. Son esprit semble agité, son corps est raide et l'atmosphère est pesante.

— J'avais besoin de réfléchir... avoue-t-il alors.

Sa voix grave s'est affaiblie et me laisse un arrière-goût de curiosité en dépit de l'amertume imposante qui me constitue.

— À quoi ? m'enquis-je finalement.

Et après une seconde, il me regarde à nouveau.

— À nous.

Ses yeux bleus attirent les miens comme des aimants. Je ne parviens plus à détourner le regard et j'ai soudain l'impression qu'il peut lire en moi de la même manière que dans un livre ouvert.

C'est d'ailleurs ce qu'il fait, quand, ravagé intérieurement de questions sur notre rapprochement et nos rapports, lui, il admet oralement :

— Je ne sais pas quel genre de relation on entretient toi et moi, mais ce que je sais, c'est que ça a tout de compliqué.

— Ah, vraiment ? soufflé-je. Ça n'avait pourtant pas l'air si compliqué quand tu m'as embrassé, la dernière fois.

Il déglutit et pendant une seconde, j'ai l'impression qu'il perd toute assurance. C'est étrange, venant de ce garçon qui n'a jamais peur de rien.

— Ça n'a pas eu l'apparence non plus de te poser un problème... affirme-t-il en haussant les sourcils, dubitatif.

Je soupire doucement. Je déteste cette façon qu'il a de toujours tout remettre en question. Et je déteste encore plus que ça finisse par être à mon désavantage.

Mais je crois que je commence à le cerner, et c'est pourquoi j'admets, ouvertement maintenant :

— Parce que ça ne m'en posait pas.

Je me lève et le quitte sans me retourner. Je n'ai pas envie que cette conversation prenne une tournure dramatique. Je ne suis pas certaine de pouvoir le supporter tout de suite.

Malgré cela, il me rejoint et m'arrête en attrapant ma main.

— Ok, je suis désolé. J'ai compris, je sais que tu m'en veux. Mais j'ai une proposition à te faire.

— Laquelle ? demandé-je après une seconde d'hésitation.

— Suis-moi, suggère-t-il. Viens avec moi, je t'emmène quelque part. Et si après ça tu refuses toujours de me parler, alors je te laisserai tranquille.

Un léger silence plane autour de nous.

— — Juré, ajoute-t-il en voyant mon absence de réponse.

Je me pince l'intérieur de la joue. Je devrais dire non, ça, je le sais. Mais la mèche brun foncé qui retombe sur son front, ses yeux bleus qui me guettent comme si j'étais une chose fragile et la lèvre qu'il mord me convainquent pourtant d'accepter.

Je hoche la tête de haut en bas, lui donnant ma permission ainsi que ma confiance, une nouvelle fois. Tout en priant pour qu'il ne la piétine pas comme absolument tout le reste.

***

— C'est absolument magnifique.

Le lac où Arès m'a emmenée offre une vue directe sur les collines. L'eau est claire, en dépit de la température trop peu élevée. Elle est si claire, que je ne pourrais la comparer avec les yeux bleu sombre d'Arès, aujourd'hui.

Il hoche la tête.

— Tu as ton banc, j'ai mon lac.

Je souris malgré moi. Je ne peux faire autrement et ça me pose un sérieux souci. Je me tourne alors pour me nourrir du paysage. Ce n'est pas tous les jours qu'on découvre des endroits aussi beaux et je ne peux qu'apprécier, surtout en compagnie d'Arès.

Mais une question demeure dans mon esprit tourmenté.

— Dis-moi la vérité. Pourquoi m'as-tu ignorée, ces derniers jours ?

Il me fait face et fourre les mains dans ses poches. Sa capuche recouvre ses cheveux bruns et lui prodigue un air plus mystérieux.

— Je te l'ai expliqué, je devais réfléchir.

— Et qu'est-ce que ça a donné ?

— Je suis là, avec toi, non ?

Un petit sourire s'insinue au creux de ses lèvres. Je crois que c'est pareil pour moi. Je dois avouer qu'après tous ces coups durs, retrouver Arès me fait un bien fou. Même si ce n'est pas le mec le plus joyeux de la planète, ça me convient comme ça. Il n'y a qu'avec lui que je récupère un semblant de sérénité et de calme dans mon quotidien négativement mouvementé.

Alors que je profite de la quiétude, il passe son bras autour de mes épaules et me rapproche de lui. Son contact me fait frissonner, surtout lorsque ses lèvres pressent mon front avec toute la douceur du monde.

Après ça, nos regards, dirigés droit devant nous, se perdent au loin. Là où les problèmes, le harcèlement et la violence n'ont plus leur place.

 Là où les problèmes, le harcèlement et la violence n'ont plus leur place

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Présumée Coupable (terminé) [en réecriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant