19.

102 16 2
                                    

Février



— Debout, marmotte.

Je sursaute et m'assieds rapidement sur mon lit, la main sur le cœur.

— Merde, Arès ! Mais qu'est-ce que tu fais là ?

— Ta mère m'adore.

Un délicieux sourire prend place sur ses lèvres et me fait redescendre illico sur terre. Il est huit heures du matin et ma tête au réveil ne doit pas être super à mon avantage.

— Habille-toi, je t'emmène quelque part, lâche-t-il en détaillant ma chambre. Je t'attends en bas.

Après un petit instant à hésiter, je hoche le visage et saute de mon lit pour rejoindre la salle de bain. Une rapide douche plus tard, je fouille mon armoire à la recherche de quelque chose à me mettre. Mais sans savoir où je vais, il est difficile de trouver la tenue adéquate.

En cherchant, je finis par tomber sur le tee-shirt qu'Arès m'avait prêté en début d'année et que je ne lui ai jamais rendu. Je le passe en souriant puis enfile un jean et une paire de baskets blanches, avant de revêtir mon blouson par-dessus.

Alors que je descends les escaliers, je l'entends sympathiser avec ma mère. Ils semblent bien se convenir, mais ça ne m'étonne pas, Arès est fort pour conquérir le cœur des gens, et je ne parle pas que pour moi.

— Je suis prête, lâché-je en les rejoignant.

Il lève la tête et pose ses yeux bleus sur moi, plus clairs aujourd'hui. Après avoir salué ma mère, nous sortons pour regagner la voiture, moi, toujours dans l'inconnu quant à l'endroit que nous devons retrouver.

— Tu vas me dire où l'on va ?

— Probablement pas, non.

Il sourit puis démarre l'auto en allumant la radio. Je soupçonne que c'est uniquement pour me faire taire et éviter les questions qui pourraient nuire à son secret.

Trente minutes plus tard, il se gare enfin sur le côté de la route.

— La plage ? demandé-je en haussant les sourcils, ne pouvant camoufler un sourire.

— On va marcher un peu ?

J'acquiesce avec plaisir, contente de retrouver cet endroit que j'aime tant. Nous nous y rendions souvent avec mon père, avant. C'est même ici que j'ai appris à surfer.

Le lieu est calme et vraiment paisible à cette période de l'année. Il fait tout juste bon pour se promener, mais encore trop froid pour se baigner, ce qui enlève une bonne partie de curieux. Les surfeurs évitent la mer également et en général, attendent au moins le mois de mars afin de retrouver l'étendue.

— J'adore cet endroit, avoué-je. Ça me rappelle mon enfance...

Arès sourit avant de donner un coup de pied dans un coquillage. 

— Tu l'as revu ?

Je lève les yeux.

— Qui ?

— Ton père, répond-il en regardant droit devant lui. Tu es allée le voir ?

— Une seule fois, avoué-je. J'avais besoin d'explications.

— Et tu les as eus ?

Il fronce les sourcils en me dévisageant, les traits fermés et véritablement intéressés.

— Je ne crois pas... soufflé-je. En vérité, je pense que j'avais surtout la nécessité de me confronter à la réalité. De me retrouver face à lui et de voir qu'il n'est plus l'homme que j'ai connu.

— C'est le cas ?

Je secoue la tête à la négative.

— Ce que j'ai vu, c'est juste mon père...

— Ton père, avec sept meurtres de plus à son actif.

Je relève les yeux, les sourcils froncés en détaillant son visage impassible.

— Qu'est-ce que tu veux dire ? lâché-je nerveusement.

— Que c'est un assassin, Noa. Tu n'es pas coupable de ça, mais lui, si.

Je me mords la lèvre et rive mon regard vers la mer. Il n'a pas vraiment tort, l'ennui c'est que je n'arrive pas à me sortir de la tête les yeux de mon père si profondément sincères.

Arès passe son bras autour de mes épaules et je relâche la pression immédiatement.

— Je suis désolé, murmure-t-il en soupirant. Pour mon manque de tact, je veux dire.

Je secoue la tête doucement pour mettre un terme à cette conversation. Quelques mètres plus loin, nous nous arrêtons pour nous installer sur le sable.

— Et toi ? lui demandé-je alors qu'il a les yeux dirigés vers les dunes. Tu ne m'as encore jamais parlé de tes parents.

Il contracte la mâchoire sans me faire face, ses bras enroulant ses jambes repliées sur son abdomen.

— Parce qu'il n'y a rien à dire, rétorque-t-il en haussant brièvement les épaules.

— Tu n'as donc pas de parents ? souris-je.

— Si, évidemment. Juste pas assez intéressant pour que j'en parle.

Sa voix se fait de plus en plus tranchante et je comprends que nous sommes sur un point sensible.

Malgré tout, je veux en savoir plus. On passe énormément de temps ensemble et j'ai pourtant encore du mal à le cerner et à cerner qui il est vraiment, contrairement à lui qui connaît les moindres secrets de mon existence.

— Mais encore ? insisté-je.

Il soupire longuement, puis se tourne enfin vers moi. Ses yeux bleus se sont assombris, mais n'ont rien de méchant, au contraire.

— Mon père vit en Australie et ma mère est folle. Tu connais toute l'histoire.

Il détourne les yeux à nouveau et ne dit plus rien. Quant à moi, je n'insiste pas. Je suis mieux disposée que quiconque pour savoir que la famille peut être difficile à assumer et qu'un lourd passé peut parfois même nous être fatal.

Alors à la place, je m'approche de lui, assez pour poser ma tête sur son épaule. Le silence nous gagne, mais ce n'est pas pesant, c'est vital. La respiration d'Arès s'apaise après quelques minutes et il incline son visage de manière à reposer son menton sur le haut de mon crâne.

Nous restons ainsi un moment, à regarder la mer, à écouter le vent, à se nourrir du mutisme et de la facilité d'un instant à deux. Parce que oui, nos instants ensemble sont bien plus simples que la réalité avec laquelle je m'entête à vouloir batailler quand je suis seule et livrée à moi-même. 



Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
Présumée Coupable (terminé) [en réecriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant