Présumée Coupable (terminé) [en réecriture]

36.

Arès

J'ai essayé.

C'est au moins ce que je lui devais, après tout. J'ai tenté de la venger. De faire en sorte que quelqu'un paye pour sa mort, autrement qu'en étant logé et blanchi dans une prison où même les pires enfoirés ont le droit au câble.

Mon plan était clair et bien dessiné. Je devais me rapprocher de la fille de ce tueur en série. La faire tomber amoureuse de moi, et puis, la faire tomber, tout court.

Pour l'achever, lui, et toute sa famille. Comme il m'avait achevé, moi, et toute la mienne.

J'avais tout prévu, dans les moindres détails. Je m'étais informé sur les plus grosses têtes du lycée, sur ceux qui pourraient sans même le savoir m'y aider. J'avais prévu les coups bas, les insultes, les rivalités et même les excuses.

Mais je ne l'avais pas prévu, elle. Je n'avais pas imaginé sa force de caractère et ses yeux gris déchirés. Je n'avais pas prévu qu'elle souffre encore plus que moi de la mort de ces filles qu'elle ne connaissait même pas.

Et surtout, je n'avais pas prévu ce qui est arrivé ensuite.

Cette dépendance, qui ne cesse de me consumer chaque jour. Ces sentiments, qui s'insinuent dans chaque partie de mon être. Ses cheveux blonds et leur odeur de vanille, et son corps qui appelle sans arrêt le mien à s'unir.

J'ai essayé... longuement. Et puis... j'ai échoué.

Puissamment, involontairement, au pire moment.

J'ai cédé.

Et moi aussi, je suis tombé...

***

« Je te pardonne. »

Ça fait trois semaines que ces paroles ont été prononcées et je ne les accepte toujours pas. Comment pourrait-elle me pardonner ce que je lui ai fait ?

Je ne dors plus, je ne mange plus, je ne réfléchis même plus. Tel un automate, je me contente de hacher mes mouvements et de sangler mes pensées.

Ce matin, ma mère est en mauvais état. Abby était comme sa fille et aujourd'hui, elle aurait dû fêter ses dix-neuf ans avec sa famille et ses amis.

Pas comme ça. Pas enfermée dans une tombe à des mètres sous terre. Pas rongée par le temps et dévorée par les vers. C'est injuste, et putain, ça fait mal. Pourtant, je ne parviens même plus à être en colère. Ma haine et ma rage se sont éteintes en même temps que ce projet d'anéantir la raison de tout ce bordel. Elles ont disparu, en même temps que Noa.

Ça fait des semaines qu'elle n'est pas venue au lycée et je l'imagine enfermée dans sa chambre, les larmes brûlant ses joues et imbibant ses prunelles. Elle doit être au plus bas, seule et désespérée. Et tout ça, c'est ma faute.

Alors, comme tous les matins, je sèche quelques heures pour me rendre à la salle, où je boxe sans m'arrêter. Je frappe le sac en invoquant mon reflet à s'y fondre. Je ne rends plus les coups que la vie m'a donnés, je les offre. Et je me fatigue, plus vite, chaque jour. Mes forces m'échappent et mon corps me supplie d'arrêter.

Mais je ne le fais pas.

Parce que c'est la seule chose qui fait que je tiens encore debout. La seule raison qui me pousse à me lever encore chaque matin. Je me punis, de toutes les manières possibles et imaginables, d'avoir blessé et entraîné au fond des ténèbres la seule personne qui parvenait à me sortir des miens.

Mais même ici, dans cet endroit qui n'appartenait qu'à moi autrefois, son souvenir y est gravé.

Et je boxe plus fort.