Comment rester digne après un black-out

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Jeudi 21 Septembre, 23h, Passage Lhomme, 11ème arrondissement


Paul et Julie, en bons mondains, trouvaient toujours un prétexte stupide pour organiser une soirée. La fin de l'été en était un très bon apparemment. Ils avaient réunis tous leurs potes, qui étaient anormalement nombreux, comme d'habitude. Seul Alexandre, qui bossait ce soir-là, manquait à l'appel.
-Hey Léo, me lança Victor, qui avait pris la grosse tête depuis qu'il avait passé les premières épreuves du concours du RAID.
Je le saluait d'un signe de tête et continuait d'explorer les innombrables placards de l'immense cuisine américaine.
-Ils n'auraient pas des trucs sans alcool ici ? Pestai-je.
-Pourquoi ? C'est plus marrant les fêtes avec alcool ! Surtout quand ton mec ou ta meuf n'est pas là...
-Tu parles d'Alex ?
-Oui, et je fais aussi allusion à Olivia...
Je levai les yeux au ciel.
-Moi et Olivia ne sommes pas ensemble...C'est compliqué. Mais personne n'est censé être au courant !
-Mais TOUT le monde est au courant ! Franchement, il faudrait être stupide pour ne pas voir que vous vous kiffez !
Au fond, il avait raison, mais j'avais trop d'orgueil pour l'admettre.
Je laissais tomber tout espoir de sobriété et me servis un mélange douteux de vodka, de jus de citron et d'eau gazeuse.
-Ça sent chelou, non ?
Victor haussa les épaules et désigna une des étagères.
-On a laissé du poppers un peu partout dans l'appart, comme dans les boîtes gays.
-Je vois...C'est pour défoncer tout le monde contre leur gré, c'est ça ?
E-xactement !
Je secouais la tête, incrédule. Mes potes étaient cinglés. Je repris un peu de vodka, pure cette fois-ci, et suivis Victor à l'étage, où une partie de jeu de la bouteille battait son plein.
-Allons choper des herpès, les amis...maugréai-je.
Julie me tira la langue et me servis une boisson bleue fluo dans une écocup.
-Curaçao-chou kale-spiruline, tout droit sorti de mon extracteur de jus, me lança-t-elle en gloussant. Parfait contre les fameux herpès.
C'était immonde mais je bus quand même, pour lui faire plaisir.
Je tenais bien l'alcool en général, mais là, j'avais vraiment abusé, et l'odeur des poppers ne devait pas aider.
La bouteille utilisée pour le jeu était pleine et un imbécile aux cheveux verts trouva un moyen de la casser. On dépêcha ensuite une nouvelle bouteille, vide cette fois-ci, ainsi qu'une cargaison d'essuie-tout (réutilisable en coton bio, cela va de soi).
Évidemment, il fallut que la malchance s'abatte sur moi.
Alors que je commençais à devenir vraiment stupide et euphorique (ce qui consiste à raconter sa vie à des inconnus, à rire très fort et à prendre goût aux blagues de beauf), la bouteille se dirigea vers moi pour la première fois de la soirée.
-Tu dois embrasser Victor ! Brailla Paul, en nous désignant du bout de son joint.
J'étais terriblement gêné. Je ne savais pas si cela était dû au fait que Victor soit gay, mais cela me mettait vraiment mal à l'aise. Je n'étais pas homophobe, loin de moi cette idée, mais...De toute façon, je n'étais plus en état de philosopher.
Avant que je n'eu le temps de protester, Victor m'attrapa par les épaules et m'embrassa, enfin me roula plutôt une pelle. Et c'était...Bizarre. Sa langue contre la mienne, la façon dont il me tenait, ses mains puissantes contre ma nuque et mon dos...
Pas désagréable, il fallait l'avouer.
-T'as adoré, avoue, me souffla Victor.
Je le fusillai du regard.
-Je n'avais pas le choix, je te signale.
J'essayais d'éviter le regard moqueur de Paul, qui n'avait pas perdu une miette de notre embrassade. À vrai dire, je ne me sentais pas très bien.
Je me levais péniblement et me lançai à la recherche de toilettes libres, c'est-à-dire sans odeur de vomi, sans capotes usagées et sans couple en pleins ébats.
Je trouvai enfin le Saint-Graal et pus vomir, puis me servir un vrai verre d'eau. J'avais la bouche pâteuse et la tête qui tournait. La salle de bain empestait le poppers, ce qui ne m'aidait pas beaucoup à dégriser.
-Ça va Léo ?
Je jetai un regard noir à Victor qui se tenait dans l'embrasure de la porte.
-J'espère que Paul ne nous a pas filmés...grommelai-je.
Il secoua la tête en riant.
- Pourquoi, tu as peur que l'on pense que tu es gay ? Ne t'en fais pas pour ça, tu es le mec le plus hétéro de la planète ! Même si j'avoue que c'est dommage, tu embrasses très bien !
Je haussai un sourcil.
-Tu trouves ?
Il hocha la tête et s'avança vers moi. Je me reculai, un peu désarçonné, et me collai contre le rebord du lavabo. Non, il n'allait quand même pas...
Hé merde.
Il passa ses mains autour de ma taille et m'embrassa de nouveau. Et comme un imbécile, je me laissai faire.
-Hmmm...Victor, c'est une très mauvaise idée...On est tous les deux bourrés, et...
-Justement ! C'est l'excuse parfaite, non ?
J'avoue que j'avais toujours eu envie de le faire avec un mec, juste une fois, pour essayer. Alors si l'occasions se présentait, pourquoi s'en priver ?
-Et Alex ?
Victor leva les yeux au ciel.
-On est un couple open, ne t'en fais pas pour ça...Et puis personne ne sera au courant, de toute façon...
-On est complètement tarés...
Victor me tira la langue et attrapa un paquet de capotes dans le tiroir.
- Au cas où. J'ai pas pris la PrEP ce soir, vu qu'Alex n'est pas là...
Je sortis prudemment de la salle de bain et m'assurai que le couloir était vide. Je fis signe à Victor de me suivre et nous nous lançâmes à la recherche d'une chambre libre. Je poussai Victor à l'intérieur de l'une d'elle, après avoir entendu des bruits. J'avais super peur que l'on soit surpris. Je ne savais même pas si les bruits étaient réels ou dans ma tête, la réalité semblait totalement déformée avec tout ce que j'avais bu, c'est-à-dire une bière, trois shots de vodka, deux cocktails et cinq shots d'une boisson indéterminée.
Victor s'assit au bord du lit et retira, ou plutôt arracha son T-shirt. Depuis qu'il suivait des entraînements intensifs, il était devenu vachement bien foutu. Pas autant que moi, évidemment, mais il avait de sacrés abdos, il fallait bien le reconnaître. Il me fit signe de venir s'asseoir à califourchon sur lui. Il sentait la vodka et le shit, mais je n'y prêtais pas trop attention. De toute façon, je devais être à peu près dans le même état. Je frissonnais en sentant ses mains se glisser sous mon T-shirt.
-Jolis abdos, commenta-t-il en penchant la tête pour me faire des suçons (qui seront la seule trace laissée par cette soirée, qui semble s'être effacée miraculeusement de ma mémoire).
Le poppers aidant, je commençai à être terriblement excité.
Victor me mordit l'oreille et le cou tout en glissant sa main sous mon jean.
-Hmmm, je vois que tu n'est pas insensible à mon charme...
-Ta gueule Victor.
-J'aime les mecs violents...
Mon cerveau défoncé ne se le fit pas répéter deux fois. Je le repoussais pour qu'il s'allonge sur le lit, lit qui avait dû en entendre et en voir des vertes et des pas mûres, d'ailleurs.
Je baissais son pantalon d'un geste. J'avais déjà vu Victor à poil dans les vestiaires, donc pas trop de surprises de ce côté là.
Il me fixa de son insupportable air concupiscent, me faisant signe de me mettre à poil.
Je m'exécutai en sachant très bien que je le regretterai. Mais je ne pouvais plus faire machine arrière.
Je tournai la tête vers Victor, qui était allongé sur le ventre, secouant nonchalamment la tête au rythme de Memories de David Guetta qu'une mini JBL diffusait. Il y avait des minis JBL dans chaque chambres, sans doute pour masquer les éventuels bruits gênants. En effet, les soirées chez Paul et Julie se finissaient souvent...de cette façon.
Je ne pus m'empêcher de gémir en pénétrant Victor. La sensation était incroyable. Je bénis Julie d'avoir mis des enceintes dans chaque chambre, parce que mon insupportable pote et accessoirement coup d'un soir était en train de crier comme pas possible, me suppliant d'y aller plus fort. Je me cramponnai à l'épaule de Victor d'une main pour ne pas tomber, mordant les phalanges de l'autre pour ne pas hurler. Synchroniser mes mouvements de va et vient tout en essayant de garder une position relativement stable nécessitait d'avoir un minimum d'entraînement. J'avais un peu honte de faire ça, mais, après tout, je ne laisserais pas cet écart affecter ma maculinité. Les substances prises tout au long de la soirée décuplaient mes sensations. J'avais l'impression d'halluciner.
Je finis par jouir et m'écroula lamentablement sur Victor.
-Oh la vache. C'était...chelou.
Je roulai sur le côté et me levai péniblement pour aller jeter la capote.
-Tu as aimé, ne le nie pas, murmura Victor, un sourire satisfait aux lèvres.
-Ok, j'avoue que c'était pas mal. Mais ce qui s'est passé dans cette chambre reste dans cette chambre, on est bien d'accord ?
- T'inquiète. On est tellement pétés que demain on aura tout oublié.

Fine cocktails, pretty girls and a lot of troublesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant