Chapitre 10

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Camille


Occupée à coiffer ma fille, je regarde par la fenêtre de sa chambre, l'esprit un peu ailleurs. Je suis mentalement et physiquement épuisée. Ces dernières semaines ont été éprouvantes. Entre les ennuis de santé de Mila, mon nouvel employeur et la pression qu'il me met pour analyser et refaire une partie des couvertures de son catalogue, plus des affiches, des signets, des cartes, proposer des concepts de couvertures pour son appel à textes. J'ai du travail pour des mois. Pour Amelia, je me donne à fond. Elle a laissé sous-entendre qu'une sorte de compétition s'est créée entre moi et les graphistes de la maison mère. S'ils savaient comme je m'en fous, mais ils semblent mal prendre que je refasse leur travail et plus rapidement qu'eux en plus. Ce n'est pas de ma faute si leurs concepts et leurs méthodes de travail sont dépassés. L'inconvénient c'est que Monsieur Duval veut son retour sur investissement, aussi je travaille comme une dingue. Et puis, j'aime ce que je fais. Je ne suis pas devenue l'artiste dont on s'arrache les tableaux à coups de centaines de milliers de dollars, mais mes illustrations sont vues par des centaines de milliers de personnes. Je ne me fais pas d'argent, mais je suis connue, dans mon milieu en tout cas.

« Maman ? Je crois que tu m'as oubliée », me gronde-t-elle en plissant des yeux dans le miroir.

Je baisse la tête pour découvrir les yeux bleus de mon petit amour me fixer intensément.

« Tu as raison, pardon. Alors, comment te coiffe-t-on aujourd'hui ? Queue de cheval, comme maman ou tresse, comme Elsa ?

— Je pourrais avoir des cheveux comme maman Carrie ?

— Tu veux des cheveux courts ? Mais tu aimes tes cheveux longs. Si on les coupe, finis la queue de cheval jusqu'à ce qu'ils repoussent.

— Ça me va, maman. Il faut accepter le changement. Je veux une coupe comme maman Carrie.

— D'accord, mon amour. Je prendrai rendez-vous.

— Merci Maman. Dis ? Est-ce que tu pourras aussi me maquiller les yeux comme maman Carrie ? j'aime ça.

— Tu sais quoi mon amour, on va demander à la spécialiste. Carrie ! » criais-je.

« Que se passe-t-il ? » demande-t-elle en arrivant en courant.

« Tu es douée avec des ciseaux, si je me souviens bien », demandais-je en me souvenant qu'elle avait déjà coupé les cheveux de Bibiche plusieurs fois.

« Je me défends.

— Ta fille voudrait une coupe de cheveux comme la tienne. »

Je n'en reviens pas avec quelle facilité j'ai partagé ma maternité avec Carrie. Ta fille. Ça me semble si naturel et normal.

« Non, beauté, réagit Carrie, tes cheveux sont magnifiques.

— Je suis une grande fille maintenant. Je voudrais des cheveux comme les tiens.

— Très bien, si maman est d'accord. Mais alors, tu n'auras plus de tresse comme Elsa ?

— Non, maman Carrie. Je veux être comme toi.

— Ta fille voudrait aussi des yeux charbonneux, comme quand nous nous sommes connues.

— Oh mon dieu ! » s'excite Carrie, « je peux l'habiller gothique ? » supplie-t-elle les yeux brillants. « S'il te plaît !

— Commençons par les cheveux, puis le maquillage, si tu veux bien. »

Carrie installe mon ange sur une des chaises de la cuisine, passe une serviette autour de son cou, et commence à couper. Je prends une photographie pour un avant/après et je ramasse une mèche de cheveux que je ne peux m'empêcher de sentir, comme lorsqu'elle ne va pas bien et qu'elle s'endort dans mes bras. Une fois terminé, je prends une nouvelle photographie. Je la trouve sublime, un petit côté elfique.

Mon adorable BossOù les histoires vivent. Découvrez maintenant