Chapitre XXII

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La jeune fille ne savait que répondre face à cette révélation. En réalité, elle avait fini par croire que cette histoire de vol n'était que l'une des nombreuses plaisanteries du roi. Elle ne faisait que le fixer sans qu'un seul mot ne sorte de sa bouche. 

Elle réalisa alors, l'ampleur de ces deux petits mots que le roi avait prononcés. 

- Que veux-tu dire par là Ji-hun? Peux-tu être un peu plus clair s'il te plaît ?

- Pourtant, je suis très clair Ha-eun, je me souviens que je t'avais dit que ta présence dans ce palais a changé ma vie d'une manière particulière. Je ne m'attendais pas à ce que ma vie soit changée radicalement grâce à une jeune fille, qui se battait contre les horreurs d'un camp de concentration. Ta présence dans ce palais a transformé l'ambiance du palais ainsi que tout le personnel en général et moi plus précisément. 

Tu es cette lueur d'espoir auquel j'aspirais.  Tu es apparu dans ma vie si soudainement, je pensais pouvoir t'aider à surmonter tes traumatismes, mais c'est toi qui m'as aidé à surmonter les miens. Tu as fait ressortir de moi, un homme que je ne connaissais point. Tu fais de moi un meilleur roi. Et je n'ai pas honte de te dire que tu as volé mon cœur et que tu fais l'objet de mes pensées constamment.  Je n'ai point honte de te dire que j'éprouve des sentiments à ton égard, Jeong Ha-eun, affirma le roi en faisant le tour de la table pour se rapprocher de la jeune fille qui ne savait que répondre de cette soudaine confidence.

- Je ne sais que répondre, c'est la première fois qu'une personne me fait une telle déclaration, dit-elle en baissant la tête. 

En effet, elle ne savait même pas ce qu'était une histoire d'amour. En Corée du Nord, des histoires d'amours dans les livres n'existent pas. Même l'histoire de ses parents, au départ, c'était un mariage forcé, puis ils se sont aimés par la suite. Elle ignorait donc, tout naturellement, ce qu'était être courtisé. 

En fait, elle avait une fois, oser rêver d'une vie, d'un monde dans lequel où elle serait marier à un homme bien, mais lorsqu'elle avait réfléchi à tous ces hommes qui avaient abusé d'elle, elle s'était demandé, quel homme l'accepterait après un tel passé ? Quel homme voudrait d'une femme telle qu'elle ? C'était cette question qui la bloquait.

- Ton passé ne m'inquiète pas Ha-eun, tu n'es absolument pas responsable de tout ce que tu as vécu dans ce camp. Ton passé n'est pas ton identité ! Ce n'est pas une étiquette que tu portes sur le front ! Il est évident qu'il fait indubitablement partie de ton histoire, mais ton identité ne réside pas en lui pour autant. 

- Je le sais Ji-hun. Par ailleurs, il semblerait que tu oublies qui tu es, tu es le roi du Royaume de Corée quand même. Que suis-je censé répondre après une telle déclaration ? Je ne sais pas ce que cela fait d'aimer un homme, je ne sais pas ce que l'on ressent. J'ignore tout en ce qui concerne l'amour entre un homme et une femme. Je ne veux pas te blesser. . .

- Je sais parfaitement qui je suis et je ne minimise pas l'ampleur de mes mots. J'ai attendu un long moment avant de te faire cette déclaration ce soir, Ha-eun. Je craignais que tu aies peur de moi, c'est la raison pour laquelle j'ai attendu aussi longtemps pour te dire ce que je ressens pour toi.  Je ne m'attendais pas à ce que tu me dises ce soir, que mes sentiments pour toi sont réciproques. Je ne veux pas que tu te mettes une pression quelconque et je ne cherche surtout pas à t'effrayer. Au contraire. . .

- Merci de me comprendre, déclara-t-elle, émue par les paroles du roi. 

Elle ne désirait pas qu'il se sente blesser par rapport à sa réponse. Cependant, elle a été honnête avec lui, elle ignorait totalement ce qu'une femme pouvait ressentir pour un homme. Elle ne savait même pas ce qu'était une histoire d'amour concrètement. Elle ne pouvait pas voir une véritablement démonstration de l'amour entre ses parents au quotidien. De plus, leur vie de famille avait pris fin d'une manière brutale, lorsqu'ils furent embarqués dans une voiture par des soldats. Leurs crimes ? Posséder une Bible !

D'autant plus que dès son arrivée dans le camp à l'âge de dix ans, elle expérimenta un viol, puis plusieurs jusqu'à sa libération miraculeuse. Comment pouvait-elle donc oser imaginer une vie dans laquelle elle serait amoureuse et qu'un prince charmant viendrait la secourir ? Sa vie était loin d'être un conte de fée, c'était un cauchemar, voir un avant-goût de l'enfer. Depuis ses dix ans, ce qu'elle connaissait, c'étaient des viols à répétition, des coups jusqu'à faire saigner sa magnifique peau diaphane. C'était des humiliations constantes, c'est alors tout à fait compréhensible que l'amour ne faisait pas partie de son vocabulaire. 

Qui pouvait la juger ? Qui pouvait oser dire qu'elle n'avait pas raison de ne pas penser à l'amour dans ces conditions de vie misérables ? Lorsqu'elle n'était même plus maître de son propre corps ? Quand elle n'avait pas son mot à dire et que les soldats se permettaient de jouer avec son corps comme si elle était un objet ? Lorsqu'elle était délaissée nue dans les champs une fois qu'ils aient abusées de son corps ? Y avait-il une place pour des histoires d'amour dans cet enfer ? 

Elle pensait qu'elle finirait d'une manière ou d'une autre morte dans ce camp. Elle pensait même qu'elle subirait la même mort que ses parents. Mais Dieu a changé son histoire, il est venu à son secours. Toutefois, elle n'avait pas repensé à une quelconque possibilité d'entretenir une relation amoureuse. Comment un roi tel que Ji-hun pouvait-il l'aimer ? Elle ne voyait pas pourquoi elle ? Il y a tant de belles jeunes filles dans le royaume, qui n'attendent qu'une telle déclaration de la part du roi. Et surtout, c'est ce que le peuple attend avec un ardent désir. 

Elle, une étrangère qui sort d'un camp de concentration en ayant expérimenté les pires horreurs. Comment pouvait-elle oser même penser qu'elle volerait le cœur d'un roi ? 

Tout le monde, sauf elle !

𝗛𝗔-𝗘𝗨𝗡 : une rescapée de yodok -𝓓𝓮𝓼 𝓣𝓸𝓶𝓫𝓮𝓼 𝓮𝓷 𝓙𝓪𝓻𝓭𝓲𝓷𝓼Où les histoires vivent. Découvrez maintenant