Chapitre XXIII

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Après cette soirée en compagnie du roi à fêter le nouvel an lunaire, Ha-eun essayait de faire de son mieux pour agir de manière naturelle avec le roi. Elle craignait toutefois qu'il soit blessé et qu'il ne le montre pas afin de ne pas la mettre dans une situation délicate, voire gênante. Elle passait donc la plupart de ses journées à peindre ce tableau qu'elle n'arrivait toujours pas à finir tant que ce qu'elle voulait peindre était dure et faisait ressurgir tous ses pires cauchemars. 

Néanmoins, elle voulait mettre sur une toile ce qu'elle avait expérimenté dans ce camp de concentration. Elle désirait retranscrire sa transformation sur une forme physique, palpable. Elle voulait affronter une fois pour toutes ces cauchemars ! Il est évident qu'elle est toujours fragile, qu'elle redoute encore des choses qui ne vont point se produire.  

C'est parce qu'une guérison si profonde ne se fait pas en un clin d'œil. Elle doit encore s'abandonner totalement entre les mains de Dieu, afin qu'il panse même les plus infimes blessures de son âme. 

Elle avait peur qu'il y ait une quelconque relation entre le roi et elle. Elle ne savait pas comment aimer, elle ne savait pas à quoi ressemble un couple amoureux. Il est vrai, qu'elle aimait passer du temps avec le roi, elle aimait parler avec lui de sujets simples autant que ceux qui ont attraits au leadership.

 Elle avait même été surprise de ne pas avoir mal réagi lorsque pour la première fois, il l'avait prise dans ses bras. Mais, pour la jeune fille, le roi n'était que l'ami dont elle avait toujours rêvé et non un partenaire de toute une vie.

Effectivement, il n'y avait pas de place dans ses pensées pour un tel sujet lorsqu'elle était encore dans le camp de concentration de yodok. Elle n'avait même plus de rêve alors, rêver d'avoir un jour, un amoureux n'avait point traversé son esprit. Et encore moins, atterrir dans le palais du roi de la troisième puissance économique du monde ! 

Comment ce roi pouvait-il l'aimer ? Elle n'était qu'une roturière, bien qu'il passe son temps à dire qu'elle surpasse toutes les jeunes filles de la haute société du Royaume de Corée. Elle n'arrivait pas à croire cela ! Qu'avait-elle que ces jeunes filles ne pouvaient pas avoir ? 

Certainement son passé douloureux que personne à part, elle et Dieu, peuvent comprendre. Alors, de ce fait, même si elle utilisait toutes les langues du monde pour justifier sa radicalité, personne ne pourrait la comprendre réellement, même s'ils déclaraient avec conviction qu'ils comprenaient. Car, il y a des choses dans ce monde, il faut les expérimenter pour les comprendre. 

Devait-elle délaisser sa carapace parce que ce roi se montre gentil avec lui ? Devait-elle briser tous ces murs qu'elle avait intentionnellement érigés pour ne plus souffrir dans sa vie ? 

L'unique chose qu'elle connaissait à propos de l'amour, c'était cette phrase de sa mère lorsqu'elle vivait encore avec son père et elle :« L'amour ne s'annonce pas, il vient souvent quand on ne s'y attend pas et c'est le sentiment le plus pur qu'un être humain puisse éprouver ma fille. »

L'amour venait-il de frapper à la porte de son cœur dans un moment comme celui-ci ? Dans une saison de sa vie dans laquelle elle se laisse guérir, consoler par Dieu afin de ne plus laisser la honte ainsi que toutes ces horreurs qu'elle a supportées ne puissent plus jamais la retenir captive ? Effectivement, elle ne s'y attendait point ! Sa mère semblait avoir raison, l'amour ne prévient peut-être pas en réalité ! 

Le souci, c'est que la jeune fille ne s'était jamais préparé à faire la rencontre de l'amour. Elle ignorait tout, absolument tout de l'amour. Elle ne vivait qu'au milieu de brutes, sans cœur qui n'avait aucun respect pour leurs semblables. Elle était dans un pays où les dirigeants qui sont faits de chairs et de sang, tels que tous les êtres humains, sont considérés comme des dieux. Il y a des gens qui pensent même que ces derniers peuvent lire dans leurs pensées tellement qu'ils sont embrigadés. Il n'y avait absolument aucune place pour l'amour dans sa vie !

Cependant, il paraîtrait que l'amour fraye des chemins là où il n'y en pas. Là où les rêves étaient enterrés à cause d'un passé douloureux, l'amour se révèle le plus souvent comme étant le meilleur des remèdes !

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Ha-eun voulait avoir des réponses à toutes ces interrogations. Elle se remémorait les paroles que le Saint-Esprit lui avaient dites il y a de cela plusieurs semaines. Était-ce dans ce sens que le roi avait un rôle à jouer dans sa vie ? C'est donc cela cette grande destinée à laquelle elle est appelée ? Elle qui n'était personne ? Comment une telle chose pouvait se produire ? Comment pouvait-elle oser penser avoir une place dans le cœur d'un roi dont le peuple attend tant de choses ? Ce qui était certain, c'est qu'elle n'avait pas sa place auprès d'une telle personnalité !

La jeune fille était tellement perdue dans ses pensées, qu'elle n'avait pas réalisé que Clara était rentré dans sa chambre et qu'elle s'était même assise près d'elle, sur son lit.

Elle paraissait très inquiète, le visage de la jeune file était déformé par les gestes qu'elle faisait en réfléchissant. Elle ressemblait à quelqu'un qui allait se rendre sur un territoire sur lequel une guerre était à son comble. Elle était si stressée, qu'elle se blessa avec ses ongles comme une personne qui fait des crises d'angoisse. 

- Ha-eun, ma fille, que se passe-t-il ? Pourquoi ta peau se retrouve-t-elle dans un tel état ? Questionna Clara en touchant l'un des avant-bras de la jeune fille, recouvert de blessures qu'elle s'était infligées involontairement.  

- Regarde comment tu es recouverte de blessures, ma fille ! Dis-moi ce qu'il se passe Ha-eun, je vais tenir le roi courant de ce qu'il se passe. 

- Oh non ! Ne lui dit surtout pas Clara !  Je ne me suis pas blessée de mon plein gré. J'ai réalisé que je m'étais blessée en même temps que toi. Je t'en prie, ne lui dit rien. 

- Alors, dis-moi ce qu'il se passe mon enfant. Je n'aime pas te voir dans un état aussi pitoyable. Tu as peur de quelque chose ? Est-ce qu'un mauvais souvenir vient de refaire surface ?

- Oui Clara, je suis terrifiée, affirma cette dernière en se mettant face à face avec Clara.

- Tu peux tout me dire, réplique Clara en caressant le visage de la jeune fille avec beaucoup de tendresse. Elle portait cette jeune fille dans son cœur comme si elle lui avait donné la vie. 

- C'est quoi l'amour Clara ? Que ressent-on lorsqu'il arrive à faire son entrée dans le cœur d'une personne ? As-tu déjà aimé quelqu'un ? 

- C'est une grande question mon enfant ! L'amour, c'est se sentir capable de donner, dans l'instant, sa vie pour celle de la personne aimée. C'est avoir envie de saisir chaque opportunité afin de voir un sourire illuminer son visage. C'est se laisser transporter par la profondeur de ses yeux, plonger dedans, puis baisser les nôtres... C'est ne plus rien voir autour que sa seule grâce qui nous subjugue.

 C'est ressentir à la seule entente de son nom évoqué, au seul son de sa voix qui retentit, les battements de son cœur qui s'accélèrent. C'est à la fois suer et frissonner, sentir ses mains moites et tremblantes, lorsque même de loin, on l'aperçoit. L'amour, c'est bien souvent faire passer l'être que l'on aime avant soi. L'amour peut effrayer, tellement que ce sentiment est intense. Clara déclara ces mots avec les yeux pétillants tout en se remémorant sa rencontre avec son mari. Oui, l'amour  est le trouble le plus fort, le plus incontrôlable, le plus beau, et le plus terrible qu'il soit donné de ressentir.

- C'est beau tout ce que tu viens de dire Clara. 

- Je n'ai fait que dire tout ce que le roi ressent pour toi. Je comprends parfaitement que tout cela t'effraie et que tu as peur de qu'en dira-t-on. Mais, tu ne dois pas oublier que la parole du roi fait la loi ! Et je sais que tu l'aimes aussi, tu ne savais juste pas mettre des mots sur ce que tu ressentais ma fille. Je sais reconnaître lorsque l'amour frappe à la porte du cœur de quelqu'un.  Alors, soit sans inquiétude à présent. 

- Merci Clara, je te suis vraiment reconnaissante. 

- Tout le plaisir est pour moi ma fille ! Maintenant, je dois soigner tes blessures, déclara cette dernière en allant chercher une trousse de secours.

𝗛𝗔-𝗘𝗨𝗡 : une rescapée de yodok -𝓓𝓮𝓼 𝓣𝓸𝓶𝓫𝓮𝓼 𝓮𝓷 𝓙𝓪𝓻𝓭𝓲𝓷𝓼Où les histoires vivent. Découvrez maintenant