Chapitre 15

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- Savez-vous pourquoi vous êtes ici ?

Moi : Non lieutenant Philippe.

Je me trouve dans un bureau – celui du lieutenant Philippe – avec Lola à ma gauche. Après la course d'orientation, on a eu le droit à un bilan de l'activité. En début d'après-midi, on a suivi un cours théorique sur la typographie. Apparemment, nos deux groupes ont eu de grosses difficultés d'orientation dans l'espace. Cependant, la perte de la boussole ne nous a pas du tout été favorable. C'est malheureusement ce qui nous a coûté la victoire. J'ai eu beau m'être excusée une centaine de fois auprès des filles, je sentais qu'elles m'en voulaient. Elles disaient que c'était de ma faute si on avait perdu la course. Même Heva semblait en colère contre moi, alors que je commençais à la considérer comme une potentielle future amie. Lorsque nous sommes arrivées sur le point d'intérêt, nous avons vite compris que cela faisait longtemps que les autres nous attendait. On est tombé de haut. C'est sûrement cet échec qui nous a amené ici. Or je ne comprends pas pourquoi toutes les filles ne sont pas avec nous. Nous n'avons pourtant rien d'autre de prévu après 16h. Et si j'en crois l'horloge accrochée au mur, il est 16h.

Lieutenant Philippe : Bien, je ne vais pas passer par quatre chemins. Une d'entre vous s'est plainte de votre duo. Comme quoi vous vous disputiez, vous menaciez et vous engueuliez.

Ainsi il y aurait des balances parmi nous ? Pas que ce soit une mauvaise chose, non, loin de là, mais il aurait été mieux de régler ce différent au sein de l'équipe comme des personnes civilisées plutôt que d'aller voir directement un responsable, non ?

Lola : C'est faux !

Moi : C'est vrai.

La réponse de Lola m'amuse légèrement. Comment peut-elle oser nier une évidence pareille ? Elle m'avait tout de même heurté volontairement et n'avais cessé de me détester depuis notre premier échange.

Lieutenant Philippe : Merci Ashley pour ton honnêteté. Lola, n'essaie pas de mentir avec tes supérieurs, qu'on ne t'y reprenne plus.

Lola : Mais...

Lieutenant Philippe : Bon. Pour remédier à ce différent entre vous deux, nous vous avons réservé une petite surprise ce soir. Tout votre groupe participera. Votre première mission sera de prévenir tout le monde de votre départ. Vous vous dirigerez ensuite vers la croix que vous apercevez sur cette carte.

Il en pousse une vers nous et nous montre du doigt un emplacement déforesté à quelques centimètres du camp.

Lieutenant Philippe : Vous en avez pour environ une heure de marche, à condition de faire preuve de communication et de ne pas perdre la boussole.

Le regard qu'il me lance à cette phrase m'oblige à baisser la tête. J'ai bien compris que j'avais commis une terrible erreur, nul besoin de me le rappeler toutes les trente minutes.

Lieutenant Philippe : Ensuite, vous aurez environ une demi heure pour monter votre tente avant que le soleil ne se couche. Votre objectif est de passer la nuit là-bas et de revenir ici à 9h. Vous serez reconnues seules responsables en cas de retard ou d'échec de la mission, et en récolterez ainsi les conséquences.

Lola : Qu'est-ce qu'on risque si on échoue ?

Lieutenant Philippe : Lieutenant Simon se ferait un plaisir de vous l'expliquer. Néanmoins, je pense pour vous deux qu'il serait préférable que vous ne soyez pas au courant.

Lola : Et si on refuse ?

Si je suis un boulet sur pattes, Lola est un cas désespéré. J'ai autant envie de me gifler que de la gifler. C'est problématique. Cependant, le lieutenant ne tient pas compte de sa remarque et continue son discours.

Lieutenant Philippe : Chacune d'entre vous porterez une trousse de secours, un matelas, votre repas individuel de ce soir et de demain matin. Ashley, tu auras de plus la chance de porter la tente, et toi Lola, les sacs de couchage pour tout le monde. Est-ce que vous m'avez comprises ?

Lola hoche la tête tandis que je lui réponds un « oui » franc. Il nous tend alors la carte, une boussole, cinq lampes frontales et nous désigne le fond du couloir en nous expliquant que nous y trouverons nos sacs déjà remplis. Il nous laisse ensuite disposer en nous souhaitant bon courage. La porte se claque derrière notre passage et nous nous regardons dans les yeux avec Lola. Elle est magnifique.

Moi : Je sens qu'on va passer une bonne nuit.

Lola : Faut pas tarder, le soleil ne va pas nous attendre.

Moi : Ok, qui s'occupe d'informer les autres ?

Sans me répondre, elle fonce vers notre dortoir, défonce la porte, s'arrête à l'entrée et croise les bras. À son regard, je sens que les filles vont prendre chers. Je suis pour une fois contente de ne pas être en face de Lola et son visage menaçant.

Lola : Celle qui nous a dénoncé aura la joie d'apprendre que nous sommes TOUTES punies. Rhabillez-vous, on s'en va dans cinq minutes.

Elle sort, me laissant seule devant trois têtes livides.

Moi : Faites pas les innocentes, on nous a dit que toutes les punitions étaient collectives. On dort dehors ce soir, et si vous ne voulez pas marcher de nuit, il faut qu'on parte maintenant. 1h de rando aller puis 1h retour. Retour ici avant 9h, sinon tomberont des conséquences plus lourdes encore.

Salomé : Quoi ?! Mais c'est vous qui...

Moi : C'est la règle. Et c'est pas moi qui fait la règle. Mettez vos chaussures, on va pas vous attendre dix mille ans.

Heva saute de son lit et fais ses lacets. Avant même d'avoir relevé la tête, elle donne les premières consignes. Lola nous rejoint et dépose les cinq sacs devant elle.

Heva : On prend les mêmes rôles que ce matin. Et on communique, par pitié. Hein Lola ? Il faut aussi organiser des tours de garde pour la nuit. Par deux, toutes les trois heures. Si on se couche à 22h, on a besoin de 3 tours de garde. À sept heures tout le monde debout, et départ vers 7h30.

Moi : Ça me paraît bon.

Heva : Pour les duos, 22h-1h ce sera Salomé et moi. De 1h à 4h, Vanille, avec... une d'entre nous qui voudra bien faire un tour supp. Puis de 4h à 7h, Ash et Lola. C'est ok pour vous ?

Salomé : Pourquoi tu mets Ash et Lola ensemble alors qu'elles peuvent pas s'entendre ? C'est con.

Heva : Justement, elles seront bien obligées de se forcer.

Encore une fois, Heva touche juste. Je m'apprête à me proposer pour le duo avec Vanille quand Lola me prend de vitesse.

Lola : Je veux bien faire les deux tours de garde. Je ne suis pas fatiguée.

Menteuse. Tes cernes disent le contraire.

Vanille : Parfait ça me va.

Heva : Let's go alors.

J'ai tenté de t'oublierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant