Chapitre 27

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Je pousse la porte du café. Un jeune homme s'avance vers moi et me demande mon nom que je lui donne sans hésiter. Il m'indique une table au fond de la salle où est déjà assise une femme vêtue d'un blazer blanc et d'un pantalon en toile noir. De mon côté, j'ai choisi de porter une veste chic sobre qui laisse entrevoir suffisamment ma chemise blanche pour rendre ma tenue professionnelle. D'après Kris, il faudrait au plus vite m'acheter de nouveaux vêtements. Elle juge mon style vestimentaire d'« inexistant ». En attendant, pour mon rendez-vous d'aujourd'hui, ce style conviendra parfaitement.

- Bonjour mademoiselle Stellante. Vous avez fait bonne route ?

- Bonjour madame, répondé-je en m'asseyant en face d'elle. Et oui, merci de poser la question.

Depuis quand m'appelle-t-elle par mon nom de famille ? Et me vouvoyer en plus ! Je suis à peine majeure.

- Tout d'abord, je tiens à vous préciser certaines petites choses. Certes, à l'école vous êtes mon élève. Mais si vous acceptez ce contrat, alors vous serez aussi ma collaboratrice. Vous comprenez donc aisément que je ne puisse pas m'adresser à vous de la même manière dans ces deux-cas. Il faudrait alors bien délimiter les temps scolaires où vous m'avez comme professeure de français, et les temps professionnels où je serais votre collègue. Vous comprenez ?

- Parfaitement madame.

Vous l'aurez compris, j'ai décidé d'accepter la proposition d'aide de ma professeure de français. Enfin... de mon agent. J'ai pris le temps d'y réfléchir, j'ai posé la question à mes proches et même à Kris. J'en ai rapidement conclus que je ne pouvais pas refuser à nouveau une telle opportunité. On nous dit toujours qu'une main tendue n'apparaît pas deux fois dans notre vie. J'ai laissé passé la première parce que je me refusais à être heureuse et à continuer à vivre alors que ma sœur venait de partir. Et par respect pour elle, ses volontés, et mes volontés, je ne pouvais pas repousser une seconde chance qui m'était accordé. Peut-être que j'avais réellement du talent dans ce domaine après tout.

Le serveur m'interrompt dans mes pensées. Je commande un chocolat viennois tandis que mon interlocutrice prend un double expresso. J'aurais pu prendre un café, cependant j'en prends déjà deux tous les soirs afin de ne pas m'endormir lors de mes révisions.

- Bien. Dans un premier temps, j'aimerais que vous me parliez un peu de vous. Savoir qui vous-êtes me permettra de faire les bons choix pour votre accompagnement. Je suis consciente que ce ne doit pas être facile de vous confier à une presque inconnue de cette façon-là. Mais je mets un point d'honneur a entretenir les meilleures relations possibles avec mes comédiens.

- Je n'ai pas l'habitude de parler de moi. Habituellement, je laisse les autres faire.

- Je vois. Eh bien, j'ai 32 ans, je vis seule dans un petit appartement proche du lycée avec mon chien. Il s'appelle Louri, et je l'emmène souvent avec moi au parc du coin. Tous les matins, je me prends un croissant à la boulangerie et je viens au travail en vélo. Depuis que j'ai laissé ma voiture au garage il y a quelques mois, j'ai décidé de m'en passer et de ne me déplacer uniquement à pied ou en transport en commun. Ensuite, j'aime bien les restaurants chics, mais pas les gastronomiques. J'ai du mal à comprendre l'intérêt du consommateur à payer deux fois plus cher pour un plat organisé minutieusement. Et pourtant je travaille indirectement dans le domaine artistique. Enfin, le jour de mes dix-huit ans, je me suis fait tatouée l'épaule sur un coup de tête. C'était la meilleure et la pire idée de toute ma vie. À vous.

La dernière anecdote m'a décroché un sourire. Qui aurait-pu penser voir ma professeure angélique et innocente avec un tatouage ? Je n'ose même pas imaginer sa réaction le lendemain quand elle a pris conscience de son acte, ce devait être une scène terriblement drôle.

J'ai tenté de t'oublierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant