23 - Enterrement

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     Le bruit des pensées d'Ozymandias était si fort dans son esprit qu'une bombe aurait pu exploser à côté de lui qu'il ne l'aurait pas entendue. Ray venait de quitter la maison de Deedee un peu de mauvaise humeur ; lui et le jeune homme avaient argumenté sur sa présence ou non à l'enterrement.

     Deedee, quant à elle, ne pouvait donner tort à aucun d'entre eux. D'un côté, si Ozymandias était présent, il était clair et certain qu'il serait exposé aux Prophètes et à un potentiel danger imminent, mais de l'autre côté, c'était un bon moyen d'appâter les Prophètes pour les forcer à faire le premier mouvement qui pourrait les incriminer. Durant la conversation, son regard avait fait des aller-retours entre les deux hommes, sans qu'elle ne puisse intervenir. Ils avaient tous les deux raisons, et ils avaient tous les deux tort. Cela ne l'arrangeait pas vraiment. Seul ses trois chats semblaient s'être délectés de cet échange, leur yeux perçants fixants Ray et Ozymandias.

     C'était Ray qui avait fini par céder, à la seule condition de déguiser quelques officiers en personnes assistant à l'enterrement. Ozymandias avait haussé les épaules. Du moment qu'il assistait à l'enterrement, c'était pour lui le plus important. Le shérif était parti un peu brusquement, non sans avoir adressé un regard désolé à Deedee.

     Ozymandias n'avait pas beaucoup dormi. Il avait passé une bonne partie de la nuit sur le toit avec Cyrus, sans réussir à arrêter de pleurer. Le plus grand n'avait rien dit, s'étant contenté de le prendre et de le serrer dans ses bras. Le jeune homme avait finir par s'endormir et lorsqu'il s'était réveillé, il se trouvait dans son lit. Il en avait conclu que Cyrus l'avait reposé dans sa chambre, avant de repartir par la fenêtre, qui était restée grande ouverte.

     À présent, il était devant le miroir de sa salle de bain, à regarder ses cernes et à tenter de dompter ses cheveux. À vrai dire, il faisait plus des gestes mécaniques pour s'occuper les doigts, sans quoi il serait en train de se ronger les ongles. Minuit choisit ce moment-là pour pousser la porte de la salle de bain avec sa tête, et elle s'empressa de venir se frotter aux jambes d'Ozymandias. Décidément, le pantalon neuf qu'il portait n'avait aucune trace de son odeur, et ce n'était tout simplement pas supportable pour elle.

     À force d'entendre l'équivalent d'un petit moteur à ses pieds, Ozymandias détourna son regard un instant du miroir pour porter ses yeux sur l'un des chats de Deedee. Il soupira et se résolu à se pencher pour lui donner les câlins qu'elle réclamait.

« Ozymandias ? fit une voix en bas des escaliers, est-ce que tu es prêt ? Il est l'heure.

     Le jeune homme soupira. Minuit avait laissé une trainée de poils blancs sur son pantalon noir. Incapable d'en vouloir réellement à un chat, il lui administra une dernière caresse avant de descendre rejoindre Deedee.

     Cette dernière l'attendait en bas des escaliers. Ozymandias pinça les lèvres en la voyant. Il était si rare qu'elle porte du noir. Le jeune homme s'était malgré tout habitué à la voir porter des couleurs vives et chatoyantes, et la voir vêtue de cette façon ne fit qu'accentuer son angoisse. En le voyant trembler, Deedee se leva rapidement et le serra dans ses bras. Il ne répondit pas à son étreinte, n'ayant pas la force pour cela.

— Je vois que Minuit t'aime de plus en plus, constata-t-elle en jetant un coup d'œil à son pantalon.

— Ouais, j'ai pas réfléchit avant qu'elle ne vienne se frotter à moi.

— J'ai pile ce qu'il te faut, attend !

     Elle partit rapidement chercher un objet dans le salon qu'elle ramena à Ozymandias. C'était une petite brosse à poils fins.

— Tu peux essayer d'enlever les poils de Minuit avec, ça sera mieux que rien.

     Le jeune homme marmonna un remerciement à peine audible et entreprit de nettoyer un peu son pantalon. Il fut interrompu par quelqu'un qui toqua à la porte. Deedee sembla reprendre ses esprits et elle se dépêcha d'aller ouvrir à Ray. Les deux hommes se fixèrent sans ciller.

— Tu es sûr de toi ? demanda-t-il à Ozymandias. »

     Ce dernier répondit par un simple hochement de tête. Ray pinça ses lèvres et il invita Ozymandias à se lever. Ils se rendirent tous les trois dehors et Ozymandias s'installa à l'arrière de la voiture de police.

     Plus le trajet avançait, plus Ozymandias avait l'impression que son esprit partait loin, comme s'il refusait obstinément de se rendre compte de ce qu'il allait se passer. Et pourtant, ils finirent par arriver au cimetière. En temps normal, il y aurait eu une veillée, une cérémonie d'hommage, mais Ozymandias n'avait eu en rien le droit de faire quoi que ce soit à ce sujet. D'ailleurs, ce n'était même pas « Ozymandias » qui se tenait aux côté de Deedee, c'était « Neil ». Simplement « Neil ». Le jeune homme traina ses pas, suivant Ray et ils arrivèrent devant trois cercueils côte-à-côte dans la même allée du cimetière.

     Comme prévu, des officiers déguisés en civils arrivèrent sur les lieux quelques minutes après eux. Ray salua chacun d'entre eux d'un bref mouvement de tête. Le regard d'Ozymandias naviguait entre les trois cercueils, jusqu'à ce qu'il ne s'arrête sur celui d'Azarias. Comparé à celui de ses parents, le cercueil de son frère était minuscule. Le bois avait été teinté en un bleu nuit. S'il avait eu plus d'argent, Ozymandias aurait fait graver un dinosaure dessus.

     Alors que le maitre de cérémonie récitait des versets du livre saint qu'Ozymandias ne prenait même pas la peine d'écouter, plusieurs murmures se firent dans son dos. Il tenta dans un premier temps de les ignorer, mais lorsque Ray se retourna avant de pousser un long soupir, cela intrigua le jeune homme.

     Il se tourna à son tour et son cœur rata un battement lorsqu'il aperçut la silhouette familière de Madame Rosenberg. Et les larmes lui montèrent aux yeux lorsqu'il se rendit compte que la troupe entière marchait droit dans leur direction. Son cœur sembla fonctionner de nouveau et il accéléra drastiquement lorsqu'il reconnu l'immense carrure de Cyrus. Ils étaient tous là. Immédiatement, des murmures s'élevèrent toutes parts.

« Et si c'était eux ?

— Ils ne sont pas innocents dans l'histoire, c'est sûr.

     Ozymandias secoua la tête et il se racla la gorge pour les faire taire.

— Ils cachent quelque chose.

     Le jeune homme se tourna franchement vers eux.

— La ferme, dit-il en élevant la voix. »

     Le maitre de cérémonie détourna les yeux, soudainement gêné de l'interaction. Les officiers déguisés parurent outré du comportement d'Ozymandias, mais le regard assassin de Deedee derrière lui leur fit baisser les yeux.

     Le jeune homme observa Madame Rosenberg serrer la main du shérif. Ils semblèrent discuter quelques instants avant que ce dernier ne la laisse passer, elle et sa troupe. Le cœur d'Ozymandias s'apaisa immédiatement. Son regard s'attarda sur Cyrus, qui finit par lui adresser un sourire timide derrière ses lunettes de soleil rondes.

     Ozymandias, qui s'était tenu au premier rang durant toute la cérémonie, se surprit à reculer de quelques pas, pour être juste devant Cyrus.

« Merci d'être là, chuchota-t-il.

— Je ne vou... voulais pas que tu tr... traverses cette épreuve seul, répondit Cyrus sur le même ton, j'en ai simplement pa... parlé à Madame Rosenberg. Et ils ont tous voulu ve... venir.

     Le maitre de cérémonie reprit la parole et continua. Les membres de la troupes de cirque s'étaient mêlés à la foule. Le jeune homme attendit quelques secondes pour tourner sa tête vers Cyrus.

— Merci, répéta-t-il. »

     Cyrus sembla hésiter quelques secondes et il finit par tendre sa main couverte d'un gant pour caresser du revers de son doigt celui d'Ozymandias. Les deux hommes s'échangèrent un sourire timide avant de reporter leur attention à la cérémonie. C'était toujours aussi dur qu'avant de porter son regard sur le cercueil d'Azarias, mais ça l'était légèrement moins depuis que Madame Rosenberg et sa troupe étaient là.

Freak Show [MxM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant