28 - La plus étrange des matinées que les habitants d'Ojai eurent connue [2/2]

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     Il était vrai que Johnny Devereux n'était pas forcément connu pour son courage exemplaire. Il avait constamment peur de tout, à vrai dire ; de la nouveauté, du changement, de l'orage, du feu dans la cheminée en hiver, de sa professeure de mathématiques et de géométrie, de ses anciens camarades de classe (qui l'avaient à plusieurs reprises enfermés dans les toilettes), d'Ozymandias (qui l'avait lui aussi enfermé dans les toilettes), de sa mère, de chiens qui dépassaient la taille de la table basse de son salon, et surtout, il avait peur de décevoir son père.

     Mais maintenant, une tripotée de nouvelles choses venaient de lui faire peur. Ces hommes vêtus de noir qui avaient fait irruption dans le salon de Deedee, et il avait définitivement paniqué lorsqu'ils avaient sorti des couteaux et des armes à feu. Lui qui n'avait jamais souhaité de mal à quiconque, il était désormais terrifié et incapable de faire le moindre mouvement. La sensation du métal froid contre son crâne coupait court à toutes ses idées de fuite.

     Un nouvelle peur jusqu'alors inconnue naquit dans l'esprit du jeune garçon ; celle de la mort. Il savait très bien quel était le métier de son père, et à quel point ce dernier faisait tout ce qui était en son pouvoir l'en éloigner le plus possible. Mais actuellement, il était difficilement plus complexe d'être aussi proche de la mort. Les nerfs de Johnny avaient lâché depuis longtemps, et les larmes coulaient d'elles-même sur ses joues.

     Et lorsqu'Ozymandias était à son tour entré dans la maison de Deedee... Il avait été soulagé, l'espace d'un bref instant. Puis, beaucoup de choses qu'il ne parvenait ni à comprendre ni à interpréter s'était passé. Et actuellement, une pile de corps jonchait le sol de la maison de Deedee et Ozymandias n'était qu'une torche humaine. Mais il ne semblait pas avoir mal. Il le devina entièrement nu, et à chaque pas qu'il faisait, se rapprochant des hommes vêtus en noir, il laissait une marque calcinée de ses pieds sur le parquet. Ses yeux n'étaient que des formes jaunes sans iris ni pupilles, et Johnny fut sûr et certain d'avoir vu à ce moment-là le Diable. Au final, peut-être que ses anciens amis de l'école où il était avaient raison. Peut-être qu'effectivement, les Vasilakis étaient des suppôts de Satan. Peut-être qu'ils n'étaient pas vraiment une famille normale et classique, et peut-être qu'il n'aurait jamais du revenir s'excuser. Il n'en serait peut-être pas là, maintenant ; dans la maison de Deedee qui prenait feu petit à petit.

     Le Diable brûlait de colère devant lui, et il ferma les yeux en entendant l'arme pointée sur l'arrière de son crâne se désarmer. Cette fois-ci, c'était sûr, c'était la fin. Il entendit le Diable hurler son nom, et juste après la fenêtre du salon explosa.

     Johnny rouvrit les yeux. Une immense masse noire venait de sauter sur la fenêtre, et son poids venait de la faire exploser en des milliers de débris. L'homme qui se trouvait derrière lui poussa un cri de surprise et Johnny sentit une puissante rafale de vent lui faire presque perdre l'équilibre. Lorsqu'il se tourna derrière, l'homme qui le tenait en joue était maintenant à terre, inerte. Il devina au vu de l'angle du mur détruit et à la forme de son dos qu'on l'avait jeté avec tellement de puissance que sa colonne vertébrale s'était brisée en deux. Juste à côté du corps se trouvait une immense ombre. Johnny ne se rendit compte que c'était un homme seulement lorsqu'il tourna la tête vers Ozymandias.

« Fait-le sortir d'ici ! cria-t-il, et Deedee aussi !

     L'ombre ne dit pas un seul mot et courut dans une autre pièce. Johnny entendu un cri de peur, et l'instant d'après, l'ombre fondait sur lui à toute vitesse. Il cria à son tour, et avant qu'il n'ai eut le temps de réaliser quoi que ce soit, Deedee, l'ombre et lui était dehors, dans la rue, allongés sur le bitume.

     Johnny entendit un grondement de douleur. Il tourna sa tête et vit un énorme bout de bois dépasser de l'épaule de l'homme qui venait de le sauver. Il tendit douloureusement sa main et parvint à le déloger. L'homme tourna sa tête vers lui. Il portait des lunettes de soleil rondes. Un des verres était fendu et l'autre entièrement brisé. Ses yeux étaient rouges.

— M... Merci, parvint-il à articuler.

     Derrière lui, Johnny entendit des sirènes de police. Un poids s'ôta de sa poitrine. Deedee regardait sa maison en feu, les larmes aux yeux.

— Mes chats sont encore à l'intérieur ! Et Ozy aussi ! s'exclama-t-elle.

— C... Combien d... de ch... chats ?

     Deedee se tourna vers lui.

— Trois...

     L'ombre se releva avec difficulté et se rua vers la maison, avant de s'arrêter devant. Ce qu'ils croyaient être une cape se déploya. Il plia les genoux pour prendre de l'élan et s'éleva dans les airs.

— Mais qu'est-ce que... commença Deedee.

     Elle et Johnny furent interrompus par un crissement de pneus de voiture.

— Johnny ! hurla la voix de Ray derrière lui, Deedee !

     Ils se retournèrent tous les deux pour voir Ray se précipiter vers eux.

— Vous n'avez rien ?!

— Non, il... Il nous a sauvé, répondit Deedee, hésitante.

— Qui ça ? demanda Ray.

     Au même moment, l'ombre brisa la fenêtre du dernier étage qui donnait sur la rue et atterri sur le bitume. Dans ses bras se trouvait trois chats tremblants de peur, mais en vie. Deedee attrapa ses trois chats et les serra dans ses bras. Devant son apparence, Ray ne pu s'empêcher de poser la main sur son arme.

— Ozymandias est t... toujours à l'in... l'intérieur, articula-t-il avec beaucoup de difficulté.

— Ray, pose cette arme ! cria une voix derrière lui.

     Ray, Deedee et Johnny se tournèrent vers la voix. Madame Rosenberg venait de passer les barrières de sécurité sans peine et elle se précipita vers celui qui venait de sauver Deedee, Johnny et les chats.

— Morphée, tu n'as rien ? Tu peux te lever ?

— O... Oui Madame Rosenberg, ça va... Je crois.

     Hilda parvint à soutenir Cyrus. Derrière eux se trouvait de nombreuses voitures de police, les pompiers venaient d'arriver et l'entièreté des voisins de Deedee se tenaient derrière les barrières de sécurité, à une distance raisonnable des membres de la troupe de cirque.

— Où est Ozymandias ? demanda Hilda au petit groupe qui se trouvait devant elle.

— Il est en... encore à l'intérieur...

     La maison de Deedee brulait entièrement. Ray fit signe aux pompiers de se rapprocher avec leur lance et au même moment, quelque chose traversa le toit de la maison. Elle s'éleva haut dans le ciel et elle était en feu, resta quelques instants dans les airs avant que quelque chose ne tombe par terre dans un bruit sourd, suivit d'Ozymandias.

     Le jeune homme chuta au sol, et au fur et à mesure qu'il tombait, le feu qui l'entourait se dissipa. Cyrus eut une cri de surprise et il se rua vers Ozymandias pour le rattraper juste avant qu'il ne tombe par terre. Cyrus l'enserra dans ses bras, heureux de constater qu'il était juste évanouit, mais vivant.

     Ray se rapprocha de l'homme vêtu de noir qui venait de tomber par terre. Sa jambe formait un angle étrange avec le reste de son corps et une bonne partie de sa peau était brûlée. Ray se pencha au-dessus de lui. L'homme plongea son regard effrayé dans le sien.

— C'est... C'est moi qui ai fait ça, dit-il d'une voix haletante, c'est moi qui les ai tué ! »

     Ray secoua la tête. Il fit signe aux ambulances de se rapprocher. Les autres policiers dispersèrent la foule. 

Freak Show [MxM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant