Black Blood #1

VINGT-SEPT

Noé est au dessus de moi, dans l'obscurité de la chambre sa silhouette pourrait être indiscernable. Mais je le vois très clairement. Si clairement que je ne pense jamais réussir à oublier ce moment. Je ne me rappelle pas être entrée dans la chambre. Non plus de l'avoir laisser me rejoindre. Mais il est là. Il est bel et bien là. Son torse nu pèse sur le mien. Nos peaux se touchent et je brûle et je m'enflamme. La passion me dévore le cœur et les sens. Ses yeux sont si profondément ancrés dans les miens, ce sont mes repaires et mes rêves qui sont enfouis dans le vert de ses prunelles. Il respire fort, haletant alors qu'il va et vient et je crois que je me perds en lui et en moi-même. Ses canines, ses adorables canines dépassent de ses lèvres. Il m'a mordu de partout, j'ai la marque de ses dents sur chaque parcelle de ma peau. Je brûle.

Je brûle.

Il souffle mon prénom contre ma peau. Je me retiens de hurler le sien. Jamais je n'avais ressentie ça. C'est si différent de tout les contacts que j'ai expériencée jusque là. Plus fort, plus intense, plus agréable. Je le veux et il me veut.

Il m'a. Je l'ai.

Ses mains agrippent les draps du lit, les froissent et les plient et parfois quand l'intensité s'estompe assez pour que nous y voyons clairs il me caresse doucement la joue en gémissant les quelques lettres qui compose mon maudit surnom. Je lui griffe le dos, les épaules, je m'accroche à lui et je m'étouffe dans l'ardeur de cet ébat. Je m'y étouffe car je ne veux jamais plus respirer si ce n'est maintenant. Si ce n'est contre sa peau dégoulinante de sueur.

Je n'y vois plus clair. Je ne sais pas ce qu'il se passe. Mon esprit est embrouillé. Complètement abandonné à l'ivresse de mon désir.

Noé sent la sueur mais aussi le thym et l'alcool.

Sommes nous ivres ? Je n'arrive à me rappeler de rien.

Où sommes nous ? Quel jour est il ?

J'ai l'impression que quelque chose m'échappe.

J'ai l'impression qu'il y a

Un problème.

L'ivresse de l'amour qui me brûlait de l'intérieur s'estompe doucement tandis que mes esprits me reviennent.

Je brûle.

Je brûle de froid.

Je me consume sous le gel et la terreur.

L'image de Noé tremble, elle est frêle et étrange. Son regard n'est plus clair. Il n'est plus. Noé n'est plus.

Son corps me paraît soudain plus large, plus froid. Sa peau devient soudain affreusement clair. Mes ongles plantés dans ses épaules se détachent doucement, le contact m'est soudain insupportable.

Je ne vois rien, tout est flou. Je tourne la tête sur ma gauche. La fine main de Noé m'arrache un sursaut. Elle n'est plus fine et sombre, ses ongles ne sont plus les splendides ongles peints qu'il arbore au quotidien. Ses doigts ne sont plus ceux qui me gardent éveillés tard dans les tréfonds de mes fantaisies. Sa main est large, rugueuse, abîmée et blanche. Très blanche. Un tatouage l'a barre. Un rond parfait traversé d'une ligne fine et droite.

Je reconnais ce tatouage.

Les va et vient m'arrache désormais des gémissements de douleur. La terreur s'empare de mes entrailles. Les longues dreadlocks de Noé qui chatouillaient ma poitrine nue se révèlent à mes yeux. Elles ne sont plus de ce splendide noir de jais qui rendait la nuit une fervente dévouée, je ne vois qu'une longue tresse blonde. Blonde si claire. Elle se repose sur ma peau d'albâtre comme une corde prête à me nouer à vie à ce calvaire.