DIX-NEUF

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(Il ressemble beaucoup à Ezekiel, minus les tâches de rousseurs

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(Il ressemble beaucoup à Ezekiel, minus les tâches de rousseurs.)

Il fait bon. Le soleil brille mais ma peau ne me brûle pas. C'est une sensation étrange. Je me tâte et me demande si je suis réelle. Serais-je de nouveau morte ? Non, mes doigts glissent sur ma peau et mon corps répond à mon appel. Je suis là, en chair et en os. Je souffle, rassurée.

Il est plaisant de se savoir en sécurité.

Une bourrasque rugit et me balaye les joues, le corps et les pensées. Mes cheveux sont projetés en arrière et quand je vais pour les ramener autour de mon visage je dois retenir un cri terrifié. Ils sont noirs, noirs de jais sans le moindre fil blanc. Je les touche et tire sur eux mais rien à faire. J'ai bel et bien mal si je les martyrise, ce n'est pas une perruque. Et nouveau choc : ma peau est beige. Mes cheveux ne deviennent alors que le cadet de mes soucis. Je retourne mes mains dans tout les sens, mes ongles ne sont pas pointus. Ma peau est beige. Une couleur caramel un peu cireuse certes mais bel et bien beige. Je déglutis. Où suis-je ? Je suis dans un champ mais si je regarde bien je suis dans une chambre et quand je regarde à nouveau je suis dans une église délabrée. Je serre ma nouvelle chevelure autour de ma tête en un étau protecteur. Cette nouvelle enveloppe ne me sera pas retirée tant que je m'y accroche. Les décors changent sans cesse, je ne sais si je peux avancer. Je risque un peu, cela ne change rien. Le sol sous mes pieds est ferme mais tout autour de moi je passe d'une étendue verdâtre à un cimetière lugubre à un musée ou plutôt ce qu'il en reste. Je cligne des yeux. Je veux voir mon visage. Je veux me voir. D'une main tremblante j'écarte le maigre tissu qui me sépare de mon enveloppe charnelle. Sous celui-ci je trouve un corps enrobé, un corps n'ayant jamais été marqué par la chasse. Aucune cicatrice. Ma peau est brillante et douce. Beige mais presque bronzée surtout au niveau des chevilles. Quand je penche la tête en avant ma chevelure me tombe devant les yeux en une frange trop longue. Ces cheveux là sont épais et drus. Sales mais beaux. Ma poitrine est plus grosse, mes cuisses et mes fesses aussi. Actuellement je ne me reconnais pas du tout. Suis-je vraiment moi ? Je relève la tête, désespérée à l'idée de trouver un reflet quel qu'il soit. Un pas, deux pas, trois puis quatre et cinq. Je monte un escalier et avant d'avoir pu atteindre le sommet je ne suis plus sur des marches mais les pieds enfouis dans la boue jonchant un ruisseau débordant. Je me mets à courir, mes pieds foulent la terre, le carrelage, le verre, l'eau, la roche, le métal, le foin, la chair mais peu importe la vitesse à laquelle je cours rien de ce qui m'entoure ne semble jamais rester stable. Je veux crier un ordre quelconque, faire preuve d'une autorité mais mes efforts sont accueillis par un silence aussi désastreux que mes pensées en folie. Tintamarre incessant dans mon crâne fragilisé par la surprise. Mes pas me mènent éventuellement à un arrêt définitif. Je me percute à une paroi de verre froid et dur. Le choc résonne dans mon corps tout entier. Je recule et m'accroche à ce mur, je m'accroche à cette unique preuve que je ne suis pas la seule chose qui reste inchangée.

Puis quand mes yeux cessent enfin de papillonner je réalise que je fais fasse à un visage. Un visage inconnu se reflétant fébrilement dans la glace tâchée par ma main en sueur. Juste à côté de la trace laissée par mes doigts, je vois quelqu'un aux joues rondes et rougies par l'effort d'une course effrénée, un nez droit et pointue qui donne à ce joli minois un air strict, des lèvres pulpeuses rose chair et deux yeux en amandes bleu d'eau. Ils tremblent. En échangeant un regard avec cette fille je réalise que je ne la connais pas le moins du monde et pourtant elle me semble si familière. J'ai l'impression de l'avoir côtoyée tous les jours, tous les ans, toutes les décennies qui constituent mon existence. Et pourtant je ne sais ni son nom, ni le son de sa voix, ni l'expression faciale qu'elle offre quand elle sourit ou quand elle pleure. Je touche mon visage afin d'y essuyer la sueur et elle fait de même. Je me fige et elle aussi. Je porte une main hésitante à son visage gravée dans le verre et elle fait de même.

Black Blood #1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant