VINGT-ET-UN

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J'ai vécue beaucoup d'horreurs. Tellement que je ne les compte plus. J'ai pleurée et j'ai criée et j'ai voulue mourir tant de fois. Trop de fois. Mais jamais n'avais je connue ce genre de terreur. Cette peur coupable qui tords le ventre et hante les pensées au point de ne plus trouver le sommeil. C'est tordant, c'est affolant et terriblement difficile à endurer. Si bien que la vie en devient compliqué dans son entièreté. Certaines choses perdent leur goût, leurs sensations, leur raison d'être. Manger n'est plus aussi rassasiant, dormir n'est plus aussi reposant, lire un livre n'est plus aussi grisant, s'habiller n'est plus aussi complaisant. C'est dur. C'est dur de vivre avec cette peur dans le coin de l'esprit qui nous rappelle la facilité avec laquelle on usait de vivre tout juste hier. Cette facilité que l'on ne ressent plus. Car tout devient extrêmement compliqué.

C'est ce que Mebus est pour moi. Quoi que je fasse ou vive je l'ai quelque part dans mon esprit, une sorte de parasite insistant qui me donne la gerbe en permanence. Tout cela parce que un soir, alors que je me pensais imbattable, immortelle même, et terriblement supérieur à lui, je l'ai sous-estimé. Et voilà où j'en suis. J'ai réalisée ce soir-là que ce qui arrivait à certains n'avait rien d'unique à eux et que je n'étais pas protégée des intempéries de la vie. J'ai réalisée que je n'étais que moi, une enfant égoïste qui n'a jamais vraiment grandie car on lui a inculquée qu'elle était plus forte et plus intelligente que la majorité. Et donc en conséquence elle n'a jamais essayée de devenir quelqu'un à part entière. Elle n'a jamais essayée de devenir plus que le pantin et l'enfant obéissant. Et ce soir-là je suis devenue une acculée, une bête en fuite, un animal et une idiote. Si bien que c'en était ridicule. Je suis sûre que Mebus en garde un souvenir très amusant. Sûrement est-ce à cause de cette image qu'il s'est fait de moi qu'il s'acharne à me posséder. Qui ne voudrais pas du tigre au caractère de chaton ? Une pierre deux coups : beauté et obéissance.

Et toutes ces pensées, tout ces doutes, toutes ces jérémiades me reviennent brutalement en tête. Elles se percutent et fondent les unes dans les autres. Mon esprit est en décombres et ma logique est six pieds sous terre.

Je m'écrase au sol.

Encore.

Il me tient par le poignet.

Encore.

Il a l'air haineux mais je vois bien qu'il jubile.

Encore.

Ses gestes m'inspirent violence et douleur malgré leur lenteur.

Encore.

Et quand je le regarde dans les yeux je ne peux me résoudre à laisser les choses recommencer. Je ne veux pas d'aide. Je ne veux pas être l'enfant pathétique. Je ne veux pas que les choses se répète inlassablement jusqu'à ma mort.

Je lui mets un coup de pied dans le ventre avant qu'il ne me bloque sous son poids et m'évade en roulant sur le côté. Mes cheveux s'accrochent au sol pavé que l'on a tout juste retrouvé après que mon ombre ait disparue. Je ne la vois plus à mes pieds ni dans mon dos à fuir le soleil. Elle ne reviendra que bien plus tard. Je balaye les innombrables gravillons qui me collent aux vêtements et saisie ma faux à la va vite. Jetée au sol, laissée là comme une âme en peine.

Quand Mebus redresse la tête j'ai l'échine en feu et mes pieds me font un mal de chien, j'ai tapée dans son armure d'écailles de toutes mes forces si bien que je crains l'entorse. Je l'ai mis terriblement en colère. Tandis que ses ailes se rétractent dans sa chair, de la même manière que je rangerais un cintre dans mon armoire, il jette instinctivement sa tête en arrière, un râle douloureux lui échappe. Ses doigts se contractent sur ses paumes y laissant ainsi des marques en croissants de lune et dès que la douleur s'estompe il les frappe brutalement au sol avant de tourner vers moi un regard noir de haine. Comme si j'étais responsable de sa douleur. Dans cette position, à genoux par terre, les deux bras appuyés devant lui enfoncés à même le sol et les yeux brillants j'ai l'impression de faire face à un dragon. Un véritable dragon fait d'écailles et de griffes. Ses écailles ont d'ailleurs recouvert l'intégralité de son corps à l'exception de son visage, je le soupçonne de haïr son apparence bestial. Il se lève et chancelle légèrement en s'approchant, ses deux tresses ondulent sur son torse au rythme de ses pas et ses dents en pointes crissent quand il ouvre la bouche pour siffler sa fatigue et sa colère. Je cache tant bien que mal le dégoût qu'il m'inspire.

Black Blood #1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant