UN

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Je n'ai jamais entendue la voix de mes parents. Je ne les connais pas pour être plus clair. Jamais vue. Jamais entendue. Jamais existé.

Je ne suis pas intéressée pour autant. J'aurais pu l'être. Avant. Mais j'ai 24 ans. J'ai passée l'âge des ours en peluche, des berceuses et des câlins avant de s'assoupir. Passée l'âge de vivre sans soucis. Et je ne me plains pas. Je ne suis pas la seule. Nous sommes tous pareils. Ceux aux sang qui n'est pas rouge. Et plus que tout je plains ceux dont le sang n'est pas rouge que d'une maigre teinte. Si près de la normalité mais incapable de la posséder. Les chasseurs sont des monstres. Des hommes nés avec dans les veines un sang qui vire au noir, jamais entièrement. Souvent plus rouge que noir. Souvent marron. Souvent immonde, semblable à de la boue. Et ces hommes sont des offrandes. Des hommes et des femmes dont le sang attire les monstres. Des hommes nés pour mourir. Des appâts. Des proies immanquables. Mais la vie les as tout de même gâtés de la beauté, de sens plus aiguisées, de petits avantages comme pour leur souhaiter bonne chance dans l'enfer que sera leur existence.

Tu ne seras pas homme. Tu seras monstre. Monstre aux traits fins. Monstre aux yeux captivants. Monstre si beau qu'il en est effrayant. Monstre avec des millions de facettes. Monstres maigre, monstre potelé. Monstre au nez pointu, monstre au nez rond. Monstre femme, monstre homme. Tu seras monstre. Tu seras le monstre des hommes et la proie des monstres. Et tu te distingueras de par ton sang.

Je ne suis pas un monstre. Je pense que je suis le pire de tous. Car mon sang à moi. Il est noir. Noir ébène. Noir noir noir noir noir noir. Plus noir que la nuit. Pas une once de rouge. Pas une once d'humanité. Et j'ai la peau si blanche que mes veines se voient. Mon sang noir circule aux yeux de tous. Et je pleure et pleure et pleure. Et j'accepte. J'accepte cette couleur. J'accepte mes oreilles en pointes. J'accepte mes yeux si clairs que parfois on croirait que je n'ai que des pupilles. J'accepte mes cheveux blancs qui tombent en cascade. J'accepte tout ce qui fait de moi un monstre. Je le tolère. Je me regarde dans un miroir et me dis :

Non, je ne prendrais pas soin de toi. Mais oui j'accepte que tu sois là. Je ne te changerais pas. Ainsi soit-il. C'est moi. Ce reflet c'est moi.

Et je me le répète. Assez de fois pour ne pas en douter. Je cache mes racines noires. Je cache ce qui m'humanise. Car je ne serais pas humaine. Les gens ne veulent pas de moi que je le devienne. Que je leur montre que je pourrais l'être. Je l'accepte. Oui je suis un monstre. Regardez moi. Tremblez dans vos bottes, voilà le monstre. Voilà le monstre si beau que les enfants croient voir une déesse. Le monstre si effrayant que l'on ferme les volets sur son passage. Le monstre qui tue et qui boit le sang de ses victimes. Le monstre dont les vêtements empeste le métal. Le sang séché.

Non ne criez pas. Le monstre s'en va. Il n'est que de passage. Ne lui jetez plus de pierres. Le monstre n'aime pas. Ne faites pas couler son sang. Car les autres monstres viendraient le lécher du sol. Ne vous attirez pas une telle nuisance. Sinon le monstre devra revenir vous en débarrassez. Sinon vous devrez le payer. Sinon vous devrez accepter qu'il vous a aidés.

Mais n'ayez crainte, le monstre ne vous en veut pas. Lui aussi se jetterait des pierres.

Je ne vous en veux pas. Je vous comprends.

Mais l'enfant à l'intérieur de moi

vous

hait.



Je suis un monstre.

Black Blood #1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant