Black Blood #1

TRENTE-DEUX

Je ne suis pas rentrée en contact avec Gadmé depuis un très long moment. Ma dernière interaction avec elle me fait revenir au moins trois ans en arrière. Lors de la dernière apparition de Amontéen. Il avait ressurgit après quelques décennies dans les environs de Grurrord en suivant les marques laissées par les nains. Il ne s'aventure que rarement aussi proche de la surface mais comme tous les Uniques il a tendance à ne pas suivre nos prédictions et a toujours revenir nous emmerder.

Bien que ce ne soit pas le plus dangereux des monstres uniques il représente tout de même un danger conséquent. C'est une amalgame d'horreurs rampantes qui creuse les sous sols des Landes Unies et cela depuis la nuit des temps, quand il remonte il engloutit villes et montages sur son passage comme une sorte de baleine échouée qui ne saurait quoi faire de son corps. Il est impossible pour un seul et unique chasseur de le tuer. En tout cas je ne le pense pas. Je ne l'ai jamais vu mais je l'ai étudiée. De fond en comble et cela jusqu'à en baver. Considérant sa taille et sa vitesse il est impossible qu'un gabarit humain puisse l'égratigner.

Il suffirait de ne pas croiser son chemin pour survivre; mais les dégâts collatéraux qui l'accompagnent à chacune de ses remontées ne peuvent pas être ignorés.

Il y a trois ans il n'a fait aucune victime mais il a causé plusieurs éboulements de terrains et tremblements de terre causant la fermeture définitive de certaines voies souterraines appartenant aux nains. J'ai été envoyée en repérages dans les mines avec deux autres chasseurs qui ne sont désormais plus de ce monde. Gadmé m'avait expliquée l'ampleur de ma mission et elle m'avait grandement aidée. Bien que je ne puisse la considérer comme une amie j'espère pouvoir compter sur son amabilité une nouvelle fois.

Mais je n'ai pas été conviée chez les nains cette fois là et je suis recherchée par le Conseil. Rien ne me garantit la sécurité ici bas. Les nains ont un accord ferme et inébranlable avec Mebus, ils peuvent garder leurs terres et leur appartenance mais ils doivent en retour lui venir en aide dès qu'il en a besoin. Ils n'ont pas vraiment le choix.

Mebus leur a imposé une liberté factice ou une vie d'esclavage. Je ne sais même pas ce qu'il aurait fait des mines si elles étaient en sa possession puisque les sous sols ne sont en rien l'expertise d'un dragon. Probablement voulait il mettre la patte sur plus de terres. Encore un de ses caprices immatures.

Les nains ont eu à en pâtir. Là est le seul problème.

Mes pensées me font bouillir sur place. Si Ezekiel semble fondre d'angoisse moi je me consume à force de trop penser. Il est vrai que je suis venue ici avec en tête une idée très claire. Celle de me faire aider par les nains et de poursuivre mon voyage dès lors que j'aurais sur mon dos une fourrure bien chaude. Mais il n'est pas improbable que les nains aient eu pour ordre de me tuer. Après tout, pourquoi Mebus me rendrait il la tâche facile? Lui qui a déjà vendu mon nom comme celui d'une espionne d'Arcendale.

Pour autant je ne ralentis pas la cadence. Ce n'est pas comme si je pouvais me le permettre. Meredith ne survivra pas cinq secondes de plus pour laisser à mes pensées paranoïaques le temps de suivre leurs cours. Noé ne pourra pas non plus se sauver la peau plus vite juste parce que je m'effraie toute seule. Je ne peux pas traverser le blizzard sans vêtements plus chaud. Je ne peux pas non plus faire marche arrière. Je n'ai pas le choix. Je n'ai pas le choix. Je n'ai pas le choix.

Je suis si proche. Si proche.

Mebus n'est que à quelques heures de marche. Si proche.

Ma mort est si proche.

Une mélodie. Un chant familier, celui d'une radio malfonctionnelle. Le bruit de rails usés. Les ampoules qui grésillent. Des voix distantes.

"Nous y voilà." Dis je d'une voix qui se veut assurée.