Black Blood #1

TRENTE-TROIS

Je donne un coup de pied malhabile dans la neige, regardant la texture compacte coller à ma botte. Je suis incapable de voir si la neige s'accroche à la fourrure à cause de la couleur blanche de mes vêtements mais a en juger par la lourdeur de mes pieds je dirais que oui. Ezekiel traîne derrière moi, il ne craint pas le froid mais il craint visiblement les randonnées. Je suis obligée de me retourner en permanence pour m'assurer que la neige n'est pas tombé plus vite qu'il n'a su lui échapper. À ce point la je ne peux que questionner mes choix de coéquipier. Son adorable tête de fouine ne le sauvera pas indéfiniment de mes reproches.

"Avance," Lui dis je en haussant la voix pour qu'il m'entende par dessus la tempête. "On y sera jamais avant la nuit sinon.

-Tu sais où on va au moins ?!

-Bien sûr que oui, tu crois que je me diriges à l'aveuglette ?!"

Je n'entends pas sa réponse mais je le vois très distinctement marmonner et lever les yeux au ciel. Sa fourrure le couvre des pieds à la tête et seules les lames de sa tronçonneuse dépassent dans son dos. Il s'enfonce dans la neige et en est malencontreusement recouvert. Je le suis sûrement aussi soyons francs. Mais le fait que je sois drapée de blanc n'en donne pas l'impression.

Je me demande si on arrive à me voir depuis une certaine distance. Je me demande si Mebus arriverait à m'apercevoir depuis chez lui. Dans son grand manoir avec ses grandes fenêtres et son grand panorama qui donne sur l'entièreté de la montagne.

Je grince des dents et me détourne d'Ezekiel qui, malgré mon avertissement, n'avance pas plus vite. Je ne sais pas précisément où est le chasseur de Grurrord mais ce dont je suis sûr c'est que, à chaque réunion, il était celui avec la plus faible odeur. Cependant bien qu'elle soit infiniment dure à percevoir elle était distinctement délicieuse.

Il sent les baies. Et le sang qui l'imbibe n'est pas aussi infecte que celui de nous tous autres.

Dû au faible taux d'apparition des dragons il ne peut pas empester leur sang, c'est la seule chose qu'il tue et il en croise un toutes les cinq lunes. Et ça c'est la majeure différence qu'il a avec nous autres chasseurs. Il sent simplement les baies. Des baies qui ne sont présentes que dans les forêts ouest de Grurrord.

Je ne suis pas sûre de moi. Pas sûre du tout. Mais pour qu'il sente aussi fortement la baie il doit en consommer couramment.

Les bruits de couloirs m'ont appris qu'il vivait sur un des sommets de la chaîne. C'est pour cela que j'ai cherchée sur la carte le sommet le plus proche de la forêt. Et il s'agit de celui qui est juste en face de nous. C'est un pic de glace gigantesque. L'érosion dû aux années l'a dangereusement affiné. Je ne sais comment quiconque pourrait y vivre. Mais si il n'est pas ici alors il n'est nul part.

Je m'arrête et reprends mon souffle, les flocons viennent se coller contre mes joues lorsque je lève la tête. Leur froideur ne rivalise pas avec celle de ma peau, cette réalisation ne manque pas de m'angoisser. Une main gantée vient se poser sur mon épaule et se fondre à l'épaisseur de ma veste. Je me tourne pour faire face aux yeux dubitatif de mon coéquipier. Son souffle quitte ses lèvres rapidement et se transforme immédiatement en nuage blanchâtre. Nos souffles gèlent avant même d'échapper à nos bouches.

"C'est là ?" Me demande t-il sans avoir à crier pour se faire entendre cette fois.

"Normalement." Je déglutis. Me frotte les bras. Et lève les yeux vers le sommet.

"Comment on doit monter ?

-Je présume qu'il doit utiliser quelque chose pour monter, quelque chose que l'on pourrait utiliser, à moins qu'il ne sache voler.