Sketchs de Noé
"J'y penses depuis un moment déjà," Commence Ezekiel d'une voix monotone et rauque. "Mais Doovehill est vraiment trop moche."
Après mon explosion d'émotions nous avons tout deux pris des distances évidentes. Aussi bien physiques que mentales. Il ne laisse même pas sa main frôler la mienne et moi je ne peux m'extirper de cette impression viscieuse que j'aurais préférée être réconfortée par Noé plutôt que lui. Ce qui est, et ça va sans dire, une pensée de garce. Ezekiel m'a pris dans ses bras, m'a réconforté et a essuyé mes larmes. J'ai reculée, j'ai fuie et j'ai ignorée nos pensées qui chantaient à l'unisson que quelque chose de plus couvait sous nos carapaces.
Je passe une main dans mes cheveux mal soignés, leurs pointes hirsutes partent dans tous les sens. Mes pensées sont une tornade incessante d'émotions injustifiées et de peurs enfantines. Je n'en peux plus. Pourtant je me sens un peu mieux. Mieux qu'hier. Mieux que le jour avant celui là. Mieux que durant toutes les années de ma vie. Je ne m'étais jamais ouverte à qui que ce soit. À part Noé peut-être, durant une soirée difficile où j'aurais renversée mon cinquième encrier. Il aurait tendu l'oreille pendant que je criais au diable d'aller se faire foutre si jamais il existe et aurait noté dans un de ses dossiers "s'énerve facilement". Un simple cri de ma part pourrait lui rapporter une bourse si garnie qu'un mineur la tâtant pleurerait en découvrant un diamant, le jaugeant trop petit pour lui rapporter autant. En bref Noé se fait une fortune sur le dos des autres et de toutes ses cibles je dois lui offrir matière à divertir.
"Je trouve que ça a un charme." Répondis-je à mon interlocuteur.
Et je ne mens pas. Doovehill n'est pas une laideur. Il s'agit simplement d'un endroit laissé trop longtemps à l'abandon.
"Tu mens, il n'y a pas de charme à un pot de chambre mal nettoyé.
-Ne compare pas tout et n'importe quoi.
-Je compare ce qui peut être comparé tigresse." Il marque une pause, il a retiré une de ses bagues et la fais tourner dans le creux de sa paume. "On va où d'ailleurs ?
-Je te l'ai dit six cent fois déjà, on va voir des amis.
-C'est une façon poétique de dire qu'on va visiter un cimetière ?
-Oui si tu veux." Le coupé-je avant qu'il ne dérape. "Moins tu poseras de questions stupides mieux je me porterais."
Ezekiel lève les yeux au ciel en grommelant et je me délecte du silence qui tombe enfin sur nous. Il parle trop. Trop de fois. Trop souvent. Trop inutilement. Et quand enfin il se tait mon cœur apprends de nouveau à battre.
C'est ridicule. Je crois que je ressens des millions d'émotions contradictoires toutes en même temps. J'ai la gorge bloquée et un sentiment inexplicable d'anxiété m'entrave la cage thoracique. Mais j'ai aussi envie de rire, mes peines sont légères et le son de ma voix n'est pas éraillé. J'ai l'impression de vivre comme tout le monde a vécu avant moi. Entièrement et complètement. Inoffensivement et naïvement. Bloquée dans une embrassade incessante de sentiments positifs qui naissent de rien. Enfouie sous des centaines de doutes et des centaines de peines et des centaines de maux qui se creusent un chemin jusqu'à mon âme. Mon corps s'enflamme et se glace et mes mains gigotent, caressent et jouent avec l'air. Tout me semble beau, tout me semble simple, tout me semble plausible et agréable. Mais tout est réaliste et tout me regarde en se disant : Quand réalisera t-elle qu'elle se créer des remparts ? Quand regardera t-elle enfin les choses en face ?
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Black Blood #1
RomanceUn homme qui vit son rêve. Un avenir de misère. De nouveaux dangers à chaque coin de rue. Lysithéa est perdue. Depuis sa tendre enfance Lysithéa ne connait que la chasse, la soif et la terrible envie de changement. Et voilà qu'on lui offre sur un pl...