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Minutes.
J'attends.
Nous avons tous été conviés autour de cette table de malheur. Ça arrive parfois. Les chasseurs se regroupent. On les oblige à se retrouver. À se comparer.
À deviner lesquels sont morts depuis le dernier rendez-vous.
Aujourd'hui quelqu'un est en retard. Ils ne veulent pas commencer leur stupide réunion tant que nous ne sommes pas tous présents. Autour d'une table en bois de chêne. Taillée à la perfection. Un travail d'artiste. 10 chaises. 9 personnes. 1 manquante.
Tic
Tic
Tic
Tic
Tic
Fait l'horloge.
On attends. Certains s'agacent. Et j'ai envie de leur dire de se taire. De leur dire que quand ils crient et grognent je n'entends plus l'horloge. Mais je ne dis rien. Je ne sers même pas les dents.
Ils les entendraient grincer.
Le retardataire est un nouveau. Être en retard est la pire des infamie que l'on puisse s'infliger. Nous en avons tous déjà fait les frais une fois au moins. Ҫa fait un mal de chien. La voix qui s'approprie notre esprit crie de plus en plus fort. Elle dit de venir. De venir. De venir. Vite vite vite. Viens ou meurt. Mais tout le monde est toujours venu. Les oreilles en sang. Les yeux parfois plein de larmes. Mais ce n'est pas grave, notre sang coule plus vite que nos larmes. L'un nous va mieux que l'autre.
Les vétérans se regardent tous. Moi. Offred. Ariana. Sulkys.
Les quatre vétérans. Les quatre chasseurs survivants. Pas des amis. Des camarades de misère. Mes camarades de misère.
"Il a du mourir en chemin! On peut pas perdre plus de temps." Gronde un chasseur aux veines sombres. "Mon territoire est le plus loin d'ici. Je vais mettre un temps fou à revenir !"
Leur discussion mène bon train depuis de longues minutes. L'énervement les porte. Moi je me tais. Je connais un secret pour rentrer. Il y a un passage dans le couloir qui mène au grand hall. Sous la troisième tapisserie sur la gauche en sortant. Un téléporteur.
Je ne sais pas si je suis la seule à l'emprunter. Généralement on le découvre par hasard. Ils ne nous disent pas qu'il existe. Pourquoi faire ? Ils ne savent pas si l'on reviendra une deuxième fois. Cinq mois entre chaque rendez-vous. Cinq mois pour mourir. C'est beaucoup. Trop même.
Ils. Qui sont-ils ? Ce sont des parents, des tortionnaires, des dirigeants, des employeurs, des bourreaux, des visages familiers, des noms.
Les chasseurs ne sont pas libres, ils ne le deviennent pas par plaisir. Ils le deviennent car ils n'ont pas le choix. Ils le deviennent sans savoir.
Leurs parents les vendent, les tuent, les donnent. Ils les vendent à ceux qui ont le pouvoir. Et on nous implante un cristal dans le corps. Il ne peut être retiré. La mort n'y change rien. Nos veines s'y accrochent, l'adopte comme un organe. Mais cet organe nous tue. Cet organe nous consume. Il pleure. Il veut du sang. Pas le notre. Il veut du sang de monstre. Du sang de vrais monstres. Alors nous lui donnons. Car si on ne lui en donne pas nous mourrons. Car nous avons en notre sein un organe qui nous prie de tuer ou nous tue.
Mais si nous le nourrissons, si nous lui obéissons alors il nous renforce, nous confère du pouvoir. Parfois même des capacités. Le cristal nous remercie, nous accorde de la force. Il nous accorde des armes pour tuer, des armes qui ne sont pas physiques.
Et le pouvoir grandit. Et l'orgueil aussi. Et la soif aussi. Et bientôt c'est le chasseur qui veut du sang et pas son organe. Et il boit. Consomme. Consume.
La force est une chose terrifiante. Elle ne semble jamais suffisante.
Je plie anxieusement mes doigts sur ma veste, retient un soupir.
Je le sens en moi. En ce moment même.
Du sang. Du sang. Du sang.
J̶e̶ Il veut du sang.
Un soupir. Je glisse ma main le long de mon visage, me masse les tempes. Ils ne semblent pas cesser de crier. Ça me rends dingue. Faites les taire. Dites leur de fermer leurs gueules avant que je ne les massacre. Je me sens bouillir. Quelques regards se tourne vers moi. Mais les crieurs ne se taisent pas. Leurs langues ne semblent pas connaître le silence. Je lève les yeux vers eux, Ariana me fixe. Son visage ne trahit aucune expression mais je ressens son anxiété. Je ressens la mienne aussi. Celle qui me prie de baisser les yeux et de me blottir dans mon silence. Mais j'ai tellement envie qu'ils se taisent que j'ai l'impression de brûler de l'intérieur.
Un claquement de porte. Un cri.
Ma colère tombe comme de la poussière au sol et le calme reprends le dessus.
Le voilà, le retardataire.
Il saigne. Ses tympans ont dus explosés. Ils le soigneront. Peu importe.
...
Sauf que son sang est rouge.

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Black Blood #1
RomansUn homme qui vit son rêve. Un avenir de misère. De nouveaux dangers à chaque coin de rue. Lysithéa est perdue. Depuis sa tendre enfance Lysithéa ne connait que la chasse, la soif et la terrible envie de changement. Et voilà qu'on lui offre sur un pl...