Chapitre 17 : Des cris dans la nuit

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Il ouvre le pan de toile épaisse et le maintient ainsi quelques instants. Il veut que Sidon voie que c'est lui, malgré la faible lueur de la lune. Quand son époux se tourne dans sa direction, prononçant son nom d'une voix ensommeillée et étonnée à la fois, il laisse retomber le tissu, et s'approche de leur couche en retirant ses vêtements. Cette fois, il n'aura pas le rut pour excuser sa brutalité, mais il s'en moque. Cet Oméga passe trop de temps à l'humilier en public. Il est temps qu'il le remette à sa place.

Malgré l'obscurité, il parvient sans encombre jusqu'à leur couche, se laissant pour cela guider par ses sens d'Alpha, par le doux parfum épicé qui se dégage du petit corps à proximité, et dont la crainte est presque palpable. Pour un peu, il en sourirait.

D'un geste, il écarte la lourde fourrure qui lui serre de couverture, tirant un petit cri apeuré à l'Oméga, et s'allonge à ses côtés. La paille déjà humide après quelques jours seulement le fait grincer des dents, alors que son corps s'était déjà habitué au confort de son lit sec. Mais à cet instant, il n'y a qu'une chose qui l'intéresse : Sidon est là, à portée de main, ils sont seuls, et les heures à venir devraient être assez calmes pour qu'il fasse résonner ses cris dans le camp.

C'est la première fois depuis leur mariage que Keril partage son lit. Sans même voir ses traits, il sait ce qu'il est venu chercher. Si la brusquerie de son geste l'a surpris, il n'en partage pas moins le désir de son époux de s'unir en dehors de ses chaleurs. Pourtant, quand les mains de celui-ci se posent sur lui, sa façon de le tenir trop forte, trop ferme, lui fait presque mal et il grimace en laissant échapper une plainte.

L'instant d'après, Keril l'oblige à prendre place sur le ventre, alors qu'il dénude déjà ses fesses.

La peau de Sidon est douce et chaude sous ses doigts, et il aimerait que leur mariage soit semblable à ceux des histoires que lui contait sa mère avant qu'il soit assez grand pour rejoindre le front, ces histoires où l'Alpha et l'Oméga s'aiment et s'unissent par choix, et non pour d'obscures raisons militaires et politiques. Mais cet Oméga est loin de l'aimer. Il se sert de lui, utilisant les ressources de Kaspaz, de son armée jusqu'au Roi lui-même, pour servir son intérêt. Hors de question qu'il continue de l'humilier sans en payer le prix.

Il prend place entre les cuisses fines, bien que tremblantes, qu'il n'a aucun mal à écarter. A ses oreilles, il ne sait si c'est son propre souffle ou celui de son époux qui résonne. Qu'importe. En un mouvement, il se glisse dans l'entrée chaude mais à peine humide, grimaçant de sentir leurs peaux tirer l'une l'autre, alors que Sidon pousse un cri de douleur.

_ Tu es mon Oméga. L'oublie plus. » gronde-t-il à son oreille avant de commencer à aller-et-venir en lui sans la moindre douceur.

Le Prince Consort gémit d'être ainsi étiré. Il espérait que son Alpha prendrait le temps de le toucher quelque peu, de l'exciter assez pour qu'il soit plus humide. Pendant leur nuit de noce, il avait mis sa brutalité sur le compte du rut. Mais force est de constater qu'il n'est pas plus tendre ou attentionné en-dehors. Il a beau crier sa douleur de n'être pas assez humide pour que ce soit confortable pour l'un et l'autre, rien ne semble pouvoir ralentir son époux.

Sidon hurle, et une part de lui ne peut que lui dire que ce n'est pas ainsi qu'il obtiendra ce qu'il souhaite de son époux. Mais ses cris sont aussi une part de ce qu'il souhaite, il veut le voir aussi démuni que lui l'est dès qu'il prend la parole. Ce sentiment de dépendre de lui, qu'un seul mot de sa part pourrait tout faire basculer, il n'en peut plus. Il veut que Sidon ressente le même désespoir, la même impuissance que lui ressent dans ces moments-là. Il veut qu'il sache ce que c'est de ne pouvoir que subir.

Keril continue de le prendre sans la moindre douceur, pourtant son corps répond à l'ardeur de son Alpha. Sous la puissance de ses coups de reins, son entrée se dilate. Sous sa vitesse, il s'humidifie. Peu à peu, à-coup après à-coup, entrées après sorties, le coït est moins douloureux et ses cris se chargent l'un après l'autre de plus de plaisir. S'il n'aime pas sa brutalité, il raffole de le sentir exercer sa puissance sur lui. Tout comme lors de leur nuit de noce, il y voit une preuve de sa capacité à le protéger. Il s'y plie avec d'autant plus de plaisir qu'il sait que son époux n'a pas eu sa chance de vivre préservé des horreurs de la guerre, qu'il a toujours vécu dans cet environnement de violence et de brutalité. Et même s'il avait espéré que porter sa marque inciterai le Roi à le considérer avec plus de douceur, ressentir la puissance et l'urgence de son désir lui convient tout autant.

Il entend la douleur se faire plus ténue dans la voix de son époux, alors que lui-même ressent plus de plaisir à se mouvoir en lui. Il ne parvient pas à savoir si la situation le satisfait ou non. Il n'arrive pas à déterminer s'il est heureux du plaisir qu'ils partagent ou en colère de ne pas parvenir à exercer sa revanche.

Un bruit à l'extérieur de la tente le fige un instant. Des soldats sont à moins de quelques pas. Alors il sourit, y voyant un autre moyen de faire subir à son Oméga ce que lui-même subit quand il parle. Sa voix n'aura jamais plus aux oreilles de quiconque les mêmes évocations.

Fort de cette nouvelle idée, il met encore plus d'ardeur à le prendre qu'il n'en avait mis jusque-là, tirant de nouvelles plaintes à son époux, pas moins chargées de plaisir, puisque c'est ainsi qu'il prend la chose, mais bien plus fortes, lui assurant que toutes les oreilles à portée de sa voix sachent que cet Oméga est sous le jouc d'un Alpha.

Il hurle à s'en déchirer la voix. S'il arrivait à formuler une pensée cohérente, il demanderait à son époux de ne surtout pas s'arrêter, de poursuivre malgré sa brutalité. Certes, il lui fait mal par moment, mais c'est par ailleurs si intense qu'il s'en moque.

Il se cambre un peu pour se libérer de la pression que son Alpha impose à son dos, mais il retombe dans l'instant, traversé par un éclair de plaisir plus intense encore. Mais c'est tellement bon qu'il cherche à se cambrer à nouveau, à goûter encore à cette douce violence.

Il croit devenir fou. Son Oméga n'a-t-il pas conscience que tout le campement doit entendre ses cris ? Non content de ne pas chercher à se contenir, il accompagne ses mouvements pour rendre leur échange plus intense encore.

Il doit cependant lui rendre justice. Sidon est un partenaire tout à fait délicieux, et chacun de ses mouvements leur donne plaisir à l'un comme à l'autre. Alors il prend peu à peu le temps d'embrasser la peau de sa nuque, de mordiller la place où il sait être sa marque. Et il ne peut que gronder d'entendre les cris de son Oméga se faire plus plaintifs, comme s'il subissait une agréable torture.

Friand de ce son magique, il laisse sa bouche se faire plus incisive, et finit par le mordre à pleines dents, comme pour le marquer une seconde fois. Et comme la première, Sidon hurle, son corps se tend, se crispe, et Keril bascule dans l'orgasme, faisant gonfler son nœud, se déversant dans l'intimité de son époux, alors que le petit corps s'écroule sur leur couche.

Il est à bout de souffle et remercie la géographie de laisser quelques jours de trajet à sa voix pour se reposer avant le prochain camp, tant sa gorge est douloureuse de ses cris. Pourtant, il n'arrive pas à se départir du sourire qui lui mange le visage. Il est certain d'une chose, le jour où ils voudront concevoir un héritier pour leurs deux royaumes, son Alpha n'aura aucun mal à éveiller sa matrice.

Au-dessus de lui, Keril ne demanderait qu'une chose : le plaisir de goûter une nouvelle fois à ses lèvres sombres. Il voudrait l'embrasser, achever ce coït par un échange plus doux, plus tendre. Il ne se rappelle même plus pourquoi il était en colère contre son doux Oméga. La seule chose encore présente dans son esprit est le plaisir que chacun à pris au corps de l'autre.

_ Je vais mettre des jours à m'en remettre. » rit la voix éraillée.

Et c'est comme une douche froide. Il a atteint son but. Son époux ne va plus pouvoir s'exprimer ces jours prochains. Il ne pourra plus lui voler le commandement de ses troupes par ses beaux discours.

Sur ce point, la satisfaction le gagne dans l'instant, mais fait aussi dégonfler son nœud sans tarder. Il ne retient pas un grondement amer en se retirant. Ainsi, quoi qu'il se passe, il ne peut rester satisfait ?

Une nouvelle fois blessé dans son orgueil, il s'allonge en tournant le dos au Prince qui demeure immobile, et se laisse gagner par le sommeil. Il y a trop longtemps qu'il n'a pas dormi.

Sidon se redresse et se penche sur le corps déjà assoupi de son époux. Il n'arrive pas à voir ses traits, pourtant il est convaincu qu'ils sont sereins. Un sourire sur les lèvres, il les pose sur la tempe encore humide de sueur.

_ Dors bien, mon Alpha. » murmure-t-il avant de se lover contre le corps chaud.

La Vengeance d'un Oméga [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant