Si le premier réflexe du Prince est de vouloir crier sa joie du retour de son père, son regard noir et dur le retient. A présent qu'il peut les voir côte à côte, il comprend mieux sa méprise du matin, quand, dans le char remontant l'avenue principale de la ville, il a pris Günter pour son père. Son cousin est le portrait craché de son Roi. A l'exception de ses lèvres noires, ils partagent la même large silhouette, la même posture guerrière, mais surtout le même regard.
L'homme aux cheveux blancs s'avance dans sa chambre, détaillant Sidon avec mépris et dégoût, sous l'œil ravi et mesquin de l'autre, dont la tenue sombre porte d'étranges taches brunâtres.
Se souvenant du protocole et espérant entrer ainsi dans les bonnes grâces de son père, le jeune homme reprend contenance et s'incline.
_ Mon Roi. Heureux de vous voir de retour et en bonne santé. J'espère que le chemin jusqu'à Ruhne ne fut pas trop éprouvant.
Il voit l'ombre s'approcher de lui, mais, alors qu'il va relever les yeux pour lui sourire, une douleur le saisit à la joue en même temps qu'un choc le propulse en arrière, les renversant, lui et les meubles que son corps fragile vient heurter. Il crie sous le choc, la surprise et la douleur qui se réveille dans son bras et sur sa joue. Relevant les yeux, il voit la main encore levée du coup que son père vient de lui porter au visage.
Aucun mot ne lui vient, son cerveau s'est arrêté. Tout ce qu'il arrive encore à faire, c'est à ressentir la douleur de son corps, et celle plus importante encore que lui inflige son cœur. Ainsi, tel est l'homme qu'il avait hâte de revoir, celui dont il pensait qu'il le défendrait face à la violence de son cousin, celui dont il est le fils, et dont il ne voulait rien de plus que l'affection de père. Les larmes lui montent aux yeux sans qu'il en ait le moindre contrôle, augmentant d'autant le regard haineux de son géniteur sur lui.
_ Pitoyable petite chose. » grince-t-il. « Gardes !
L'espace d'un instant, Sidon espère que l'arrivée des hommes en armes va mettre fin au cauchemar qu'il vit, mais les paroles de sa mère résonnent comme un écho dans son esprit. Puis, lui portant le coup fatal, il voit celle-ci être amenée, soutenue par ceux même sensés la protéger, ses jambes ne la portant plus.
Sidon n'ose plus bouger et son souffle s'est arrêté. Si son bras a noirci sous la poigne de son cousin, le corps de sa mère est lui couvert de traces de coups, certaines s'épanchant sous sa peau fine, d'autres saignants, tachant sa robe de lin en de multiples endroits, alors que Günter la regarde avec un air satisfait.
_ Mère ! » hurle le Prince, se redressant comme il peut.
Il veut courir vers elle, mais il est retenu par des gardes, lesquels n'ont cure de serrer ses bras au point de lui faire mal, y compris en serrant sur son bandage, lui faisant pousser un cri.
_ Ça va aller, Sidon. » relève-t-elle la tête avec difficulté.
Le jeune homme étouffe un cri d'horreur. Le visage si doux de sa mère est ravagé par les hématomes, les boursouflures et les plaies, dont le sang séché ne s'écoule plus. Les coups l'ont rendue méconnaissable aux yeux de son propre fils, et l'angle étrange de son nez n'y est pas plus étranger que ses yeux qui peinent à s'ouvrir.
_ Amala, tu m'as trompé en cachant un Oméga. » fait la voix sans appel du Roi, désignant leur fils d'un geste. « Et pour cela tu subiras le sort des traîtres.
A son côté, Günter sort un poignard de sa manche, les yeux rivés sur la Reine, son sourire mauvais dénonçant le plaisir qu'il anticipe de donner la mort. Il avance vers elle qui n'a pas la force de se débattre, alors que Sidon pousse un cri de désespoir de le voir armer son coup, attirant l'attention des deux bourreaux.
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La Vengeance d'un Oméga [Terminée]
Storie d'amoreAprès avoir vu sa mère être assassinée sous ses yeux, Sidon, le Prince de Ruhne, décide de fuir son royaume et de chercher de l'aide auprès de Keril, le Roi de Kaspaz, avec lequel son pays est en guerre depuis plus de vingt ans. Omégaverse médiévale