La Vengeance d'un Oméga [Terminée]

Chapitre 25 : Suspicion

La nuit de Sidon est hachée. Il la passe à guetter des bruits au-dehors, à surveiller le plus petit éclat de voix, le moindre choc d'armes. Et le fait de ne voir Keril à aucun de ses nombreux réveils n'est pas pour le rassurer.

A l'aube, comme lors de sa première nuit sous cette tente, les mouvements de son époux fouillant sa malle le réveillent. Un sourire doux naît sur ses lèvres. Son absence cette nuit n'est donc pas due à l'attaque furtive des hommes de Mared qu'il a craint jusque dans ses rêves, et il en est soulagé.

Il profite de la lumière matinale qui passe à travers le pan ouvert pour le détailler. Si le sarouel bleu pâle ne rend pas justice à ses jambes sculptées, l'absence de darâa lui donne l'eau à la bouche tant ses muscles jouent et roulent sous sa peau. Rien n'entrave l'appétit qu'il a de son corps, pas même les cicatrices qui le marbrent. Et puis, pour une fois qu'il peut observer son époux à demi nu, sans devoir lui apporter des soins, lui qui ne rejoint leur couche que dans l'obscurité.

Entre autres vêtements que son époux malmène dans ses recherches, Sidon voit passer l'épaisse cape de fourrure qu'il lui avait donnée à Kaspaz. Mais dans celle-ci, afin d'en protéger le contenu de la chaleur et des chocs, se trouve sa sacoche. Ou plutôt se trouvait, car les larges mouvements de Keril déplient la fourrure qui laisse échapper le contenant, lequel se vide à son tour éparpillant son contenu sur le sol. Le cliquetis des flacons attire l'attention royale, et un sourire naît sur ses lèvres.

_ Ha, voilà ma fiole de potion énergisante. » s'empare-t-il du flacon qui roule au sol.

_ Keril, non ! » hurle-t-il alors que son époux porte le goulot à ses lèvres.

Se jetant sur lui, il lui retire le flacon des mains et le rebouche sans attendre.

_ C'est quoi cette odeur ? » sent-il ses doigts. « Tu cherches à m'empoisonner ?

_ Je viens de t'empêcher de boire le contenu de cette fiole ! Si je cherchais à t'empoisonner, je t'aurais encouragé, ça aurait été plus logique, non ?

_ Alors que contient cette bouteille ?

_ Un onguent de ma préparation. Pour que mon intimité supporte tes assauts nocturnes.

Keril reste sans prononcer le moindre mot. S'il lui avait dit avoir préparé un remède pour sa gorge, pour soigner sa voix, il aurait compris. Mais aux cris de plaisir qu'il pousse à chacun de leurs coïts, il ne pensait pas...

_ Tu es un amant brutal mais je fais avec. » le sort-il de sa torpeur d'un ton pourtant dénudé de reproches. « Si tel est le prix à payer pour que tu me mènes à la victoire sur mon père et Günter, alors je le payerai. Mais ne me fais pas passer pour un empoisonneur. Et pour la millième fois : tu m'as marqué ! Ma survie dépend donc directement de la tienne. Tu ne trouveras pas plus loyal que moi envers toi, Keril.

_ Plus intéressé, tu veux dire.

_ Vois-le comme tu veux. » soupire-t-il en réalisant qu'ils s'embarquent dans une énième dispute stérile. « Il me reste des huiles de menthe et d'épinette. Les mêmes que la première fois. Tu voudrais que je t'en mette ? Même si une nuit de sommeil te serait bien plus profitable.

Il grogne en se souvenant combien les huiles de son époux lui avaient été d'un grand secours lors de leur rencontre. C'est toujours la même rengaine. Il a un problème, et Sidon a ou est la solution, le plaçant toujours dans la position honnie du demandeur, lui, le Roi de Kaspaz. Il ne veut pas avouer cette faiblesse, ce besoin qu'il a de lui. Mais il sait les performances de ces huiles, et, s'il est honnête avec lui-même, il veut sentir les mains de son époux sur lui, goûter à son contact léger. Il lui parle d'une nuit de sommeil, mais lui ne rêve que d'une nuit où il le garderait dans ses bras. Une nuit douce. Une nuit à ne faire que dévorer ses lèvres, sans aller plus loin, juste à l'embrasser. Mais il y a cette promesse qu'il lui a faite le soir de leurs noces.