La Vengeance d'un Oméga [Terminée]

Chapitre 15 : Confrontation

Tout en poursuivant sa course et en répétant son nom pour que les hommes ne tirent pas, il défait sa lourde cape, la laissant s'envoler derrière lui, montrant la fragilité de son corps sous le vêtement ruhnien.

A mesure qu'il s'approche, il ralentit l'allure. Derrière les palissades de bois, il voit s'élever l'une ou l'autre tête. Il a conscience d'être à portée de tir des archers. Un regard en arrière lui assure que son époux est, lui, hors d'atteinte, et malgré son glaçant regard d'or, il sait qu'il agit pour le mieux.

_ Hommes de Ruhne et du Désert ! » attire-t-il leur attention en s'arrêtant à quelques pas des palissades. « Combien de vos frères, de vos fils, de vos pères, de vos amis ou même amants, ont été tués pour ''la pureté de Ruhne'' ? Combien devront encore mourir pour que nous disions stop ? Pour que nous nous révoltions face à cette ignominie ?

« Regardez-moi ! Je suis né Oméga. Je ne sais par quel miracle mon père, le Roi Parag, m'a épargné, alors qu'il désignait mon cousin Günter comme son successeur. Ma mère, la Reine Amala, est morte de la main de Günter, sur ordre du Roi. Pour trahison, a-t-il dit.

« Dans quel genre de société est-ce un crime de protéger son enfant ? Quel genre de Roi fait assassiner une mère pour avoir évité la mort au fruit de ses entrailles ? Il n'a même pas eu le courage de porter le coup lui-même, ni même de la regarder mourir. Il m'aura fallu cette perte pour comprendre quel homme il est. » baisse-t-il la voix pour lui éviter de se briser, avant de se redresser, serrant les rênes pour garder le cheval devant les portes du camp.

« C'est pourquoi j'ai décidé de m'unir au Roi Keril. » désigne-t-il d'un geste le bataillon où se trouve son époux. « Afin de mettre un terme au règne de mon père, ainsi qu'à cette folie qu'est l'Epuration. Car oui, mon père est fou. Car seul un fou fait exécuter une partie de son peuple et envoie l'autre mourir pour une vaine conquête, quand des solutions plus pacifiques et bénéfiques existent. Sa folie n'est pas limitée au territoire malheureux de cette zone de front, elle meurtrie nos deux royaumes entiers. La folie d'un seul homme ne doit plus nous conduire à nous entre-tuer.

« Ne voyez-vous pas que le Roi Parag vous exploite pour mettre la main sur les terres de Kaspaz, mais que vous ne verrez jamais la couleur de cette victoire ? Si un jour Ruhne venait à vaincre Kaspaz, mon père et mon cousin vous enverraient sur un autre front, conquérir en leurs noms de nouvelles terres. Et vous n'auriez d'autre choix que d'obéir, d'autre choix que d'aller mourir plus loin encore de vos familles.

« Fils de Ruhne et du Désert, depuis combien d'années vivez-vous sur ce front, à rêver de revoir vos femmes et vos enfants, à prier pour qu'aucun d'eux ne se révèle Oméga ou ne soit devenu assez âgé pour à son tour venir mourir à petit feu dans ce camp ? Depuis combien d'années n'avez-vous pas dormi sans la crainte d'une attaque, ou pire, avec le souhait qu'elle se produise pour ne plus en voir les fantômes ?

« Je ne viens pas à vous pour que vous vous rendiez. Je viens à vous dans l'espoir que vous vous joigniez à moi. Pour qu'à mes côtés et à ceux du Roi Keril, vous vous battiez pour reconquérir ce royaume qui est avant tout le vôtre. Oubliez les discours de haine et les vaines promesses de ces dirigeants qui vous méprisent et se servent de vous. Vous n'avez rien à gagner à suivre un Roi qui vous pousse chaque jour un peu plus vers vos tombes.

« Je ne vous dirais pas que ce sera facile, qu'effacer vingt ans de guerre se fera en quelques jours. La rancœur est une chose tenace. Je sais que le chemin de la réconciliation entre nos peuples sera long. Je ne veux pas vous mentir. La confiance des uns envers les autres n'ira pas de soi, pas après toutes ces années de guerre. Mais, comme on nous a appris à nous haïr, nous pouvons réapprendre à cohabiter et à travailler ensemble, comme cela fut, comme cela sera encore, et comme cela aurait toujours dû être.