La trêve est signée. La dernière a près de dix ans. Si Sidon n'était alors qu'un enfant, il se rappelle qu'alors son père était rentré du front. Mais l'image de Parag, Roi de Ruhne, est d'autant plus floue dans son esprit, que cette accalmie dans leurs rapports avec le royaume de Kaspaz n'avait duré qu'une semaine, rompue par les agresseurs vivants à l'est. Alors, ce matin, en se regardant dans la glace de sa chambre, Sidon espère que celle-ci sera plus longue, voir qu'elle signera le début du retour de la paix pour leurs deux nations.
Il essaie en vain de dompter ses mèches rebelles, même s'il adore les voir manger un peu son visage, accentuant son air juvénile et, par contraste, rendant ses yeux marrons plus profonds. Après avoir appliqué un onguent pour protéger sa peau claire des morsures du soleil, il renforce encore un peu son regard en ajoutant un fin trait de khôl à la racine de ses cils, et passe du baume sur ses lèvres noires, héritées de son père. A Ruhne, selon la maxime populaire, le Roi est le plus puissant, après le soleil.
Il sourit à son reflet, satisfait de ce qu'il voit, espérant que son père le reconnaîtra malgré les années de séparations. L'astre brûlant n'étant pas encore très haut dans le ciel, il pose un châle sur ses fines épaules avant de courir à travers les couloirs de pierre et de sable du palais jusqu'aux appartements royaux.
_ Mère ? » passe-t-il la tête dans l'embrasure.
_ Je suis là, Sidon. Entre.
Suivant les indications de la voix douce, il s'avance jusqu'à trouver la Reine Amala, elle aussi devant son miroir. Au contraire de son fils, elle ne prend pas de soin particulier à se préparer pour le retour de son époux. Pourtant, le jeune homme ne peut s'empêcher de sourire devant la douce silhouette aux longs cheveux d'argents.
Mais, dans le miroir, sur le reflet d'habitude souriant, une ombre qui n'a rien d'artificiel occulte son regard.
_ Ne vous en faites pas, Mère. Vous êtes toujours aussi belle, et je ne doute pas que mon père sera de mon avis.
La Reine rive ses yeux surpris à ceux si semblables aux siens, avant d'adresser un regard plus doux à son fils, malgré un sourire contrit.
_ Ce n'est pas vraiment ce qui m'inquiétait.
Mais le jeune homme ne l'écoute déjà plus, penché vers la psyché, occupé à rectifier son trait de khôl du bout de l'ongle.
_ J'ai beaucoup changé en dix ans. Pensez-vous qu'il me reconnaîtra ? » ne quitte-t-il pas son reflet des yeux.
_ Je ne pense pas que ce soit ce dont tu devrais t'inquiéter.
Sidon se tourne vers sa mère dont les mots à peine murmurés attirent l'attention.
_ Vous parlez du fait que je sois Oméga ? » se fait sa voix moins insouciante.
_ Tu connais sa position, la position de notre royaume, sur les Omégas. Il...
_ Il l'acceptera, Mère. Je suis son fils. Son fils unique. Son héritier.
_ Ne prends pas tes espoirs pour acquis, Sidon. Même s'il l'accepte, ça ne sera pas sans un lourd tribut.
_ Soyez sans crainte, Mère. » la prend-il dans ses bras. « Je suis certain que tout ira bien.
Le son des trompettes résonne sur les hauts murs de sable et de pierre de la cité de Ruhne. Au sommet des marches donnant sur le palais royal, le jeune Prince grimace sous leur écho. On lui a demandé de se changer, d'adopter une tenue plus adaptée au retour de son père ;mais sur ses hanches fines, le long pagne blanc peine à rester en place malgré sa ceinture d'or, le large col posé sur ses épaules le fait paraître encore plus frêle, alors que la peau claire de son torse et de ses bras brûle sous le chaud soleil de midi, qui se réverbère sur les murs rendus blanc par la lumière. A ses côtés, la Reine Amala se tient droite, ne laissant paraître aucune gêne, sa robe de lin blanc pourtant alourdie par les épaisses ceintures et le large col brodé d'or de sa tenue d'apparat.
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La Vengeance d'un Oméga [Terminée]
RomanceAprès avoir vu sa mère être assassinée sous ses yeux, Sidon, le Prince de Ruhne, décide de fuir son royaume et de chercher de l'aide auprès de Keril, le Roi de Kaspaz, avec lequel son pays est en guerre depuis plus de vingt ans. Omégaverse médiévale