Chapitre 24 : Mises au point

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A l'aube, les tentes sont en grande partie rangées. Keril a prétexté vouloir lever le camp tôt pour profiter de la relative fraîcheur du matin. Sa tente est la dernière à être démontée. Mais si Sidon se lève à peine et est conduit sans détour à la charrette sur laquelle il voyagera aujourd'hui encore, le jeune Roi est déjà sur sa monture, au milieu de ses conseillers.

Son visage est plus fermé que jamais, et Exef n'est pas dupe de la raison. Il a bien vu que les ressources qu'ils emportent étaient plus importantes ce matin que la veille. Et cette augmentation, en de telles quantités, ne peut provenir que d'une seule source. Cependant, il ne relève pas, ne dit rien, et se contente de chevaucher aux côtés de son Roi. Qu'ils n'aient jamais été amis ne change rien à son constat : Zécop leur manquera à tous, aussi bien dans le quotidien que dans les prochaines batailles.

Les heures passent et ils avancent sans difficulté. S'il ne le montre pas à ses hommes, restant digne dans son deuil d'aujourd'hui comme dans celui de ses parents, le jeune Alpha souffre et se reproche la mort de son éternel détracteur. Certes, personne n'était plus à même que lui de diriger cette mission. Preuve en est, elle fut une réussite. Mais le prix n'en est pas moins lourd à ses yeux. Même sachant que Zécop ne l'aurait jamais laissé faire, il se reproche de ne pas avoir participé à l'expédition. Et d'autres idées, bien moins avouables, bien moins nobles lui ont déjà traversé l'esprit. Quitte à ce qu'il y ait des morts, il aurait préféré que ce ne soit que des Bêtas, de simples soldats. De toute façon, un de plus ou de moins dans cette guerre... Il chasse cette idée. Ce n'est pas parce que ces hommes ne sont pas issus de la noblesse qu'ils sont négligeables. Ils appartiennent tout autant à son peuple, ont tout autant des proches et des familles. Mais Zécop était un appui infaillible.

La nuit tombe sans qu'il l'ait vue arriver. La tente de commandement érigée, il s'y engouffre seul, refusant que quiconque reste à ses côtés. Sur la table posée au centre, il étale ses cartes. Il ignore où il se trouve, mais se pencher sur les rouleaux l'a toujours aidé à réfléchir.

Quand un aide de camp passe le lourd tissu, il rage de reconnaître des produits qui n'étaient pas dans leur stock avant la nuit dernière. Aussi renvoie-t-il le garçon sans ménagement, refusant jusqu'à la boisson qu'il lui apportait.



Déplier ses jambes après des heures passées dans la charrette lui fait le plus grand bien. Mais il ne peut retenir une grimace en approchant des conseillers kaspaziens, regroupés à plusieurs pas de la tente de commandement. Leurs visages sombres, mais surtout leur nombre confirme ses craintes. Il lui semblait bien que, depuis ce matin, il manquait une large silhouette aux côtés de son époux.

_ Votre Altesse... » l'intercepte Exef. « Le Roi... n'est pas visible ce soir.

_ Et pourtant, je le verrais.

Contournant l'Alpha, il poursuit sa route. Mais l'autre se replace sur son chemin.

_ Navré d'insister, Altesse. Mais ce n'est pas le moment.

_ A-t-il mangé ce soir ? Ou a-t-il refusé la nourriture comme ce midi ?

_ Vous étiez trop loin. Comment...

_ J'ai d'excellents yeux. Adaptés à la lumière du désert depuis toujours. Et je suis son Oméga. Je sens quand il ne va pas bien.

_ Ce n'est tout de même pas une bonne...

_ Exef ! » l'interrompt-il. « Je me moque de votre avis !

Et il le laisse là. A présent que les pièces s'emboîtent, leur départ matinal, ces vivres trop nombreuses et celles cachées aux ruhniens, mais surtout l'absence de ce Zécop, il sait ce qui torture son Alpha.

La Vengeance d'un Oméga [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant