Chapitre 34 : Sidon

1.4K 196 65
                                    

_ Roi Keril ! Par chance, vous v'là ! » hurle Mared en le voyant se redresser.

_ Capitaine ? Pourquoi cet empressement ?

_ Je v'nais pour vous chercher. » ralentit-il son cheval pour en sauter, l'animal s'ébrouant avant de rejoindre son comparse à l'oasis. « Cont' l'avis d' mon Roi. L' est au plus mal.

_ Comment ça, ''au plus mal'' ? » s'alarme-t-il.

_ I' s'affaiblit un peu plus chaqu' jour. Et d'puis hier soir, il s'tord d' douleur. Mais i' r'fuse d' dire d' quoi i' souffre. J'avais espoir qu' vous arrivez à l' faire parler.

Il ne faut qu'un instant à Keril pour harnacher sa monture, jeter sur son dos ses sacoches, et l'enfourcher. Il la lance au galop, remontant la piste fraîche du ruhnien. Il est si rapide que Mared, à la monture épuisée, met un instant à le suivre, et peine même à ne pas se laisser distancer.

Lors d'un arrêt indispensable à une oasis pour ne pas tuer les bêtes sous l'effort et prendre quelque repos, le jeune Roi serre les dents plus que jamais, tourne en rond en regardant les montures s'abreuver, râle en silence que ces points d'eau n'abritent pas de poste relais proposant aux voyageurs des chevaux frais. Mared ne le lâche pas du regard, cherchant à percer le mystère que recèle ce Roi et la relation qu'il entretient avec son monarque.

_ Roi Keril. » s'approche le capitaine avec l'aube.

_ Quoi ? » gronde l'autre.

Le vieux soldat ne se laisse pas impressionner par la colère sous-jacente du jeune homme, et lui tend un parchemin avec un sourire en coin.

_ Mon ch'val ira pas plus loin. L' est épuisé. Mais, 'vec ça, vous d'vriez trouver vot'e ch'min sans moi. Il vous attend. Même s'il l' dira pas.

Keril reste bouche bée en récupérant la carte. Tout comme Exef avec lui, Mared semble convaincu des sentiments de Sidon à son égard. Pourtant, lui sait. Ce n'est pas sans raison si Sidon lui a interdit de l'embrasser...

Il chevauche toute la journée, ralentissant parfois l'allure pour ne pas tuer son cheval à la tâche, le laissant s'abreuver et se nourrir quand il n'a pas d'autre choix, en profitant pour faire de même, mais poussant l'animal dans ses retranchements afin d'arriver au plus tôt auprès de son Oméga souffrant.


Il passe les portes de la capitale à la nuit tombante. Par chance, les portes en sont encore ouvertes. Si les parfums épicés qui lui rappellent son époux embaument la ville et la colorent des condiments dont ils proviennent entre les murs ocres, il n'y prend pas garde, s'efforçant de ne pas renverser les passants souriants qui parsèment l'avenue. Il guide son cheval jusqu'au bas des marches, arrachant son chèche de sa tête pour laisser voir son visage alors qu'il parvient devant les gardes.

Ceux-ci ne posent pas la moindre question et s'empressent d'ouvrir les portes.

_ Par ici, Vot' Majesté ! » le conduit l'un d'eux dans les couloirs.

Son guide le précède, mais la brûlure qu'il sent dans son ventre depuis qu'il a atteint le haut des marches lui intime de le dépasser, de courir... Il sait ce qu'a Sidon.

Comme lors de sa nuit de noces, certains moments lui échappent, et il se retrouve dans les appartements de son époux. Son parfum épicé est ici à peine plus fort que sur les marches, ses fenêtres ouvertes sur la terrasse les surplombant lui en donnant la raison.

Mais ce n'est pas ce qui l'intéresse à cet instant. Ni le raffinement de la chambre, la finesse des décors ne l'atteignent. A quelques pas, sur lit à baldaquin, rendu léger par le flottement des fins voiles blancs qui l'entourent et volent dans le vent frais du crépuscule, Sidon est là, allongé. Il se tord et gémit. Pour tout autre, il donne l'impression de subir une forte fièvre et d'en délirer. Peut-être n'en est-il pas loin. Mais Keril sait que c'est plus profond que ça.

La Vengeance d'un Oméga [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant