La première nuit est la plus difficile. Loin de l'aisance du palais, de ses appartements, de son lit, Sidon se sert de la besace fournie par l'herboriste comme d'un oreiller, son chèche faisant office de fine couverture. Mais au-delà du manque de confort, de son corps encore douloureux des coups reçus, ou des courbatures de la journée, ce sont les cauchemars qui perturbent son sommeil. A chaque fois que le sommeil parvient à le prendre, il revoit la mort de sa mère et sa propre torture. Dans son rêve, ce n'est pas Günter, mais son propre père qui lui porte les coups. Et il s'en réveille à chaque fois couvert de sueur, tremblant dans la nuit fraîche et le vent mordant, les battements de son cœur semblant résonner dans le vide silencieux et pesant du désert.
Malgré tout, au matin, il se lève, ses cauchemars étant pour lui des rappels de ce qui l'a poussé à tout abandonner. Fixant la tâche verte qui ne semble pas vouloir se rapprocher malgré les jours qui passent, il ne fait que de rares détours, redescendant vers une oasis ou une palmeraie pour se réapprovisionner en eau, rationnant ses réserves de nourriture pour ne pas devoir en acheter, et ainsi être reconnu par les gens du peuple.
A mesure que les jours passent, il s'habitue aux courbatures, sent ses jambes se faire moins fragiles, alors que son corps puisse dans les graisses qu'il n'a pas pour compenser le faible apport en nourriture.
Sous le haut soleil du troisième jour de marche, le vent violent porte malgré tout à ses oreilles cachées par le chèche, des bruits de sabots et des cris. Intrigué que des hommes poussent à ce point leurs chevaux dans de telles conditions, il s'approche du bord de la falaise, avant de se faire tout petit. En contrebas, sur le chemin, chevauchent des soldats de la garde royale. Pas un instant il ne doute d'être la raison de leur présence si loin du palais.
Le vent se lève de plus belle, soulevant un nuage de poussière et de sable depuis la falaise voisine de la sienne. Les cavaliers stoppent leurs montures sous les cris de l'un d'eux qui jure avoir vu quelque chose bouger à l'opposé de sa position. Terrorisé, Sidon roule sur le côté, hors de vue de ses poursuivants.
_ Espèce d'abruti ! C'est le vent !
_ Qu'est-c' que t'en sais ! On voit rien d' toute façon avec tout c' sable !
_ T'façon, on a plus d' flotte ! Et si ça continue, on va se r'trouver au milieu d'une tempête !
_ Et ça se prétend de la garde royale ! » gronde le premier. « Très bien, on est à quelques pas d'une oasis. On va se mettre à l'abri là-bas, et on fera le plein d'eau.
Les bruits de sabots reprennent et Sidon les regarde s'éloigner, pestant contre son manque de chance : lui aussi avait prévu de se ravitailler et de faire escale à l'oasis le temps que la météo soit plus clémente. Et il ne peut pas changer son programme, la palmeraie étant à seule atteignable avec les maigres ressources qui lui reste. Alors, il laisse les hommes de son père mettre de la distance entre eux, espérant que, le temps qu'il parvienne à l'oasis, les gardes royaux soient partis.
Quand il y parvient enfin, il peut voir les chevaux attachés aux arbres, et les hommes qui montent leur campement. Ne lui reste qu'une solution : prendre patience, et attendre qu'ils s'endorment. Tant pis pour le temps perdu, il n'a pas d'autre solution.
La nuit tombe avec une lenteur interminable, la proximité de l'eau asséchant sa gorge plus encore que le sable qui continue de s'élever, volant dans le vent toujours plus fort. Il soupire. Au moins ses poursuivants ont installé leur tente à l'opposé de sa position.
La chaleur finit par lui tourner la tête. Profitant qu'ils soient tous tournés vers leur feu, le regard loin de la falaise, il descend la crête abrupte, jetant de fréquents regards vers les soldats, si proches de son objectif. Son cœur bat la chamade, alors que son esprit lui crie d'opérer un demi-tour, de ne pas approcher du danger qu'ils représentent. Mais la soif est la plus forte.
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La Vengeance d'un Oméga [Terminée]
RomanceAprès avoir vu sa mère être assassinée sous ses yeux, Sidon, le Prince de Ruhne, décide de fuir son royaume et de chercher de l'aide auprès de Keril, le Roi de Kaspaz, avec lequel son pays est en guerre depuis plus de vingt ans. Omégaverse médiévale