Saint Kanon

Conseil de guerre

Malgré la tension qui régnait dans le Sanctuaire, de jour comme de nuit, une seule chose pouvait apaiser un homme, ne serait-ce qu'un instant: lever les yeux vers le ciel et admirer la course des étoiles. Depuis tout petit, ce spectacle enchanteur fascinait Kanon. Enfant, il s'imaginait des histoires incroyables qu'il inventait avec son frère, même en pleine leçon en compagnie de Shion. Des fois ils rigolaient de leurs bêtises, interrompant le cours, exaspérant leur pépé, mais ces moments si précieux demeuraient encore bien gravés dans le cœur du chevalier.

Il avait grandi tellement vite lui aussi, presque sans voir les années défiler. Comme si le temps passait sans prévenir, sans annoncer que tel avait été fait chevalier ou tel allait reprendre le commerce de son père trop faible pour continuer... Ou bien que celui là était tombé face à un spectre... Ou même que cet idiot de meilleur ami n'avait plus dix ou douze ans et qu'il était un homme adulte et non plus un adolescent qui l'admirait.

Le Gémeau, assis sur le perron de sa Maison, soupira. Comme si ce retour des terres nordiques ne lui causait pas déjà du souci, la réunion du lendemain au palais du Grand Pope allait être importante pour savoir comment réagir face aux armées d'Hadès, il s'inquiétait de la protection des civils et de son frère en particulier, et voilà que Milo lui faisait une déclaration de ses sentiments.

Ce qui l'agaçait dans tout ça, c'était qu'il n'était pas capable de réagir devant une telle situation. Jamais il n'avait été confronté à l'amour directement. Quand bien même Saga vivait une relation assez solide avec Aiolos... Quoique même sur ce point il n'était pas tranquille. Le Sagittaire était un grand chevalier, le plus important juste après Kanon lui même, et le chef de l'armée du Sanctuaire. Tandis que son frère ainé était un professeur très apprécié de tous, même des anciens instructeurs. Tous deux n'étaient pas du genre à afficher en public leur couple et les bruits qui couraient sur eux n'étaient jamais méchants. Ils avaient une chance inestimable dans cette communauté coupée du monde extérieur. Après, ici comme ailleurs dans le monde, il y avait des cons partout. Mais le premier qui oserait des propos insultants et homophobes envers Saga et même Aiolos recevrait une correction dont il ne serait pas prêt de se remettre.

À vrai dire, Kanon n'avait rien contre les relations entre hommes, entre femmes et entre hommes et femmes ou n'importe quelle combinaison possible. Pépé Shion l'avait élevé lui, et son frère selon les principes d'Athéna qui étaient d'aimer les gens pour que la paix règne sur Terre. Cela paraissait très niais, mais pour des enfants, ces paroles marchaient bien même sur le long terme. Et désormais, lui même, quand il déambulait dans le Sanctuaire, il ne prêtait pas attention à la nature des couples qui pouvaient se former. Du moment qu'il y avait le respect de l'autre...

Enfin... tout cela ne le concernait pas directement. Finalement lui même ne s'était jamais posé la question de l'amour pour lui. Voyant des couples, écoutant Saga lui parler d'Aiolos ou même Orphée et Alice qui roucoulaient dans les jardins du Sanctuaire le rendait heureux mais pas envieux pour autant.

Était-ce parce qu'il se mettait déjà en condition de futur Pope, à se préparer psychologiquement à n'avoir que le Sanctuaire à chérir sans condition, et à oublier l'idée même d'avoir quelqu'un à ses côtés? Pourtant, il se rappelle avoir déniché sous un protège documents une lettre du Vieux Maitre adressée à Pépé Shion, il y a quelques années de cela. Un courrier loin d'être officiel avec des phrases douces et empreintes de nostalgie. Il savait l'attachement que ces anciens chevaliers avaient l'un pour l'autre, mais ils ne le montraient pas en public.

Et voilà... Voulant tenter de résoudre cette histoire sur l'amour lui même, les pensées de Kanon repartaient ailleurs. Pourtant cela avait eu l'air de toucher Milo. Mais comment faire? Le Gémeau n'irait pas de lui même aborder quelqu'un pour parler d'amour. Ce qu'il ressentait pour le Scorpion, c'était une profonde amitié, une présence évidente dans sa vie, et il se souciait de lui également et adorait passer des moments avec lui. Il ne supporterait pas l'idée de le perdre. Mais à quel point?