Chapitre 2 : Pour Être Toi

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Coucou tout le monde, merci pour votre soutien, cela me touche sincèrement. Pour te répondre Divagation Nocturne, je garde le rythme d'un chapitre par semaine, si tout va bien en début de semaine. Je tiens à saluer « l'agrandissement » de Maison Grise. Je me demandais depuis quelques temps si ils allaient déménager parce qu'on voit bien qu'ils n'avaient plus vraiment de place maintenant qu'ils sont aussi nombreux mais je suis soulagée qu'ils ne quittent pas la Maison Grise originelle. Sans plus attendre, voici le second chapitre. Bonne lecture ;-)

13h40

Arrivé au supermarché, Pierre fila vers le rayon high-tech. Le trajet avait été plus long que prévu et il allait devoir se dépêcher si il voulait revenir à temps pour tourner la vidéo. Il avait un modèle bien précis en tête qui l'avait déjà dépanné dans le passé. Mais il eut beau passer les modèles en revue, il ne trouva pas celui qu'il cherchait.

Nerveux, il dût se résoudre à demander conseil à un vendeur. Hélas, il y avait déjà deux clients devant lui et celui qui discutait avec le vendeur était en train de faire un achat en crédit, une procédure que Pierre savait désespérément longue. Il soupira et jeta un œil à sa montre : vingt minutes avant le début de la vidéo. Il ne serait pas revenu à temps.

Il voyait déjà Ben le houspiller vertement pour être une fois de plus en retard, même si, techniquement, ce n'était pas vraiment de sa faute. Il n'y pouvait rien si leur connexion avait décidé de faire des siennes juste avant le tournage. Mais le blond savait qu'aucune de ses excuses ne trouverait grâce aux yeux du brun et qu'il allait une fois de plus se faire jeter. Il dût patienter dix minutes de plus avant de pouvoir s'adresser au vendeur qui eut l'obligeance de se montrer particulièrement rapide, signalant les capacités des différents modèles avant de lui en conseiller un.

Pierre prit le modèle en question en le remerciant poliment et se dirigea vers les caisses. Il songea à faire un détour au rayon gâteaux : quitte à se faire une fois de plus allumer par son partenaire, autant avoir un petit prix de consolation. Mais il renonça rapidement à cette petite fantaisie. Ben lui faisait déjà bien assez de sermons comme ça sur les cochonneries qu'il mangeait sans arrêt. Si il le voyait arriver avec des barres chocolatées, il allait l'accuser d'être sorti et de l'avoir laissé en plan uniquement pour pouvoir se goinfrer. Pierre sourit en imaginant la scène.

La vérité, c'est qu'il aimait bien l'embêter, son Ben, et qu'il adorait le voir s'énerver tout seul et son visage s'empourprer sous le coup de l'émotion. Alors oui, il arrivait de temps en temps à Pierre de faire une ou deux petites bêtises dans le seul but de voir son ami s'enflammer. Ben était tellement passionné, tellement entier. C'était ce qui faisait son charme. Il avait un trop plein d'énergie qu'il n'arrivait à évacuer qu'en s'impliquant intégralement dans tout ce qu'il faisait, dans tout ce qu'il ressentait. Depuis qu'il le connaissait, Ben avait toujours été une vraie pile électrique. Pierre se souvint d'un soir où le sujet était venu comme ça.

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Ils avaient organisé une soirée et qui dit soirée dit beer pong. Tous les employés de Maison Grise avaient participé et s'étaient vaillamment battus au cours de cette compétition endiablée finalement remportée à la grande surprise de tous par Ninoul. La partie avait traîné en longueur, il faisait nuit noire et le temps s'était rafraîchi. Tous étaient rentrés à l'intérieur pour se réchauffer, excepté Pierre et Ben qui souhaitaient admirer les étoiles qui scintillaient au-dessus de leurs têtes.

Depuis l'Islande, ils étaient tous deux tombés un peu amoureux de ces astres lointains et avaient pris l'habitude de les observer quand ils pouvaient. Et après avoir connu le froid polaire des icebergs, ce n'était pas la timide fraîcheur du climat français qui allait leur faire peur. Ils étaient installés sur leurs chaises de jardin, la tête penchée en arrière, un verre de vin à la main pour Ben et une bouteille de bière pour Pierre.

-C'est tellement beau ! avait déclaré le brun.

-C'est vrai.

Quelques minutes plus tard, Pierre avait tourné la tête vers lui et l'avait regardé fixement. Sentant ses yeux posés sur lui, Ben l'avait regardé à son tour.

-Pourquoi tu me regardes comme ça ?

Le lorrain avait haussé les épaules en souriant.

-Pour rien. C'est juste que je n'ai pas l'habitude de te voir aussi calme, c'est tout.

À ces mots, le visage de Ben était devenu sérieux et il avait baissé les yeux. Croyant avoir fait une bévue, Pierre tenta tout de suite de se rattraper.

-Excuse-moi Ben, je ne voulais pas te vexer. Je voulais seulement dire...

-Ne t'inquiète pas Pierre, je sais ce que tu voulais dire.

Pour lui montrer qu'il n'était pas en colère, Ben lui sourit gentiment et poursuivit :

-D'ailleurs, je voulais te remercier pour ça.

Le blond avait froncé les sourcils, confus. Il ne comprenait pas de quoi parlait son ami.

-Me remercier pour quoi ?

Ben avait soupiré. À ce moment, Pierre était devenu nerveux. Il avait senti que le brun était sur le point de lui confier quelque chose d'important.

-Tu sais, tu es le premier et le seul à ne m'avoir jamais fait la moindre réflexion à ce sujet. Tu sais que je peux souvent me montrer très... enthousiaste et que parfois, je ne sais pas m'arrêter. Je sais que ça peut être très difficile de me supporter et beaucoup au cours de ma vie me l'ont déjà reproché. Mais toi, tu ne m'as jamais rien dit. Et il n'y a pas longtemps, je me suis rendu compte qu'inconsciemment, c'est grâce à toi que j'arrive aujourd'hui à canaliser cette énergie. Avant de te rencontrer, je devais me contenir, je n'osais pas me lâcher devant les gens que je ne connaissais pas et du coup, j'avais toute cette énergie que je n'arrivais pas à contrôler. Mais quand j'ai commencé à être à l'aise avec toi...

-Donc, dès le début, traduisit Pierre en riant.

Ben éclata de son rire devenu célèbre et lui donna raison.

-Ouais, depuis le taxi, c'est sûr. Quand on a commencé à se connaître et à se faire des délires, j'ai commencé à être vraiment moi-même. Et au début, je me demandais combien de temps il te faudrait avant que je ne commence à te taper sur les nerfs et que tu essayes de m'imposer des limites. Mais tu ne m'as rien dit. Tu ne m'as jamais dit "arrête Ben", "c'est bon, on a compris" ou "tu en fais vraiment trop". Et je t'en suis vraiment reconnaissant, Pierre. Tu es toujours très patient avec moi, tu ne me dis jamais rien quand je me défoule sur toi ou que je me sers de toi comme punching-ball. Plus d'un m'aurait claqué la porte au nez à ta place mais toi, tu acceptes tout sans broncher. Je me rends compte que j'ai vraiment de la chance de t'avoir et que tu m'acceptes comme je suis. Je sais que si, aujourd'hui, je me sens épanoui et bien dans ma peau, c'est parce que je n'ai plus besoin de jouer un rôle et ça, c'est à toi que je le dois. Alors, je te remercie pour tout. Pour être toi et accepter que je sois moi.

Il fallut un moment à Pierre pour réaliser la portée de ce discours. Ben en était conscient : il était rare qu'il se confie de cette façon et laissa à son binôme tout le temps dont il avait besoin pour digérer cet aveu. Pierre était bouche bée face à lui, son cerveau analysant mot par mot tout ce qu'il venait d'entendre avant de confirmer que non, il n'avait pas rêvé, non il n'était pas en train de faire un coma éthylique, oui c'était bel et bien réel.

Il ne savait pas d'où le brun sortait cette idée. Car la vérité, c'était que, pas une fois, Pierre n'avait été gêné par le caractère de Ben et jamais l'idée de le brider ne lui avait effleuré l'esprit. Il était tel qu'il est. Ce qui faisait de lui une personnalité unique en son genre, c'était cette exubérance, cette fougue, cette vitalité pétillante qui rejaillissaient sur tous ceux qu'il côtoyait. C'était l'essence même de son talent. En le réfrénant de la sorte, c'était son génie qu'on mettait à mal. L'inverse de ce que Pierre voulait faire avec tous les talents qu'il cherchait à faire percer. Et, même si, par respect pour tous ses amis, il ne le dirait jamais à voix haute, Benjamin était de loin le plus talentueux d'entre tous. C'eût été un crime de lui "imposer des limites" comme il l'avait si bien dit.

Après avoir réfléchi de longues minutes sur la réponse qu'il allait donner à son ami, Pierre reprit la parole.

-Ben, quand je t'entends parler, j'ai l'impression que tu crois être un fardeau pour moi. Ce n'est pas du tout le cas, Ben. Personne n'est parfait, on a tous nos défauts. Je préfère mille fois que tu sois naturel avec moi, même si il t'arrive parfois d'être un peu brusque et un peu expansif, plutôt que tu joues un rôle. C'est celui que tu es qui m'intéresse, pas celui qui essaye d'être comme tout le monde. Des gens calmes et banals, il y en a à chaque coin de rue. Regarde, je suis bien là, moi, ajouta le blond avec une touche d'humour avant de redevenir sérieux. Mais il n'y en a qu'un seul comme toi. Tu es unique. Ne laisse personne te redire de te calmer ou de changer. Ceux qui ne l'acceptent pas n'ont qu'à aller voir ailleurs. Tu n'as pas à changer, Benjamin, tu es parfait comme tu es.

Ben l'avait regardé, les yeux brillants. Personne ne lui avait jamais dit quelque chose d'aussi beau, d'aussi sincère. Il avait attendu toute sa vie que quelqu'un lui dise ça et l'accepte pleinement pour ce qu'il était. Et que ce soit Pierre qui lui dise ça. Pierre qui était... qui représentait tant pour lui... Il ne savait pas quoi dire. Il déglutit pour ravaler les larmes qu'il sentait monter et murmura en souriant :

-Tu es tout sauf banal, Pierre. Et je ne suis pas sûr que "calme" soit le mot qui te définisse le mieux.

Le blond sourit et décida d'amener une ambiance plus légère.

-N'empêche que je plains tes parents. Ils ont vraiment dû en baver avec toi.

Ben éclata de rire et renchérit :

-Tu n'as même pas idée !

S'ensuivit une longue série d'anecdotes toutes plus tordantes et adorables les unes que les autres sur la jeunesse turbulente de Benjamin qui raconta à son fidèle comparse la fois où, pendant les vacances, il avait escaladé un chêne gigantesque parce qu'il voulait savoir ce que ça faisait de toucher un nuage et s'était retrouvé coincé pendant trois heures sur une branche, celle où son amour des animaux s'était une fois de plus manifesté et où il avait ramené un pigeon blessé chez lui pour le soigner sans oublier le jour où il avait fugué jusqu'à la gare Montparnasse dans l'espoir de prendre un train pour rejoindre un de ses amis parti en camp de scout.

-Ce n'était pourtant pas faute de me surveiller, avoua le brun, incapable de ne pas rire. Je ne te dis pas la frayeur qu'ont eu mes parents. Ils ont refusé de me quitter des yeux après ça.

-Tu ne peux pas leur donner tort, convint Pierre, également plié de rire. D'un côté, je les comprends, on ne peut jamais prévoir ce qui va te passer par la tête. Moi aussi, j'angoisse dès que tu n'es plus dans mon champ de vision.

Cette phrase avait lentement calmé leurs rires et ils s'étaient regardé en souriant, prenant peu à peu conscience du sous-entendu qu'on pouvait comprendre dans ces mots. Pierre avait repris son souffle et regardé timidement son ami en se demandant si il ne venait pas de commettre une erreur. Mais Ben s'était contenté de sourire et de terminer son verre de vin avec un regard rassurant. Pour se donner contenance, Pierre avait avalé la dernière gorgée de bière qui lui restait puis s'était levé.

-Allez, il se fait tard. Je vais rentrer.

Ben avait hoché la tête et s'était levé à son tour. Ils n'avaient pas vu le temps passer et virent que tout était éteint à l'intérieur et qu'ils étaient les derniers encore présents. Alors que Pierre était sur le point d'entrer dans la maison, Ben l'avait retenu en prenant sa main du bout des doigts. Le lorrain avait tourné la tête vers le brun qui avait baissé les yeux en murmurant d'une voix si faible qu'il l'entendit à peine :

-Moi aussi, Pierre.

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13h46

Pierre sourit en repensant à ce moment. Ben avait eu l'air tellement gêné et il le trouvait si adorable lorsqu'il était aussi timide. Cet instant, aussi fugace soit-il, avait pourtant marqué un tournant dans leur relation. Leur complicité était montée un cran au-dessus, ce que personne n'aurait cru possible. Ils étaient de plus en plus fusionnels, de plus en plus tactiles. Leurs gestes se faisaient de moins en moins chamailleurs pour devenir plus affectueux. Pierre ne savait pas où allait cette relation et il doutait que Ben le sache également mais ce dont il était sûr, c'est qu'il aimait de plus en plus la tournure qu'elle prenait.

Alors qu'il se dirigeait vers les caisses, ses pensées tournées, comme d'habitude, vers ce beau brun qu'il aimait tant, il entendit quelque chose tomber bruyamment par terre suivi d'un petit cri aigu.

-Oh, c'est pas vrai !

Intrigué, Pierre tourna la tête et aperçut une jeune fille rousse accroupie en train de ramasser un emballage plastique qu'elle avait dû faire tomber. Il la vit raccrocher l'article sur un portant presque trop haut pour elle puis tendre la main vers un câble situé au-dessus et qu'elle n'arriverait jamais à attraper en raison de sa petite taille.

-Tu veux un coup de main ? proposa le lorrain en s'approchant.

Surprise, la fille sursauta et se tourna vers lui.

-Euh oui s'il vous plaît. Il me faudrait le câble blanc tout en haut.

Pierre sourit et attrapa aisément le câble en question qu'il tendit à la fillette. Elle était mignonne comme tout, une petite rousse aux yeux gris qui ne devait pas avoir plus de douze ans. Elle prit le câble et sourit.

-Merci, je n'arrive plus à me connecter quand je veux jouer à des MMORPG. J'en avais marre de rater toutes les mises à jour et d'entendre mes copines m'en parler.

-Pareil pour moi, répondit le blond en lui montrant le répéteur qu'il avait en main. Quand on n'arrive pas à se connecter, c'est tous mes potes qui me tombent dessus.

Le regard gris de la fillette s'éclaira, ravie que son bon samaritain comprenne la complexité de la situation. Elle le salua chaleureusement.

-Encore merci pour tout.

-De rien.

Pierre reprit la direction des caisses, réfléchissant à la meilleure façon d'améliorer leur connexion le plus rapidement possible tout en se demandant si il allait enfin trouver le courage d'inviter Ben dans ce nouveau restaurant mexicain, cette idée lui trottait dans la tête depuis quelques jours et il tentait de mesurer les chances qu'il avait que le brun lui dise oui malgré cet énième retard. Il était presque arrivé au bout du rayon lorsqu'il entendit de nouveau la voix fluette de la petite rouquine pousser un cri d'effroi. Pierre se retourna instinctivement et sentit son sang se glacer. La fillette se trouvait de l'autre côté de l'allée et, face à elle, se dressait un homme entièrement vêtu de noir, la tête recouverte d'une cagoule, un pistolet à la main. Il entendit à travers le battement de son sang qui martelait ses tympans l'homme lui donner des ordres en agitant l'arme à feu qu'il pointait sur elle.

-Allez, tu fais ce que je te dis et t'avances si tu veux pas avoir de problème !

Pierre entendit alors un bruit derrière lui et se retourna pour voir avec horreur un autre type exactement pareil pointer son arme sur lui et dire :

-Et ça vaut pour toi aussi !

J'espère que ce petit chapitre soft vous a plus parce qu'on rentre dans le vif du sujet à partir du chapitre suivant. Sans trop vous spoiler, l'ambiance va changer drastiquement et j'espère que ça vous plaira. Si c'est le cas, n'hésitez pas à me laisser un com car cela me procure un immense bonheur. Gros bisous à tous et à la semaine pro.


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