Chapitre 20

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Kirishima était assez nerveux.

S'il avait l'habitude de se déplacer dans le labo, et de voir passer les voitures des amis d'Izuku, monter lui-même dans une voiture et la laisser le transporter était une sacrée épreuve. Mais une fois bien emmailloté dans des serviettes humides, et son regard porté sur le paysage qui défilait, son angoisse s'envola. Ce qu'il voyait était magnifique, aussi bien à droite avec les montagnes qui se révélaient à lui au fil des virages, avec les nuages qui caressaient paresseusement les pics, mais aussi à gauche avec son Eyïly qui conduisait le véhicule. Il était impressionné par la facilité qu'il avait à contrôler la machine, son regard imperturbable qui était fixé sur la route, son petit sourire quand il voyait que la sirène le dévorait des yeux ... enfin ce n'était que son impression, mais il avait l'impression que son visage s'illuminait à chaque fois qu'il le regardait. Sinon, comment aurait-il pu être aussi rayonnant par un jour de grisaille ?

Reportant son attention sur l'extérieur, le rouge se perdit dans l'appel qu'il percevait au loin. Le lac, semble-t-il. Izuku lui avait appris il y a déjà longtemps que c'était une grande étendue d'eau, bien plus grande que son bassin mais plus petite que la mer, quand il apprenait encore ces mots. Il lui avait aussi dit que l'eau d'un lac était en grande majorité douce et très propre, très claire, et qu'en montagne elle était très froide, surtout en hiver. Il frissonna en y pensant.

Quand le lac fut enfin en vue, la sirène ne put empêcher sa voix de sortir, chuchotant malgré lui un « wow ».

Si la vue avant était magnifique, celle-ci dépassait tout ce qu'il aurait pu imaginer.

Bien que le soleil restait caché derrière un épais manteau gris, des reflets de lumière luisaient à la surface de l'eau, éblouissant par moment ses grands yeux ébahis. Les fleurs qui poussaient en bordure ressemblaient à des tâches de couleurs mises ici pour dessiner d'une manière élégante les contours des berges, inondant de couleurs le paysage qui s'offrait à lui, et les quelques animaux qui se promenaient autour donnaient un spectacle d'une sérénité presque divine.

- Et voilà, on y est.

Izuku descendit de la voiture, fit le tour et aida son ami à faire de même. Il le porta jusqu'au bord de l'eau, et le posa sur le rocher qui servait de berge à côté de la voiture. Kirishima enleva les serviettes qui le couvraient, et doucement s'approcha de l'eau pour y laisser tremper le bout de sa nageoire.

- C'est peut-être un peu froid, prends ton temps pour ...

Plouf !

La sirène était rentré d'un coup, ayant sauté directement.

Il pensait que l'eau était trop froide ? Sa résistance était sûrement loin de celle du rouge alors !

Kirishima le ressentit dès qu'il mit une nageoire dans l'eau : il était arrivé. Le lac l'attendait, et lui tendait les bras. C'est comme s'il ne s'était pas rendu compte à quel point il brûlait à l'extérieur, tellement l'eau claire et fraiche l'apaisa. Cette sensation d'une eau si pure, si belle, il se sentait revivre.

Il nagea un peu, pour aller plus loin, plus profond, chez lui.

La mer avait été son berceau, sa seconde mère. Elle l'avait porté dans ses vagues et couvert d'affection. Mais ici, il comprenait. Le lac était son vrai chez lui, il appartenait à ce lac et le lac lui appartenait. Il l'attendait. De toute sa vie, il n'aurait jamais pu prétendre pouvoir vivre ailleurs, plus maintenant.

Et la mélodie, la mélodie !! Elle était splendide. L'eau gelée chantait en cœur avec le reflet de la surface, accompagnée par les poissons qui doucement pointaient le bout de leur nez pour accueillir leur nouveau voisin. Elle était partout à la fois, en haut, en bas, derrière, dans sa tête, dans son corps, dans son cœur. Elle le possédait sans le contrôler, elle s'immisçait en lui sans s'imposer, elle l'envelopper sans l'étouffer. Elle vivait à travers lui, comme lui vivait maintenant à travers elle.

Les embruns du bonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant