Chapitre 1 : L'élu de la Lame Purificatrice.

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Sous la voûte céleste piquée d'étoiles, la nuit enveloppait le château d'Hyrule de son voile sombre. La lueur tremblante des torches portées par des soldats en tour de garde vacillait çà et là sur la pierre des murs sans parvenir à chasser les ténèbres. Les quelques fenêtres qui répandaient encore la lumière réconfortante d'un âtre allumé s'éteignaient une à une, plongeant le château silencieux dans l'obscurité.

Assis dans un vaste fauteuil, Rhoam Bosphoramus Hyrule contemplait le feu crépitant dans la cheminée de son étude. Ses épaules affaissées témoignaient d'un profond accablement qu'il pouvait enfin laisser apparaître sur son visage las. Sa cour et son peuple, en ces temps sombres, attendaient de lui qu'il incarne une figure rassurante sur laquelle porter leurs espoirs. Sous le poids de tous ces regards inquiets, il ne pouvait laisser transparaître le moindre doute ni la moindre lassitude lorsqu'il apparaissait en public. Sa voix, son expression, ses gestes : toute sa personne devait exprimer la stabilité, la force et l'assurance tranquille d'un roi qui mène les siens vers un avenir prospère. Mais le fardeau de son devoir pesait particulièrement lourd ce soir.

Les monstres proliféraient sur les terres d'Hyrule, massacrant des habitants de villages trop petits pour organiser leur propre défense. Des voyageurs étaient régulièrement attaqués sur les routes autrefois paisibles. Le commerce s'effondrait. Certaines régions du royaume ne parvenaient plus à être approvisionnées correctement et la famine les menaçait à l'arrivée de l'hiver. Le peuple perdait confiance et se laissait envahir par la peur. Les rumeurs se répandaient sur le retour imminent du fléau et l'inquiétude croissait au sein de la cour. Pour ne rien arranger, l'incapacité de la jeune princesse à manifester le moindre signe d'éveil de son pouvoir commençait à faire jaser dans le château. Et l'absence du héros, qui ne s'était toujours pas révélé en retirant l'Épée Légendaire de son socle, ne faisait qu'ajouter aux inquiétudes d'un royaume terrifié par la perspective du retour prochain de Ganon.

Il soupira en laissant aller son visage dans ses mains. Ce soir, seulement ce soir, il n'avait pas envie de penser aux soucis de son royaume. Il n'avait pas envie de porter ses responsabilités de monarque. Ce soir, c'était l'anniversaire du décès de la reine. Il voulait honorer son deuil, loin de ces cérémonies mémorielles auxquelles il avait assisté toute la journée, et qu'il avait dû endurer le visage impassible pour témoigner que la peine d'un homme ne déstabilise pas la force du souverain. Mais l'espace d'une nuit, il voulait justement n'être qu'un homme. Il voulait simplement pleurer son épouse, loin du regard implacable de son peuple.

Aussi, lorsqu'il entendit la porte de son étude grincer derrière lui, il tonna d'une voix dure, sans se retourner :

- J'avais dit que je ne voulais pas être dérangé. Si ce n'est pas une urgence, partez.

Un court silence lui répondit, puis une toute petite voix trembla jusqu'à lui :

- Pardon, père.

Il se retourna brusquement. Une fillette le dévisageait de ses grands yeux verts, les mains accrochées à la poignée, et reculait déjà pour s'effacer dans le couloir et refermer la porte sur elle.

- Zelda, la rappela-t-il doucement. Entre, ma fille.

Elle interrompit son geste et entra à pas timides dans la pièce. Le roi essuya discrètement ses yeux puis suivit la jeune princesse du regard tandis qu'elle venait s'installer à ses côtés. Elle s'assit dans un grand fauteuil tourné vers l'âtre et porta son regard sur les flammes. Dans ce siège trop vaste, ses petits pieds ne touchaient pas le sol et se balançaient doucement dans le vide.

Il remarqua que sa robe blanche de prêtresse, que les responsables royaux du culte d'Hylia avaient confectionnée pour ses neuf ans, remontait déjà au-dessus de ses genoux. Ses cheveux blonds, qu'elle gardait lâchés mais avait couronnés d'une tresse élégante, tombaient désormais jusqu'à ses épaules. Son visage s'affinait, et lorsqu'elle replaça distraitement une mèche de sa chevelure derrière son oreille, il constata que ses gestes perdaient leur maladresse enfantine et gagnaient en délicatesse.

Les enfants élus [The Legend of Zelda : Breath of the Wild]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant