Chapitre 19 : Héros d'Hyrule

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Link ouvrit les yeux sur un haut plafond de pierre. L'air empestait le sang, la sueur et le désinfectant. Déboussolé et perclus de douleur, il se redressa et reconnut l'infirmerie des quartiers militaires. Le personnel médical courait d'un bout à l'autre de la pièce, les bras chargés de bassines d'eau fumante, de bandages et de linge propre. Presque tous les lits étaient occupés, et l'on pouvait entendre le gémissement des blessés sous leurs draps ensanglantés.

Il baissa les yeux sur lui-même. Il découvrit son bras gauche étroitement serré dans une attelle. A part cet os cassé, il était indemne, et pourtant, il avait effroyablement mal. Il posa sa main valide sur son torse et se recroquevilla, soufflant pour chasser la douleur qui le lacérait de l'intérieur.

Une altercation éclata à l'entrée de l'infirmerie.

- Vous ne pouvez pas entrer ici. L'infirmerie est réservée aux militaires.

- L'élu d'Hylia, insista une personne éperdue, est-ce qu'il est ici ? Est-ce qu'il est sauf ?

Il leva la tête en entendant cette voix familière. Il aperçut sa mère qui sondait les lits de l'infirmerie d'un regard désespéré, par-dessus l'épaule des deux guérisseurs qui essayaient de la repousser dans le couloir. Les yeux d'Ermeline croisèrent finalement les siens et son visage sembla fondre de soulagement. Elle bouscula les infirmiers qui lui bloquaient le passage et se précipita au chevet de son fils.

- Link ! Hylia soit louée !

Elle le prit dans ses bras et l'étreignit de toutes ses forces. Hébété, il resta d'abord immobile, puis il se blottit contre elle et nicha son visage dans son cou. Serrant les paupières, il se concentra sur l'étreinte rassurante, sa peau chaude, son parfum familier, pour ne rien ressentir d'autre.

- J'ai vu... j'ai cru que toi aussi... murmura-t-elle d'une voix chevrotante. J'ai vu ce que ce monstre a fait à Neven... oh, déesses, je suis si heureuse que tu sois sauf...

Alors, la douleur devint insoutenable, et Link éclata en sanglots. Sa mère le serra plus fort encore, mais plus rien ne pouvait le protéger du vide béant qui s'était ouvert en lui.

*

- Dites, monsieur, il paraît que votre mari faisait partie des soldats qui ont été mobilisés contre le lynel ? demanda l'apprentie couturière tout en mesurant les épaules de Zelda.

Le tailleur royal, la bouche pleine d'épingles, ne leva pas le regard de l'ourlet qu'il s'appliquait à replier. Il sembla agacé que la jeune fille perturbe sa concentration.

- Oui, c'est vrai, marmonna-t-il.

- Alors, il a vraiment vu le chevalier Link se battre ? C'est vrai, ce qu'on raconte ? Il a vraiment chevauché le monstre comme un cheval sauvage ? Il paraît qu'il a sauté de la balustrade du premier étage pour atterrir directement sur le lynel en plein galop !

Le tailleur leva les yeux au ciel avec exaspération. Zelda ne pouvait pas le blâmer. Depuis trois jours, un seul sujet de conversation animait tous les couloirs et toutes les tables : comment l'envoyé d'Hylia, un adolescent de quatorze ans, avait vaincu le monstre le plus meurtrier de la faune d'Hyrule. L'histoire, amplement déformée, était devenue légendaire, et il était désormais impossible de se déplacer dans le château sans entendre quelqu'un prononcer le nom de Link.

Le tailleur royal soupira, cracha les épingles dans sa paume et expliqua à sa jeune apprenante ce que son époux lui avait rapporté :

- Quand le remplaçant du capitaine de la garde royale a été tué, l'élu d'Hylia a pris la tête des opérations et a ordonné aux chevaleresses encore en vie de battre en retraite. Il est allé affronter le monstre seul – et il est passé par les escaliers, il n'a pas sauté de la balustrade ! Le lynel lui a cassé le bras mais il a quand même trouvé la force de monter sur son dos et lui a enfoncé son épée dans le cœur. Je crois que c'est à peu près ça...

Les enfants élus [The Legend of Zelda : Breath of the Wild]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant