Chapitre 2 : Dissimulation

383 29 23
                                    


Zelda sortit de l'étude de son père en jetant un dernier coup d'œil à l'enfant portant dans ses bras l'Epée légendaire. Écrasé par la paume du soldat, il garda la tête courbée mais elle vit ses yeux bleus se lever vers elle et lui adresser un dernier regard intrigué. Fixer la princesse avec autant d'insistance relevait soit d'une grande impertinence, soit d'une ignorance totale des convenances. Elle se sentit amusée malgré elle de constater que le héros tant attendu s'avérait être un enfant irrévérencieux, ou peut-être simplement très gauche.

Elle se détourna de lui et prit la direction de sa chambre. Lorsqu'elle tourna au premier embranchement et se sut hors de portée de leur regard, elle s'arrêta net. Elle se glissa dans l'ombre de l'une des armures gigantesques qui ornaient le couloir à intervalle régulier, et y demeura tapie, l'oreille aux aguets. Le silence pesa quelques instants, puis la porte de l'étude grinça, et elle entendit le soldat prendre congé. Le son du fracas métallique de son armure s'approcha d'elle, et elle retint son souffle quand elle comprit qu'il passait par l'embranchement du couloir dans lequel elle s'était dissimulée. Elle ne désirait pas être surprise ainsi cachée derrière une armure d'ornement comme un garnement prêt à commettre une farce ou un larcin. Il passa cependant à côté d'elle sans la remarquer. Elle soupira de soulagement.

Une fois seule, elle quitta sa cachette et retourna à l'entrée de l'étude de son père. Elle gratta le mur pour en retirer une petite pierre déchaussée dont elle connaissait l'emplacement, et colla sa longue oreille à l'embouchure de la brèche. La voix grave de son père lui parvint, étouffée mais tout à fait intelligible :

- Ton père était un chevalier exceptionnel. Probablement le plus grand de...

Mais elle n'eut pas le temps d'en entendre davantage, car une autre voix, bien plus proche, la fit sursauter :

- Ce n'est pas digne d'une princesse d'épier les conversations privées du roi.

Zelda retint à grand peine une exclamation de surprise et bondit en arrière, le cœur affolé. Elle regarda de part et d'autre du couloir mais ne vit personne. Comprenant son erreur, elle leva les yeux et, plissant les paupières, elle distingua une silhouette tapie à la jonction entre le mur et le plafond. Vexée d'avoir été aussi dupe, elle murmura :

- C'est toi, Impa. J'aurais dû me douter que père n'a pas laissé la porte sans surveillance.

La silhouette glissa le long du mur dans un mouvement félin et sauta sans un bruit sur le sol tapissé, révélant une forme humaine. Petite et mince, Impa portait une tenue intégrale de dissimulation aux couleurs sombres qui soulignait l'élancement de son corps et étouffait le moindre bruissement de ses gestes. Le symbole rouge de l'œil larmoyant, emblème du clan Sheikah, ornait son buste étroit. Le chignon retenant sa chevelure blanche et volumineuse révélait ce même emblème tatoué à l'encre violette sur son front, et un masque serré dissimulait son visage jusqu'à l'arête de son nez. Ses yeux, dont la couleur noisette tirait vers le rouge, posèrent sur la princesse un regard sévère.

Âgée de quinze ans, la jeune guerrière Sheikah débutait tout juste ses fonctions dans les services secrets de l'armée royale. Zelda savait que, malgré son talent pour la dissimulation et sa maîtrise des techniques de combat furtif, elle luttait encore pour prouver sa légitimité à ce poste éminent.

- Que font donc les soldats assignés à la garde de votre chambre ? Ils doivent vous accompagner dans tous vos déplacements ! Vous avez encore réussi à vous soustraire à leur surveillance, Hylia sait comment...

- Ils n'ont qu'à faire marcher leurs cerveaux plutôt que de ne jurer que par leurs muscles...

- Ne parlez pas ainsi de la garde royale, Altesse Zelda. Quelle imprudence de la part de la prêtresse royale de se déplacer seule dans les couloirs en pleine nuit ! Je vous pensais plus raisonnable.

Les enfants élus [The Legend of Zelda : Breath of the Wild]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant