Les enfants élus [The Legend of Zelda : Breath of the Wild]

Épilogue

Un an plus tard.

Lorsqu'elle entendit la respiration de Link ralentir et exhaler un souffle lent et profond, Zelda entrouvrit prudemment une paupière. Leur feu de camp s'était éteint, et le chevalier s'était finalement endormi. Assis devant les braises, la tête renversée sur son torse, il avait l'air d'avoir lutté longtemps avant que son corps ne cède tout entier au poids du sommeil. Ravie, elle se glissa silencieusement hors de ses draps, et s'accorda un instant pour l'observer. Il n'avait eu que peu de repos ces derniers jours, qu'il avait passés à la talonner alors qu'elle déployait des trésors d'imagination pour lui fausser compagnie. Le sommeil était devenu un luxe qu'il ne s'accordait plus, de peur qu'elle n'en profite pour disparaître. Mais, constatait-elle avec satisfaction, tout prodige qu'il était, il ne pouvait pas lutter éternellement contre ses besoins les plus élémentaires.

Elle s'empressa de vêtir de sa tenue de voyage, chaussa ses bottes des sables, et quitta en silence le campement qu'il avait dressé pour la nuit. L'aube commençait à peine à éclairer d'une pâle lueur le manteau noir du ciel nocturne. L'air glacial des nuits du désert allait bientôt laisser place à une chaleur étouffante. Elle devait s'empresser d'atteindre l'oasis du Bazar Assek. Là, elle pourrait emprunter un morse des sables et s'élancer vers la cité Gerudo. Une fois à l'intérieur de ces murs, Link ne pourrait plus la suivre. Elle allait rejoindre Urbosa, travailler avec elle sur les réglages de la Vah'Naboris, puis repartir poursuivre sa quête sans cet insupportable pot de colle. Elle se sentit sourire. Cette fois, elle était libre, la route s'ouvrait devant elle, accueillante. Les choses allaient s'arranger. Elle se tenait à la frontière d'un changement radical et positif. Elle le sentait.

Elle marcha de bon train dans les canyons qui précédaient le territoire Gerudo. Elle savait que dès qu'elle déboucherait dans le désert, elle pourrait apercevoir la haute tour de roche du Bazar Assek se découper à l'horizon. Il lui resterait alors une demi-journée de marche, et cela lui parut dérisoire. Elle accéléra néanmoins le pas. Le souci de ne pas se faire rattraper par Link persistait dans un coin de son esprit, mais un sourire satisfait prenait naissance sur ses lèvres quand elle repensait au chevalier effondré de fatigue qu'elle avait laissé derrière elle. Il était peu probable qu'il se réveille avant plusieurs heures, et elle serait alors déjà à l'oasis, hors d'atteinte.

Au bout d'un certain temps de marche, le sentier du canyon s'étrécit, devenant bien plus étroit et obscur que le large boyau dans lequel elle progressait jusqu'alors. Elle douta un instant d'avoir emprunté le bon chemin, mais elle regarda le ciel et la position du soleil lui confirma qu'elle suivait toujours le sud-ouest. Elle avait peut-être fait un détour, mais le désert ne devait plus être loin.

Elle marcha d'un pas rapide entre ces rochers, soupirant d'aise à l'abri de leur ombre salvatrice. Mais son sentiment de confort fut de courte durée. Son souffle se réverbérait contre la paroi et résonnait d'une étrange manière. L'écho que la roche lui renvoyait de sa respiration et du sable crissant sous ses bottes lui parut ridiculement bruyant. Parfois, les bruits ne lui semblaient pas en phase avec ses mouvements, et ce décalage lui donnait l'impression anxiogène d'être suivie. Elle s'arrêta et se retourna, mais elle ne vit que le sentier de sable vide qui serpentait dans la roche rouge. Elle essaya de se rassurer, mais lorsqu'elle se remit en marche, elle entendit un roulis de graviers qui s'éboulaient sur une paroi non loin. Elle se retourna et dit d'une voix impérieuse dont l'inflexion autoritaire camouflait mal son inquiétude :

- Link ? Si c'est toi, sors de là. C'est bon, tu m'as rattrapée. Pas besoin de te cacher.

Un sifflement fendit l'air, suivit d'un bruit mat sur la roche à quelques centimètres de son visage. Elle aperçut dans sa vision périphérique quelque chose rebondir et se casser sur la paroi. Elle se retourna et découvrit une flèche cassée en deux, qui avait manqué son crâne de quelques centimètres. Le projectile portrait la marque du clan Yiga.