Chapitre 19

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Je le regardais s'éloigner, coincé dans un nuage brumeux de questions. Plus il avançait et plus je sentais mon cœur se serrer. Il se trouvait dos à moi, mais j'avais l'impression qu'il me regardait, alors que c'était l'inverse. Je tentais de le déchiffrer, ses réactions me perturbaient. Pourquoi me donnais-je autant de mal, alors que je me devais de l'ignorer ? Pourquoi je voulais le connaître, alors que je me devais de le rejeter ?

- Je ne te comprends pas. Je disais finalement.

Il s'arrêta sans pour autant se retourner.

- Moi non plus, je ne me comprends pas.

Puis il reprit son chemin sans m'adresser plus aucune attention. Quant à moi, je le laissais disparaître de mon champ de vision. Un rire nerveux résonna dans ce lieu bien moins intéressant désormais. Si lui non plus ne se comprenait pas, alors nous n'étions bons qu'à rester dans l'incompréhension jusqu'à la fin de nos jours. Et cette idée ne me plaisait pas.

Un brin découragé, c'est ainsi que je me détournais pour trouver du réconfort vers cet étang qui j'espérais allait pouvoir me calmer. Je me sentais soudainement étouffée, un nœud se formait dans ma poitrine. Mon lien s'assombrissait et sa nostalgie me calcinait de l'intérieur. Vivre près de lui, le voir très souvent, le toucher.. Tout ça, ça me tuait. Puis l'image de mon père qui se reflétait constamment dans ma tête lorsque Shogo n'accaparait pas mon esprit.

Il aurait aimé cet endroit, il m'aurait parlé des lucioles et de l'importance que cela avait de prendre soin des autres êtres vivants qui vivaient avec nous. Il m'aurait éclaboussé de peu, et je lui aurais rendu l'appareil. De sa voix cassée, mon père m'aurait chanté une chanson de notre patelin et je l'aurais sûrement rejoint sur la fin. Dans chaque chose, je l'imaginais.

Mon corps pleurait tout seul, les larmes s'évaporaient de mes yeux, sans qu'aucun trait de mon visage ne soit crispé. Je restais de marbre, laissant ces dernières inonder mes joues. Je ne me contrôlais plus ces derniers temps. J'étais amèrement faible..

Mais je ne devais pas..

Non, je ne voulais pas.

Mon regard ancré sur la surface de l'eau, une chaleur s'immisça subitement dans mes veines. Je ne cherchais pas à me concentrer, j'observais seulement et voyais ce que je voulais voir apparaître. Mes pupilles se déshydrataient presque, mais je refusais de fermer les paupières. Je devais réussir et croire en mes capacités.

Une lumière bleutée apparue progressivement dans l'eau. Il faisait sombre et c'est comme si elle faisait exprès de s'éclaircir pour que je puisse la détecter. Je m'approchais d'un pas sur la fin du ponton et observais le phénomène de plus près.

À présent, j'étais sûre qu'il s'agissait de l'objet de mes désirs. C'est pour cela que sans attendre, je sautais pour rejoindre ce liquide froid et quitter la terre ferme. Aussitôt, je perçus cette porte dimensionnelle que j'avais réussi à ouvrir. Elle ne se trouvait qu'à un mètre de moi. Même sous l'eau une sorte de fumée se dégageait d'elle et on voyait le dessin des vagues de la mer.

Je me rapprochais et nageais jusqu'à elle, hypnotisée par sa beauté. J'étais comme un aimant, attirée. Ma main fut la première chose qui entra en contact avec, et dès lors le reste de mon corps suivit. Je fus happée par la porte et une fois à l'intérieur, je pus respirer à nouveau l'air. Je ne me trouvais plus sous l'eau, mais bel et bien dans celle-ci.

Je flottais et profitais bien plus de ce moment que les autres fois. J'avais réussi et je ne pouvais m'empêcher de sourire. J'étais trempé, mais joyeuse grâce à cette petite victoire.

DIMENSION - TOME 1 (TERMINÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant