⋆ 𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟐𝟎

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     Le téléphone s'éclata contre les pavés. La vision de Paolo se brouilla et ses jambes s'affaiblirent. Il tenta de faire quelques pas, mais manqua de chuter. Les bruits de la ville, brouhaha incessant, cognaient contre son crâne. Il avait l'impression que son souffle se coupait et que son cœur s'arrêtait, comme Sania.

Il venait d'apprendre la nouvelle. Sania était décédée dans la nuit, les médecins n'avaient rien pu faire.

     Paolo essaya de crier, mais la douleur l'étouffait. Ce qu'il avait vécu avec Sania et ce qu'il ne pourrait plus jamais vivre le tourmentaient. Sa poitrine se serra et, sans qu'il ne puisse le retenir, un flot de larmes cascada le long de ses joues. Alors, comme son téléphone, il se laissa tomber sur le sol, brisé. Le monde aurait pu le piétiner, il n'aurait pas souffert.

     — Pa... Paolo ! s'écria une jeune femme, accourant.

     Elle se pencha vers lui, essayant de le faire réagir, mais Paolo ne clignait même pas des yeux. Son regard, embrumé par le chagrin, n'exprimait rien. Les muscles de ses lèvres refusaient de lui répondre, son visage lui paraissait subitement paralysé. Il tenta d'attraper la main de sa sauveuse, mais la force l'avait abandonné. Il ne voyait rien autour de lui, seul le visage de Sania rayonnait.

     — Monsieur, s'il vous plaît !

     Son appel à l'aide fut honteusement ignoré, mais Nina ne laissa pas la panique l'envahir. Elle interpella un autre homme, plus costaud.

     — Monsieur, excusez-moi, j'ai besoin de votre aide...

     — Il a pas l'air en forme, le garçon, qu'est-ce qu'il se passe ?

     — Est-ce que... est-ce que vous pouvez l'aider à monter ? Nous habitons l'immeuble, juste ici, dit-elle en pointant l'entrée.

     L'homme accepta, remarquant le visage décomposé de Nina. Il releva sans difficulté Paolo et le maintint en mettant son bras derrière son dos. Nina récupéra les morceaux de téléphone et ouvrit la marche. Ils montèrent doucement les étages, jusqu'à atteindre le palier.

Nina ouvrit la porte pour que Paolo puisse être placé sur le canapé. Elle remercia chaleureusement l'inconnu, expliquant que sans son aide, elle n'aurait pas su comment réagir, puis il partit.

     — Paolo, ça va ? Parle-moi, je t'en prie...

     Il sanglotait, mais la voix de sa petite amie l'apaisait, l'aidant à reprendre ses esprits. Elle lui servit un peu d'eau, prenant garde à ne pas l'étouffer. Ignorant la cause de son état désolant, elle se contenta de s'asseoir à ses côtés et prit sa main. Paolo réagit, sa peau se réchauffa à ce contact.

     — Sania... Elle...

     Les yeux de Nina s'écarquillèrent. Paolo lui avait parlé de Sania et de sa santé défaillante. Alors, elle le serra dans ses bras, ses pleurs reprirent de plus belle.

     — Je suis désolée, exprima-t-elle doucement.

     — J'ai si mal, geignit-il. Je... Putain !

     Il se leva brusquement, le poing serré. Il tourna autour de la table basse, jurant dans sa langue natale. Il ne réalisait pas, il voulait s'éveiller de ce cauchemar. Il savait que Sania finirait par s'éteindre, que sa vie était indéniablement plus courte que la moyenne, il pensait être préparé, mais la réalité le cingla.

     Durant ses années de collège, Sania s'était régulièrement plainte de douleurs qui, parfois, l'empêchaient de mettre un pied à l'école. Malgré plusieurs rendez-vous, le corps médical était formel ; l'adolescente ne souffrait pas réellement, ce n'était qu'une impression, un mensonge de son esprit. Une invention, car elle n'avait pas le niveau de français de ses camarades, que les professeurs étaient durs avec elle, peu importe.

Les fleurs renaissent au printempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant