⋆ 𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟒𝟒

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      Ambre patinait sur un lac gelé en Finlande, Joseph et Albert, les tortues de son adolescence glissaient à ses côtés. Elle fonçait, s'envolant dans les airs, sous les applaudissements d'un public illusoire.

     Des coups martelant contre la porte d'entrée et la sonnette qui tintait à intervalle régulier la sortirent de son rêve. Isaïa miaula quand elle bougea. Elle ouvrit les paupières avec difficulté, l'obscurité régnait dans l'appartement. Trois heures quarante. Malgré le vacarme, Sybille n'était pas dans le salon.

     Ambre devait faire taire ce terrible bruit. Elle se leva et pandicula. Ses bras étaient si froids qu'elle croyait réellement se trouver dans la neige en Finlande. Elle attrapa le sweat-shirt posé à côté du lit et l'enfila. Elle ne perdit pas de temps pour se rendre dans l'entrée et faire décamper l'importun. Elle décala le store qui bloquait son champ de vision. Le silence reprit ses droits. Personne ne se trouvait derrière la porte. Ambre plissa les yeux pour repérer une silhouette qui quittait le palier.

Elle se chaussa en vitesse et sortit. Le fer des escaliers résonnait, l'ombre n'avait pas disparu. Prête à la poursuivre, elle descendit les marches en colimaçon, en se tenant à la rampe. La fatigue lui murmurait d'abandonner cette quête sans espoir, mais elle luttait, gardant ses paupières grandes ouvertes.

     La cour intérieure de l'immeuble paraissait calme pour un jeudi soir. La fraîcheur de l'automne devait dissuader les étudiants de rentrer aussi tard. Ambre elle-même regrettait d'avoir pointé son nez dehors. La chair de poule couvrait ses jambes nues qui grelottaient. Elle se maudit de ne pas avoir troqué son short de pyjama contre un pantalon.

En se dirigeant vers l'entrée, Ambre repéra l'individu dans la pénombre. Elle reconnut sa carrure et sa masse de cheveux.

     Paolo était assis, les bras croisés, la tête dans ses jambes, contre le mur du bâtiment

     — Lève-toi, lança-t-elle.

     Paolo grommela. Ambre souffla du nez et ouvrit la porte en métal pour sortir dans la rue avec lui. Il ne tenait pas debout, alors elle l'aida à se déplacer. Elle marchait à côté d'une bouteille de whisky.

Après quelques mètres dans un silence de plomb, elle l'installa sur les marches d'un bâtiment. Ses doigts étaient frigorifiés, elle les garda dans les poches de son sweat-shirt. Paolo tremblait, lui aussi, seulement vêtu d'un tee-shirt. Ambre ne voulait pas lui prêter son pull et mourir de froid à sa place.

     Le visage de Paolo était blanc et son allure, cadavérique. Pourtant, il entreprit de rouler un joint, ce qui déplut à son amie. Elle le trouvait inconscient de vouloir empirer son état, alors elle lui déroba son matériel pour fumer à sa place.

     — Je vais te ramener chez toi, soupira-t-elle.

     Ambre retira finalement son sweat-shirt, pour lui tendre. C'était celui que Paolo avait fait sécher chez Sybille. Il se contenta d'un sourire comme réponse et essaya de se relever. Sans surprise, il retomba.

     — Attends-moi ici, juste deux minutes, s'il te plaît. Ne bouge pas, je vais m'habiller. Ça va aller ?

     — Ouais...

     Il n'ira pas bien loin, pensa-t-elle. Elle se demandait même comment il avait réussi à rejoindre l'appartement de Sybille.

     Ambre enfila un jogging et sa veste sur son débardeur. Elle aurait préféré prendre un pull, mais elle ne préférait pas réveiller sa colocataire en s'introduisant dans sa chambre. Elle attrapa son sac à dos, dans lequel elle jeta un paquet de mouchoirs et une bouteille d'eau. Avant de sortir, elle avala un grand verre de rhum, pour se donner de la force et réchauffer sa gorge.

Les fleurs renaissent au printempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant