⋆ 𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟒𝟏

49 10 17
                                    

     Le tintement de la vaisselle et le brouhaha des clients résonnaient encore dans le crâne de la jeune femme. La sensation d'être appelée chaque seconde la hantait. Ses bras lui semblaient lourds à force de porter les plats et débarrasser de grandes tablées.

Assise dans le vestiaire à l'arrière de la salle du restaurant, elle retira avec difficulté sa paire de chaussures vernies qui compressait ses orteils. Elle souffla, libérée.

     Des services comme celui-ci, elle n'en voulait plus. Ne pas avoir un instant de répit, ni même une pause cigarette la tendait. Bien qu'elle fut ravie d'être traitée comme elle le méritait ici, le métier de serveuse ne lui correspondait pas. Elle songeait chaque jour un peu plus à son projet de salon de thé. L'idée de reprendre ses études pour apprendre à gérer un tel établissement la tentait. Jamais elle n'aurait dû arrêter pour le confort malsain d'un ex-petit ami. En revanche, elle se devait de gagner sa vie, alors ses plans la motivaient pour surmonter la difficulté du monde de la restauration.

     — Nina ? Tu as fini ?

     Elle glissa la fermeture de sa robe et se tourna vers sa collègue.

     — Je mets mes chaussures et j'arrive.

     Si elle avait songé en amont à la nombreuse clientèle qui l'attendait, elle ne serait pas venue en talons. D'autant plus qu'elle détestait marcher avec sur la rue pavée.

Nina enfila sa longue veste, création d'un styliste anglais encore méconnu. Elle en était fière, Joy lui avait envoyé de Londres.

     — Ilana ? appela Nina en sortant du vestiaire. Est-ce que tu as vérifié la salle ?

     Ilana fit « non » de la tête. Elle était nouvelle et c'était la première fois qu'elle s'occupait de la fermeture. Nina haïssait cela, imaginant tout le temps un potentiel braquage ou une agression. Néanmoins, pour former sa collègue, elle devait mettre de côté ses peurs et se montrer professionnelle. Elle s'occupa donc de vérifier les portes ainsi que l'alarme, puis retourna auprès d'Ilana. Elle lui présenta quelques détails à ne pas négliger et la laissa sortir, avant de verrouiller la dernière porte.

     — Est-ce que tu veux que je t'accompagne jusqu'au bout de la rue ? demanda Nina.

     — Ça va, ma mère me récupère pas loin.

     Rassurée qu'Ilana soit prise en charge par une personne de confiance, elle lui souhaita une bonne soirée. Sa collègue était tout juste majeure, alors Nina craignait qu'il lui arrive des misères. Elle la suivit du regard, puis, lorsqu'elle sortit de son champ de vision, elle sortit une cigarette. Elle grogna, ne trouvant pas son briquet. Sa journée ne pouvait pas plus mal finir.

Nina posa son sac sur une marche, sous la lumière. Elle fouilla, jusqu'à ce qu'elle entende des pas derrière elle. Son corps se raidit et trembla, la sueur glissait le long de sa peau. Doucement, elle mit la main dans sa poche, pour bloquer entre ses doigts son trousseau de clefs. Elle resta immobile, espérant que la présence s'éloigne. Les battements de son cœur s'emballèrent lorsqu'elle sentit, qu'au contraire, la personne approchait. Une main se posa sur son épaule. Elle s'apprêtait à dégainer son arme, mais elle perçut une voix et un accent qu'elle connaissait.

     — Nina ? Ça va ?

     — Bon sang...

     Elle déglutit. Elle crut que son cœur cesserait de battre, mais l'inverse se produisit. Son rythme cardiaque s'affola encore, tant par la peur que la surprise. Elle tenta de reprendre son souffle, respira lentement, mais elle tressaillait en continu.

     — Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur, chuchota le jeune homme.

     Nina se retourna, l'appréhension se lisait sur son visage. Elle recula d'un pas, gardant une distance avec son ami. Elle le détailla de haut en bas, s'assurant qu'il s'agissait bien de lui et pas d'un autre. Ses cheveux bouclés étaient cachés sous un bonnet, qui laissait sortir ses oreilles légèrement décollées. Ses yeux ne savaient pas où se poser et son sourire paraissait crispé.

Les fleurs renaissent au printempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant