⋆ 𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟑𝟓

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     Paolo poussa la porte de la chambre, prenant garde à ne pas renverser le gobelet de chicorée. Le silence régnait dans la pièce, à l'exception des bips des appareils médicaux qui résonnaient. Le jeune homme maudissait les hôpitaux.

Il fit quelques pas en face du lit. Véronique dormait, la tête contre le matelas de sa fille. Cette vision lui fit mal au cœur, mais les médecins étaient formels ; Ambre n'était plus en danger, son réveil n'était qu'une question de temps.

     Paolo n'était pas présent lorsque Docteur Simon avait expliqué aux parents d'Ambre les causes de la perte de conscience. Les entailles dans sa peau n'avaient pas touché d'artères ou de veines importantes. Elles n'avaient fait qu'accélérer l'évanouissement, mais l'addition de l'alcool et de la drogue aurait pu être dramatique.

À la seule évocation de ces substances, du simple mot overdose, Véronique crut voir son monde s'effondrer. Il y avait erreur, sa fille n'était pas toxicomane, elle buvait occasionnellement, et elle avait fumé quelques joints au lycée, pour essayer. Ni plus ni moins. Si Ambre était tombée dans la surconsommation de produits illicites, Véronique saurait qui accuser, et il ne s'agissait pas de Paolo.

     Paolo tendit son gobelet à Gaspard. Il était assis dans un fauteuil, au coin de la chambre, les bras croisés comme s'il souffrait du froid. Il n'avait pas entendu le jeune homme arriver, il huma l'odeur de la boisson chaude.

     — Votre chicorée, dit Paolo, assez fort pour être entendu.

     — Merci.

     Paolo prit place sur une chaise, à proximité d'une plante. Il sourit, imaginant qu'Ambre aurait sans doute su lui dire de quelle variété il s'agissait. Cependant, son visage retrouva subitement sa morosité. Il jouait avec ses mains, stressé à l'idée de s'adresser à Gaspard. Certain que sa demande semblerait absurde, il hésitait à en parler.

     — Elle va s'en sortir, elle est forte, ma fille, assura Monsieur Daguei.

     Paolo leva les yeux. C'était la phrase la plus longue qu'il avait entendue de sa part, depuis son arrivée. Il se contenta d'acquiescer.

     — Est-ce que je peux...

     Gaspard toisa Paolo, il parlait doucement alors il ne l'entendait pas.

     — Pardon, reprit-il en haussant légèrement la voix. Est-ce que je peux vous demander... quelque chose pour quand... quand Ambre se réveillera.

     — Dis-moi.

     — Ne lui dites pas que je suis venu, ni même que je l'ai trouvée. Dites-lui que... je ne sais pas, c'est un sans-abri qui a appelé les urgences.

     — Tu ne veux pas être un héros pour ma fille ? s'étonna l'homme.

     — Non, surtout pas.

     Il fixa le linoléum. Si Ambre connaissait la vérité, Nina serait mise au courant et Paolo refusait qu'elle croie qu'il ait brisé sa promesse. Cette pensée paraissait insensée, mais perdre sa confiance l'était davantage. Il ne souhaitait pas être le héros de l'histoire, il ne voulait aucune louange. Il s'était contenté de faire ce qu'il fallait, ce que chacun aurait fait à sa place. Il ne méritait pas d'être encensé comme les urgentistes ou les médecins.

À son réveil, Ambre oublierait les messages. Et Paolo ferait en sorte de retrouver son téléphone pour les supprimer de lui-même.

     Le portable de Paolo sonna, Stephen donnait enfin de ses nouvelles. Alors, il sortit de la chambre.

     Gaspard posa sa main sur le bras de sa femme, le caressant pour l'éveiller. Il embrassa son front avant de lui partager sa conversation avec Paolo. Véronique se dédouana de la responsabilité de ce mensonge. Gaspard haussa les épaules et changea de sujet :

Les fleurs renaissent au printempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant