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Assis sur ma chaise de bureau, je voyais Jisung me guetter du coin de l'œil.

- Quoi ? j'avais marmonné, les dents serrées.

- Ça va mon pote...?

- Au top ! je m'étais soudainement écrié. Je me suis fait larguer comme une merde, j'ai un taf de merde, aucun pote, plus de famille, une vie de merde et je me demande pourquoi je ne suis pas encore pendu au bout du corde !

Il avait grimacé avant de soupirer lourdement puis s'était levé pour venir s'assoir sur mon bureau à mes côtés.

- Ça va passer, c'est une crise passagère...

- Passagère ?! Ça fait deux putain de semaines ! Putain ! j'avais hurlé en balançant les dossiers qui prenaient la poussière sur mon bureau par terre avant de poser mon visage entre mes mains.

- Calme-toi. S'il te plaît, ça ne servira à rien de crier comme ça.

- J'ai envie de crever Jisung, ok ? Là tout de suite il me faut un flingue et une balle dans ma grosse tronche de merde.

- Je sais que t'es triste, que tu en veux à la Terre entière, mais pour la deuxième fois ça ne sert à rien de s'énerver.

- Ah ouais ? Et qu'est-ce qui vaut de s'énerver Jisung, hm ? Tes problèmes avec Minho en valent bien la peine, non ? Mais les miens ? Pour une fois que j'ai un problème ça n'en vaut pas la peine ? Il avait tenté de se justifier mais après un simple geste de la main il l'avait bouclé. Ferme-là Jisung. S'il te plaît, juste aujourd'hui, tais-toi. Fous moi la paix, et fais en sorte que tout le monde dans ce bâtiment de merde ici me foute la paix.

Il s'était mordillé la lèvre inférieure puis avait doucement hoché la tête sans rien ajouter de plus. C'était tout ce que je voulais et au fond, je le remerciais de sa compréhension.

J'étais bien conscient d'avoir été plus qu'exécrable ces deux dernières semaines - trois, si on compte la semaine de dispute juste avant- et avec mon manque de sommeil, combiné à l'overdose de café, en additionnant le chagrin qui avait ruiné mon coeur en miettes, je n'étais vraiment pas facile à vivre.

Mais pour la première fois depuis bien longtemps, je n'avais aucun remord à me sentir mal.

J'avais connu des peines dans ma vie. Mon premier chagrin d'amour, le décès de ma grand-mère, le divorce de ma tata, la mort de mon chien, des disputes avec mes amis, mon premier licenciement au fast food, mes mauvaises notes, mes fessés quand je faisais des bêtises avec mes parents, tout ça, absolument tout, n'égalaient même pas un millionième de la tristesse que je ressentais en ce moment.

J'avais envie de mourir, non, d'aller courir dans les bras de Felix, lui hurler à quel point je l'aimais, tant pis si ce n'était plus réciproque je pouvais faire semblant, je resterais un accessoire s'il le fallait, mais j'avais trop besoin de lui dans ma vie, non, il valait mieux simplement se jeter d'un pont, ça résoudrait tout.

- Tiens, avait murmuré Jisung en me tendant un mouchoir.

J'avais reniflé avant de passer le mouchoir sous mes yeux puis de me moucher avec.

J'étais triste.

Même plus que ça, j'étais brisé, anéanti, au fond du trou, au bord du gouffre, je haïssais le monde entier, j'en voulais à tout le monde, même à Dieu de me donner la capacité de ressentir les émotions. J'aurais aimé ne jamais venir au monde, je haïssais mes parents de s'être reproduit et de m'avoir fait naître, bordel papa les capotes c'est pas une option ! Ça m'aurait évité tellement d'emmerdes de juste, ne pas être né.

J'avais perdu l'amour de ma vie.

Je n'avais plus aucune raison d'exister.

Désormais, je n'avais plus aucune raison de me lever le matin, de venir travailler comme un esclave, d'aller me dépêcher pour rentrer. Quand je rentrais dans l'appartement de Jisung, il y avait de temps en temps Minho pour me dire « salut », toujours la bouche pleine de bouffe.

- Va manger un truc au moins, après je te laisse, avait continué Jisung.

- Non.

- Je t'offre un sandwich. Avec un soda. Ça te va ?

- Qu'est-ce que tu ne comprends pas dans « fous-moi la paix ».

- Je m'inquiète pour toi vieux. Vraiment. Tu ne dors plus, tu ne bouffes plus, tu bois du café à longueur de journée, tu bosses jusqu'à pas d'heure et quand tu rentres, tu chiales. Je m'inquiète.

- J'ai vécu comme ça depuis plus de six mois, tu devrais être habitué maintenant.

- Non, avant tu arrivais à chopper des sandwiches par ci par là, tu prenais du soda, tu rentrais chez toi, tu-

- Oui, avant. Quand j'avais une raison de rentrer et de tenter de prendre soin de moi.

- Felix ne devrait pas être le centre de ton monde, c'est malsain ! La preuve, tu te laisses crever !

- J'attends que ça, de crever !

- Arrête de dire des conneries !

J'allais répliquer lorsqu'Adam avait toqué à la porte, toujours aussi timide et coincé.

Qu'est-ce qu'il voulait encore lui.

- Salut les mecs, avait-il souri à Jisung. Changbin, le patron veut te voir.

Ok, son ton sec me laissait entendre que le dernier message était passé. Enfin, Dieu merci.

Je m'étais levé en soupirant, inutile de dire quoi que ce soit, si beau-papa, pardon, ex-beau-papa voulait me causer, autant aller découvrir par moi-même pourquoi.

Ex-beau-papa n'avait jamais été d'aussi bonne humeur depuis que je l'avais rencontré, et mon petit doigt me disait que ma séparation avec son fils chéri n'y était pas pour rien.

Le voir souriant, heureux, tout content, ça me donnait la gerbe. Tiens je devrais vomir sur lui, là, maintenant.

- Donc, si je comprends bien, j'avais résumé bien plus vite, je suis viré.

- En gros, c'est cela oui.

- Et pourquoi ? Parce que votre fils m'a jeté, alors vous faites pareil.

- Je ne le dirais pas comme cela mais c'est tout à fait cela.

Gros con.

- D'accord.

- Soyez assurez que l'entreprise vous remercie et-

- C'est bon, épargnez moi vos blabla inutiles. Combien vous allez me donner ?

- Vous êtes restés moins d'un an, mais au vu du nombres d'heures effectuées, et de l'affection que vous avez eu pour ma famille, je m'en occuperais personnellement.

- Dois-je m'en inquiéter ?

- Ça ira dans les dix mille dollars. Disons que c'est un cadeau d'adieu.

J'avais hoché la tête, les yeux ronds comme des billes.

Dix mille dollars, c'était une sacré somme ça.

- Avez-vous des projets pour la suite ? avait-il souri avant de faire signe à Adam de venir lui remplir son verre bien que la bouteille d'eau était portée de sa main.

- Oui.

- Voulez-vous m'en faire part ? Soyez assuré que je ne dirais rien à Felix, et si vous allez chez un concurrent, je ne vous en tiendrais pas rigueur.

- Faites ce que vous voulez pour Felix. Et non. J'avais pris une longue respiration avant de me lancer. Je retourne en Corée.

Il avait relevé les yeux pour me toiser quelques secondes avant de ricaner.

- Bon courage.

C'est ça. Gros con.

- Merci.

Adieu.

Gros con.

EUNSEOKI. changlix Where stories live. Discover now