PDV Kanako
Revoir son visage après deux semaines passées sans elle est comme une douce délivrance. Et si j'étais déjà capable de dire qu'elle m'avait manquée, je découvre en la retrouvant à quel point. Elle ouvre ses bras et je viens m'y loger à la vitesse la plus haute dont je suis capable.
Je retrouve son odeur, la douceur de sa peau, et la chaleur de son étreinte. Maintenant qu'elle est là, c'est comme si elle n'était jamais partie.
— A peine deux semaines et je te retrouve avec une jambe en moins.
Je peine à m'extirper de son câlin pour lui répondre, tant il est bon de s'y trouver. Je redeviens une enfant, le temps d'un instant, contre elle. Une enfant pour qui cette vieille femme représente le monde, la sécurité et le bien-être.
— C'est juste une entorse. Les médecins devraient retirer le plâtre d'ici deux ou trois semaines.
Elle m'attire sur le canapé, et je ne résiste pas aux caresses qu'elle appose sur mes cheveux. Pendant de longues minutes, des heures peut-être, je l'écoute me conter son voyage. Elle passe sous silence les sentiments forts qu'elle a pu ressentir de revoir sa famille dans de telles circonstances. De dire adieu à sa sœur. Je ne lui pose pas de questions sur cela. C'est à elle, cela lui appartient, et je n'ai aucun droit de lui demander de me partager cette partie de sa douleur.
A la place, elle m'explique comment tout a changé et est en même temps resté le même. Comment la ville s'est agrandie, et la campagne embellie. Elle me décrit les champs et les montagnes, les plats et les boutiques. Pendant ce temps, j'ai l'impression d'y être. J'entends les sons qu'elle me décrit, je sens les odeurs qu'elle évoque, je vois les paysages qu'elle détaille. Oui, pendant ce moment, je m'envole avec elle.
J'écoute son récit comme j'écoutais ses histoires, enfant, lovée dans ses bras. Je m'extasie, autant de ce qu'elle me raconte, que du bonheur sur son visage. Ce sourire, et cette lueur dans son regard, un bien-être qui l'habite, et qu'elle me transmet.
Elle veut savoir ce que j'ai fait, pendant ce temps, et je ne dis rien du mal dans lequel je me suis plongée. Je passe en revue les sorties, les moments avec mes amis. Avec lui. Je ne m'attarde pas. Autant pour ne pas voir mes joues rougir, que pour qu'elle recommence à me conter comment est son pays.
— J'aimerais y aller.
— Et je suis sûre que tu aimerais ce pays autant qu'il t'aimerait.
— Pourquoi tu ne m'y emmènes pas, Oba' ?
— Tout d'abord, parce que les billets ne sont pas donnés, Kana-chan. Ensuite, parce que tu as encore tes études à terminer. Et enfin... parce que tu as trouvé plusieurs raisons de ne pas partir.
Ces raisons, elles prennent la forme de visages qui s'insinuent dans mon esprit.
— Le Japon ne te manque pas, parfois ?
— J'aime le Japon. J'y ai grandi. J'ai des milliers de souvenirs, là-bas. Mais ce n'est pas chez moi.
Je fronce les sourcils, pas certaine de comprendre, et elle m'offre un sourire plein d'amour, en posant un pouce sur mon front pour me faire cesser ce geste.
— Chez moi, c'est là où tu es, Kana-chan. L'important n'est pas le lieu. C'est là où se trouve le cœur. Et mon cœur sera toujours là où tu te tiens.
Je retiens l'émotion qui me monte dans la gorge, parce qu'au delà de mon cœur qui a envie d'éclater d'émotion, mon esprit lui, a besoin de comprendre.
— Pourquoi tu ne m'as pas emmenée là-bas, quand papa et maman sont morts ? Tu aurais pu être entourée de ta famille.
— Parce que notre histoire ici n'était pas terminée. C'est dans cette ville, dans ce pays, que s'écrit le roman de notre vie.
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Amour Muet - Aime-Moi Tome 2
RomanceKanako a mal. Toute sa vie, elle n'a trouvé qu'une seule façon d'exprimer ses émotions avec toute la force dont elles avaient besoin. Chanter. Plus naturel que de parler, pour elle. Ce n'était pas juste une passion. Mais un art de vivre. Une manièr...