Chapitre 53

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*non corrigé*

PDV Kanako

Lorsque j'ai perdu ma voix, j'ai cru défaillir. Ne jamais me relever. J'ai pensé faire là face à la pire épreuve de ma vie. Ce n'était pas faux. Mais je suis restée debout. J'ai eu besoin de temps, jusqu'à ce que je le rencontre. Je les rencontre. William et mes amis m'ont permis de comprendre que ma vie n'était pas perdue. Ils m'ont montré une nouvelle facette de mon existence, de ma personnalité, ils ont rouvert mon cœur et mon esprit aux autres.

J'ai enfin assimilé la valeur que j'avais, auprès d'eux.

Mais c'est terminé.

J'ai mal au cœur. Les larmes ne coulent plus depuis quelques jours, car je me sens bien incapable de produire la moindre goutte salée supplémentaire. J'ai déjà tout évacuée. La douleur est bien sûr incomparable à la perte de ma voix. Mais elle est si présente, si intrusive. Elle s'est insinuée en moi, vicieuse, s'intégrant dans toutes les parties de mon être. Tel un poison qui se glisse dans chaque goutte de mon sang. Son absence, la sensation de l'avoir perdu, c'est insupportable, et je me rends compte de la place que cet homme a pris dans ma vie. Il est un roc qui m'a appris qui j'étais, ou plutôt, qui me l'a rappelé. Comment une personne peut-elle prendre une importance telle en si peu de temps ?

Oba me dirait que le temps n'a pas d'importance lorsqu'il s'agit de sentiment. Je me rends compte qu'elle n'a pas tort. Ne me l'a-t-il pas dit lui aussi ?

Il m'est devenu essentiel. Une partie de mon oxygène, et je me sens en apnée depuis cette fameuse journée. J'ai tenté de le contacter, mais il s'enferme dans un mutisme qui devrait être le mien.

Je lui en veux, un peu. De ne pas avoir écouté. Pourtant, il est celui qui entendait toujours ma voix, de manière imagée. Mais pas cette fois. Cette fois, son esprit s'est coupé du mien. Alors je lui en veux de ne pas m'avoir entendu. Pourtant, je comprends aussi. Et je voudrais simplement qu'il comprenne, également.

Je n'ai plus la force de rien. Je refuse de bouger de cette chambre. Je ne mange pas, incapable d'avaler quoi que ce soit. Oba a tenté de me faire comprendre l'inutilité de ces actions. J'ai entendu, mais je suis bloquée dans ce cercle infernal. Plus de NSA, plus d'amis, plus de nourriture, simplement cette chambre, ce lit, cette sombre atmosphère dans laquelle je me plonge. Parais-je idiote de me mettre dans cet état pour un homme ?

Peut-être. Et peu importe, en même temps. Qui connaît cette sensation de perdre une partie de soi ? C'est exactement ce que je ressens, encore. Parce que William était devenu un organe essentiel dans mon organisme. Oh, je peux survivre, sans lui. Mais la blessure que cette perte laisse est difficilement cicatrisable.

Je ne veux pas qu'elle cicatrise. Parce que je ne veux pas le perdre.

«Se briser le cœur ». J'ai effectivement la sensation que mon organe s'est fracturé.

— Il faut que tu manges, Kana-chan.

Le plateau que me ramène ma grand-mère est aussi rempli que celui qu'elle m'a déposé à midi. Elle y jette un coup d'œil, avant de souffler.

— Je sais que tu aimes profondément ce garçon, et je ne doute pas de la réciproque, mais te laisser mourir de faim n'est pas une solution.

Je ne me laisse pas mourir de faim. En réalité, je ne ressens simplement aucun besoin de manger. La seule chose que je ressens, c'est une infinie tristesse.

— Il s'agit d'un idiot quiproquo. Vous devez simplement communiquer.

Mais William ne souhaite pas communiquer. Il est fermé, enfermé dans sa colère. La chose aurait été tout autre si il n'avait pas s'agit de son frère, je le sais. Je ne sais pas comment lui faire entendre raison.

J'ai essayé. Je ne doute pas que Charlotte et Natt également. Mais si il y a bien une chose qui définit William, c'est la force de son caractère. Tant qu'il n'aura pas décidé de laisser s'insinuer la vérité en lui, c'est peine perdue d'essayer. Et cela me bouffe, car j'ignore si il prendra un jour cette décision. Si ce qui nous unit, lui et moi, saura être plus fort que ses ressentiments envers Marcus. Envers son père. Obaachan s'assoit sur mon lit, me broyant les jambes au passage. Je râle sans bruit, mais elle semble n'en avoir rien à faire.

— Vous mettre dans un état pareil à vos âges est plus que stupide !

Ma grand-mère n'élève jamais la voix. Elle reste d'un calme olympien en toute circonstance, un trait de caractère que je lui ai toujours admiré, sans toutefois être capable d'en déterminer les causes. Mais cette fois-ci, elle semble à bout de cette patience qui la conditionne d'ordinaire.

— Cela fait des jours que ça dure, Kana-chan, et je ne peux pas rester sans rien dire. Vous devez avancer. Tu n'as pas surmonté toutes les épreuves que la vie t'a imposé pour rester à genou face à un stupide malentendu avec un homme.

C'est plus compliqué que ce que tu penses.

— C'est extrêmement simple, au contraire. Vous vous asseyiez, vous parlez, et vous mettez les choses à plat. Il ne veut pas parler ? Kanako, tu as suffisamment en toi pour ne pas lui en laisser le choix. Si tu tiens vraiment à ce garçon, ne le laisse pas s'enfoncer dans ses ténèbres parce que tu as peur de sortir des tiens. Bats-toi, et force-le à se battre à tes côtés.

J'ai comme l'impression que Obaachan a eu une conversation avec Charlotte, pour qu'elle semble en connaître autant, mais je ne dis rien. Je sais que mon amie a tenté de sonner à notre porte plus d'une fois, sans que je n'ose franchir le seuil de ma chambre pour l'accueillir.

— Ne plus manger, ne plus aller en cours, et ne pas sortir de cette chambre, ce n'est pas un comportement approprié. Et je le dis pour vous deux.

Je ne sais pas dans quel état se trouve William, mais ma grand-mère semble en savoir plus que moi à ce sujet. J'hésite à l'interroger. Me répondrait-elle ? Veux-je vraiment le savoir ?

— Quel âge avez-vous pour avoir ce genre de comportement ?

L'âge bête, sûrement. Je ne suis pas aveugle au point de ne pas voir l'absurdité de notre situation. Mais la douleur balaie ces constatations pour laisser mon esprit se renfermer sur lui-même.

Je n'ai pas le droit d'être triste ?

Je me pose vraiment la question. J'ai l'impression que dans le monde dans lequel on vit, la tristesse est une tare. On peut la ressentir, mais pas la montrer, et surtout, ne pas s'apitoyer.

Ma question semble troubler ma grand-mère et la détendre. Je retrouve sa douceur légendaire dans sa voix, et elle me fait du bien.

— Ma Kana-chan. Bien sûr que tu peux être triste. Bien sûr que tu as le droit d'avoir mal. Mais en revanche, ma douce, tu n'as pas le droit de baisser les bras et d'abandonner ton bonheur. Être heureux, c'est un fait qui ne relève que de notre propre volonté, pas de celle des autres. Tu dois avoir cette volonté.

Voyant que je ne compte rien lui écrire de plus sur son discours, elle souffle et se relève, avant de se diriger vers la sortie. Elle s'arrête instant devant la porte de ma chambre, puis se retourne une dernière fois vers moi.

— Tu ne pourras pas te cacher indéfiniment, Kana-chan. Pas maintenant que tu as appris à te voir.

Si ma raison, bien terrée au fond de moi, me souffle qu'elle n'a pas tort, tout le reste de mon être, terrifié face à cette épreuve à laquelle nous devons faire face, me souffle « pourquoi pas ? ».

Si je reste cachée, n'y a-t-il pas un moment où je cesserai d'avoir mal ?  

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Pas d'inquiétude, cette situation de non-dits entre-eux ne va pas durer trop longtemps, promis x)

A bientôt pour la suite, 

Kiss :*

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 16 ⏰

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