PDV William
J'enfourne dans ma bouche la dernière bouchée de mon sandwich, ravi que cela sonne bientôt la fin de ce repas entouré de mon cousin, et des deux amis de Kana. Ce moment est bien trop bruyant, comme à leur habitude. Et les coups d'œil insistant que me jette l'un d'entre eux me tapent sur le système aussi bien qu'ils m'interrogent.
Ma voix qui s'élève, comme rarement, a pour conséquence de les faire taire instantanément.
— Tac.
Je claque des doigts en lui indiquant un lieu un peu plus loin des troubles-faits, et m'y dirige sans attendre qu'il me suive. Peu importe les regards étonnés de Tic et de mon cousin, leurs questions n'auront pas de réponses si ils les posent. Une intuition étrange me souffle que cette conversation va rester fermement gardée entre nous.
Bien que surpris, le dénommé ne me fait pas trop attendre et me rejoint, ignorant plus difficilement les œillades des deux autres sur nous.
— Vas-tu me dire pourquoi tu me fixes de cette manière ?
Je sais qu'il n'est pas le plus bavard des deux, surtout à cause du fait que son ami n'en laisse placer une à personne. Pourtant, j'ai bien l'impression qu'il gagnerait parfois à être écouté.
Pour l'instant en l'occurrence, je n'en suis pas certain. Toujours étant que je commence à en avoir assez d'être épié de cette façon par un type que je connais depuis quelques semaines. Quoi que je l'aurai été bien avant si c'étaient les yeux de Natt qui m'avaient suivis de cette manière.
— Ce n'est pas...
Je me contente de hausser un sourcil pour l'arrêter dans son explication sans intérêt. On sait tous les deux que c'est pertinemment ce que je crois, et je compte bien découvrir pourquoi.
D'autant plus que je suis à peu près certain que cela concerne une jeune femme qui a disparue de mes radars depuis des jours, enfermée à double tour avec Charlotte.
— Je ne suis pas censé t'en parler.
C'est déjà une meilleure excuse, mais pas suffisante. Je n'ai pas besoin de mots supplémentaires pour m'en faire comprendre. Les longues phrases qui franchissent le seuil de ma bouche sont rares, et en général, je ne m'en embarrasse pas pour n'importe qui.
— Mais après tout, c'est peut-être nécessaire.
Je suis interloqué par ces personnes qui défilent leurs pensées à voix hautes, nous offrant tout le loisir de suivre leurs dilemmes internes.
— C'est à propos de Kana. Elle m'a...
Il s'arrête un instant, mal à l'aise, et cela est suffisant pour que je capte ce qu'il va dire avant qu'il ne le sorte. Elle lui a dit.
Vu qu'aucun des deux hommes nous épiant de loin n'est venu me casser les burnes avec ça, je suppose qu'il est le seul au courant. Et je me demande bien pourquoi lui.
— Elle m'a dit pour le baiser.
— Pourquoi ?
Je pose la question froidement, me refusant de lui laisser la vue sur mes émotions. Personne n'y a accès, d'ordinaire, et je fais taire la petite voix qui me souffle que la jeune femme dont il est question dans cette conversation fait exception.
— Parce qu'elle se pose des questions. Sur ce que cela signifiait. Et sur ce que cela engendre.
Ce que cela signifiait ? Je n'en sais rien. Je sais juste que je n'en ai aucun regret, et que si je me retrouvais au même endroit, au même moment, je recommencerai. Je sais aussi que j'ai eu envie de recommencer mille fois, sans y céder, non sans difficultés. Que je déteste ne pas l'avoir dans mon champ de vision depuis des jours. Que je repense à ce moment bien trop souvent, éveillé ou non. Que j'ai dessiné ses lèvres sans y réfléchir. Et que plus d'une fois, j'ai regardé cette toile, où nos visages s'embrassant sont imprimés. Je n'en ai pas tiré de conclusions. Je les aies mises de côté.

VOUS LISEZ
Amour Muet - Aime-Moi Tome 2
RomanceKanako a mal. Toute sa vie, elle n'a trouvé qu'une seule façon d'exprimer ses émotions avec toute la force dont elles avaient besoin. Chanter. Plus naturel que de parler, pour elle. Ce n'était pas juste une passion. Mais un art de vivre. Une manièr...