Chapitre 29

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PDV William

Nuit noire. Toutes lumières éteintes, mon regard est pourtant grand ouvert. Les chiffres rouges entêtants du réveil qui défilent bien trop lentement, rallongeant le temps. Les étoiles qui brillent à travers les baies vitrées laissées ouvertes. Les guirlandes lumineuses du jardin que Natt insiste pour allumer chaque nuit, comme pour offrir de la lumière à la lune, afin de l'accompagner dans ses nuits. Chaque bride de lumière attire mon regard et éveille mon intérêt, réveillant un peu plus cet esprit qui refuse de plonger dans le sommeil. Il y a trop d'images sous mes paupières, trop de souvenirs. Trop de sons dans mes oreilles, encore frais à mon esprit. Mes sens sont en éveil et refusent de se mettre en sommeil, m'emportant avec eux.

Je repousse les couvertures, conscient qu'une nuit d'insomnie m'attend. Mais ce sont dans ces moments là que tout se réveille. Les couleurs deviennent plus pures, les formes plus discernables dans mes pensées. Là, au milieu du silence et de la pénombre, mon âme est plus qu'éveillée. Elle vibre, seule, se rassasiant de tout ce qui a pu la stimuler durant la journée. Des moments grisants, comme j'aime en vivre. Là, à la lueur de la lune, un pinceau entre les mains, et toutes les couleurs de mon âme qui s'évadent pour se déposer sur ma toile.

C'est dans ces instants-ci, que je me sens vraiment vivre. Vivre pour mon art, vivre pour ce besoin inexplicable de tout laisser s'échapper de moi. J'offre dans mes traits ces particules de mon être, sans être certain qu'un jour, un regard sera capable de toutes les saisir. C'est ce qui est beau. C'est ce qui me fait respirer.

Respirer d'un souffle long et libérateur, duquel je me sens revivre, comme si, de ces dernières heures, je n'avais été qu'un pantin. Pourtant, je me sens vivre.

Oui, ces derniers temps, je me sens vivant.

Vivant, et entier, d'une certaine façon, à cause de cette silhouette, qui apparaît bientôt du bout de mon pinceau. Je ne veux pas la former, et pourtant, elle est ici, devant mes yeux ouverts, derrière mes paupières closes, partout. Cette forme claire, là debout, devant des tableaux. Les cheveux noirs ébènes qui lui tombent dans le dos. Les pommettes rougissantes, le regard profond, une lueur dans ce dernier. La vie au bout des lèvres, lèvres closes mais si précieuses. Elles ont tant de choses à dire, dans leur silence.

Je veux cesser de peindre. Je veux déchirer cette toile. Je veux oublier cette silhouette.

Ou peut-être pas.

Ou peut-être que je ne peux pas.

Quitte à ne pas comprendre, je laisse les affres de mon être décider à ma place. Alors je continue à peindre. Cette silhouette. Ces cheveux. Ce regard. Ces lèvres.

Sans avoir besoin de les voir, parce que loin d'eux, je les distingue encore. Ils sont ancrés dans ma mémoire, autant que les tableaux qu'elle admirait. Parce qu'elle est un tableau. Mon tableau, pour ce soir.

Elle ne verra jamais cette toile. Je la brûlerai peut-être. Je la rangerai sûrement. Je la cacherai pour sûr. Mais je n'oublierai pas. Ces traits là sont gravés en moi, comme tous ceux que je forme un jour.

Je n'aime pas ça.

J'aime ça.

Je ne sais pas.

La nuit embrouille mon esprit, ou peut-être le réveille-t-elle. Dans ces instants d'insomnie, suis-je vraiment moi ? J'ai toujours pensé que je ne m'exprimais vraiment qu'à travers eux. Peut-être avais-je tort. Devant cette toile, je préférerai avoir eu tort.

Des pas, un coup à la porte, puis un second.
Mon esprit se réveille, si il n'était pas déjà éveillé. Tout du moins, il cesse de penser à tout cela. Je détourne le tableau, pour ne l'offrir à personne. Et j'attends, comme si je ne sentais pas déjà qui était derrière cette porte. Comme si je n'hésitais pas à sauter sur cette dernière pour en enclencher le verrou.

Amour Muet - Aime-Moi Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant