PDV Kanako
Je passe la porte de chez William avec la clé que Charlotte m'a prêtée. Je ne pensais pas arriver si tôt pour le cours qu'on a prévu, mais la joie des transports en commun et de leur régularité ne m'a pas laissé le choix. Je lui indique mon arrivée et espère que son entretien avec notre professeur ne sera pas trop long. Je me perds à observer ces lieux que je finis par ne connaître que trop bien. Les grandes fenêtres qui offrent une vue splendide sur des jardins fournis et si bien entretenus. Les œuvres d'art qui subliment cette pièce aussi grande que l'entièreté de notre petite maison. Les canapés de velours, immenses, et si confortables. Cet endroit est grand, presque vide, digne d'un magazine de décoration d'intérieur. De luxe, il en va de soi. Et pourtant, dans cette perfection, si propre et bien rangée, je ressens une chaleur que je ne trouvais pas la première fois que je suis venue ici. Elle est créée par les souvenirs, les rires et les présences de ses habitants et de ses invités.
C'est un peu étrange, de me trouver ici seule, tant j'ai l'habitude des blagues de Natt, des taquineries de Charlotte, et des regards brûlants de Will. Je m'installe en attendant dans un des grands canapés et sort un livre de philosophie, consciente que nous avons encore à faire sur ce sujet. Il me semble qu'il avance bien moins vite que la partie artistique de ma formation. Ou peut-être avance-t-il d'une manière plus subtile, alors que je découvre le sentiment sur lequel je suis censée disserter.
Je ne sais pas combien de temps je passe dans ces pages, en revanche, je suis certaine de ne rien y trouver de constructif ou de neuf. C'est l'apologie du néant mélangé à la théorie du rien. Je sursaute presque lorsque j'entends la porte s'ouvrir, avant de laisser un sourire s'étaler sur mes lèvres. Charlotte et Natt rentrent tard, alors ça ne peut être que William. Pourtant, lorsque la silhouette apparaît dans la pièce principale, je n'ai pas besoin de voir son visage pour comprendre que ce n'est pas lui. Marcus apparaît tout aussi surpris que moi, et il nous faut un moment avant de passer ce moment de flottement.
— Oh, Ayako. Enfin, non désolé, Kanako. Je ne savais pas que tu étais là. Je passe juste récupérer quelques affaires, je ne serai pas long.
Je me contente de hocher la tête, aussi gênée que lui. Il a l'air de vouloir s'enfuir dans une autre pièce, conscient de la scène qui se produirait si William rentrait et le trouvait là, à fortiori avec moi, mais également de ne pas oser partir comme un voleur, ce qui serait contraire à une certaine idée de politesse. Je ne sais pas lequel des deux cas je préfère, et je crois que lui aussi. Il finit par opter pour la seconde option.
— Comment tu vas ?
— Plutôt bien, je crois, et toi ?
Il acquiesce avant de paraître gêné de nouveau, et je sais déjà pourquoi. Je ne peux que le comprendre.
— Est-ce que je peux te demander ce qui t'est arrivé ? Je veux dire, la dernière fois qu'on s'est vu, sans compter l'incident avec mon frère, tu avais un autre prénom et tu...
Il n'ose pas dire le mot, alors je l'écris pour lui.
— Je parlais ?
D'une moue, il confirme sa pensée. Si évoquer ce qui m'est arrivé n'est jamais une partie de plaisir, je pense qu'il a le droit de savoir. Et si j'ai pu lui faire confiance à l'époque pour l'intimité que nous avons partagé, je peux recommencer pour lui compter cette face noire de ma vie. Une face qui semble être moins douloureuse à raconter, ces derniers temps, et je mettrais mon âme en jeu que son demi-frère et la reste de la bande n'y sont pas étrangers.
Il s'approche de moi et s'assoit un peu plus loin en attendant que je lui tende mon téléphone.
— Et bien... quand tu m'as rencontré, on venait de me diagnostiquer une tumeur cérébrale. Je devais effectuer une opération qui allait peut-être me tuer, mon petit-ami m'avait quitté. Je voulais... je voulais essayer cette partie là de la vie d'une femme, au cas où. Je me sentais plus en confiance avec moi-même en te donnant cette fausse identité. Je suis désolée pour ça. Finalement, je ne suis pas morte sur cette table d'opération.
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Amour Muet - Aime-Moi Tome 2
RomanceKanako a mal. Toute sa vie, elle n'a trouvé qu'une seule façon d'exprimer ses émotions avec toute la force dont elles avaient besoin. Chanter. Plus naturel que de parler, pour elle. Ce n'était pas juste une passion. Mais un art de vivre. Une manièr...