Chapitre 19

241 21 3
                                    

PDV William

Ses grands yeux me scrutent et j'ai l'impression d'y lire mille et unes choses. Un peu trop, d'ailleurs. Il y a tellement d'intensité, dans ce regard, que je peine à le maintenir. Que je ne veux pas interpréter tout ce qu'il a à me dire. C'est plus facile de regarder ailleurs, de nier ce que je sais déjà.

— Pourquoi tu es là ?

Ça aussi, je le sais déjà. Je l'ai compris dès que je l'ai vu. Je ne sais pas bien si je m'attendais à ce qu'elle vienne, si j'espérais qu'elle vienne, ou si je suis surpris qu'elle soit là. Elle sait comme moi qu'elle n'a pas besoin de me donner la vraie raison. Qu'aucun d'entre nous n'en a besoin. C'est une discussion que je ne suis pas prêt à avoir. Et je crois qu'elle non plus. Alors cette question, c'est pour lui permettre de m'exposer la raison de substitution. Celle qui va nous permettre à tous les deux de penser à autre chose, et de faire comme si de rien n'était. Comme si elle n'était pas en face de moi à cause de ce putain de passé qui me frappe la gueule chaque fois que Marcus se pointe devant moi.

Elle attrape des feuilles dans son sac, à moitié déchirée, et me les montre de loin. Des autoportraits, tous ratés. La voilà, notre excuse pour passer à côté de cette situation.

— Deux jours sans conseils et tu n'arrives plus à rien ?

Conseils ou consignes ?

— Dans mon dictionnaire personnel, ils sont synonymes.

Ne pas avoir de tyran derrière moi rendait les choses trop faciles.

Un sourire, sur mes lèvres, devant cette personnalité que j'aime voir apparaître chez elle.

— Pourtant, tu n'as pas réussi.

Je préfère peut-être la difficulté.

D'un signe de la main, je lui fais signe d'avancer, pendant que je déblaie un peu la pièce. Du bout du pied, je repousse les bouteilles vides et tire un tabouret, où je lui indique de s'asseoir. Elle me regarde faire, ne pose pas de question, tandis que j'attrape ce dont j'ai besoin.

Tu ressembles à un zombie.

Je hausse un sourcil dans sa direction, et apprécie pour une quelconque raison le sourire joueur sur ses lèvres.

— Ne retourne pas mes attaques contre moi.

Tu admets que c'était une attaque, donc.

— Va savoir, petit zombie.

Là, en face d'elle, avec nos réparties qui s'entrechoquent, son sourire et cette aura qu'elle balade partout où elle va, j'oublie. Pendant ce moment, j'oublie mon père, j'oublie Marcus, j'oublie mes démons intérieurs que je peine d'habitude à mettre de côté. Je redeviens William, le tyran de la NSA, le peintre associable, le professeur insupportable. Et j'aime voir que c'est ce qu'elle attend de moi. Peut-être même que j'aime devenir ce William, qui s'amuse presque de ces entrevues, de ces cours qui n'en sont pas toujours, qui n'est pas tant que cela débecté par la philosophie. Ce William que je suis depuis que cette jeune femme a été intégrée de force dans ma vie.

A la place d'une toile, c'est un grand miroir, que je dépose sur le chevalet en face d'elle. Elle me regarde sans comprendre, alors que je lui pose un pinceau entre les doigts, et des nuances en face d'elle. Je la contourne pour me mettre dans son dos, et me retrouve également dans le reflet.

— Regarde-toi.

Mais ses pupilles sont accrochées aux miennes à travers la surface réfléchissante, à la recherche de réponses.

Amour Muet - Aime-Moi Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant