19 - Lendemain de match

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Deux mois plus tard

Chiyo dévala les escaliers de l'immeuble en courant, son cartable à la main. Elle s'était réveillée en retard. Rien d'étonnant, la veille avait eu lieu son premier match officiel dans la prestigieuse salle du Kōrakuen Hall, en ouverture du combat qui avait opposé Takamura à l'un de ses challengers.

Le Kōrakuen Hall ! Le temple tokyoïte des sports de combat ! Elle en avait tellement rêvé ! Bien sûr, Chiyo savait que les spectateurs n'étaient pas venus pour elle. C'était Mamoru Takamura, la légende du club Gojō qui les intéressait. Mais pouvoir combattre dans cette salle grandiose lui avait donné des frissons !

Sa mère avait refusé de venir assister au match.

– J'ai accepté que tu fasses de la boxe, lui avait-elle dit quand Chiyo lui avait demandé si elle voulait venir. Mais ne compte pas sur moi pour aller regarder ma fille se faire taper dessus !

Sa réaction avait un peu terni la joie de Chiyo, mais elle pouvait comprendre ses raisons. Ça ne devait pas être facile pour une mère de boxeur de se tenir dans le public. Si Chiyo avait su toutefois que son père, lui, s'était arrangé pour finir son travail plus tôt et venir assister au match, elle aurait été stupéfaite.

Depuis qu'elle avait obtenu sa licence pro, Bunji s'était régulièrement tenu informé de ses progrès par l'entremise du vieux coach. Ses horaires de travail ne lui permettaient pas de la suivre dans sa carrière comme il l'aurait voulu, mais il avait tenu à être présent au moins pour son premier match officiel. Il était arrivé juste à temps, au moment où retentissait la cloche, et il s'était installé dans un des derniers sièges disponibles, tout en haut des gradins. Pendant toute la durée du combat, il avait vibré comme s'il avait été à leurs côtés avec l'impression d'être revenu vingt ans en arrière. Contrairement à ce que croyait Chiyo, il y avait bien une personne qui n'était venue que pour elle ce soir-là dans la salle.

Parvenue au rez-de-chaussée de l'immeuble, Chiyo sauta les dernières marches et partit en courant vers la gare. Si elle voulait attraper son train elle allait devoir se dépêcher.

Au souvenir du match de la veille, son visage se fendit d'un sourire radieux.

J'ai gagné ! Ça a été difficile ! Mais j'ai gagné !

L'affrontement l'avait opposée à Mitsuko Sappori, une boxeuse poids léger, étoile montante de la région du Kanto. C'était une adversaire qui lui avait donné du fil à retordre. Pendant presque la totalité des deux premiers rounds, Chiyo n'avait pu faire qu'encaisser, surprise par la rapidité de Sappori. Le vieux Gojō lui avait pourtant fait suivre un entraînement rigoureux en vue de ce combat, mais c'était autre chose de se retrouver sur ce ring, devant une salle comble, face à une boxeuse expérimentée. Finalement, Chiyo avait réussi à placer son coup droit, suivi d'une série de crochets qu'elle avait travaillés tout spécialement pour réussir à neutraliser la vitesse de son adversaire.

Lorsque l'arbitre avait levé son poing en l'air, Chiyo avait senti son cœur battre tellement fort que pour un peu elle aurait cru qu'il allait jaillir de sa poitrine.

Elle sprinta sur les derniers mètres et sauta dans le train avant que les portes se referment. Puis elle poussa un soupir soulagé et reprit son souffle, les mains sur les genoux. Quand elle releva le visage, elle croisa son reflet dans la vitre du wagon.

Évidemment, sa victoire avait eu un prix. Un bleu de belle taille s'étendait autour de son œil gauche et sa mâchoire portait une trace qu'elle ne pouvait pas masquer. Mais ce genre de blessures étaient peu chères payées en comparaison de la victoire et elles étaient de toute façon inévitables en boxe professionnelle.




En arrivant au lycée, Chiyo posa son sac sur son bureau, mais avant qu'elle puisse s'asseoir, Mai Higurashi, son amie d'enfance, se redressa et poussa un cri.

– Chiyo ! Ton visage !

Elle n'eut pas le temps d'en dire plus, le professeur entra et la classe commença.

Il fallut attendre la pause déjeuner pour que Mai puisse reprendre son interrogatoire là où elle l'avait laissé.

– Qu'est-ce qui t'est arrivé ? S'exclama-t-elle aussitôt que l'enseignant fut sorti. Tu t'es faite agresser, c'est ça ? Tu as été voir un médecin ? Est-ce que tu as porté plainte ?

Chiyo attendit qu'elle ait fini de la bombarder de questions. Elle s'était un peu attendue à ce genre de réactions à tel point que, sur le trajet ce matin-là, elle avait préparé une excuse pour le moment où on l'interrogerait. Elle n'avait encore dit à personne au lycée qu'elle faisait de la boxe et elle ne se sentait pas prête à le faire pour le moment.

– Ne t'inquiète pas, la rassura-t-elle, ça n'est rien, je suis juste tomb...

Chiyo ne put finir sa phrase. Trois garçons de la classe se ruèrent vers elles et bousculèrent Mai pour venir se planter devant son bureau, l'air excité.

– La vache le match d'hier soir Tōga c'était une tuerie ! S'écria l'un d'eux.

– Pourquoi tu nous as jamais dit que tu boxais ? Ajouta son voisin.

– Ce coup droit de malade que t'as ! Compléta le dernier.

Il mima un coup de poing dans le vide et les deux autres s'écartèrent en rigolant pour l'éviter. Chiyo était sans voix. Le premier en profita pour reprendre.

– On était allé voir le combat de Takamura avec mon frère et ses potes, lui dit-il. Mais quand je t'ai vue monter sur le ring, j'en ai pas cru mes yeux !

Son camarade confirma.

– On disait aux autres on la connaît ! C'est une fille de notre classe ! Mais ils ne voulaient pas nous croire !

– Tu veux bien faire une photo avec nous ? Comme ça mon frère verra que je raconte pas des conneries ?

– C'est vrai que tu t'entraînes dans le même club que Takamura Mamoru ? Tu le connais ? Tu lui as déjà parlé ?

– Tu crois que tu pourrais m'obtenir un autographe ? Enchaîna un autre. Ce type c'est mon idole ! Il paraît qu'il veut devenir champion du monde...

Chiyo ne les écoutait plus. Elle s'était tournée vers Mai, mais tout ce qu'elle vit, c'est sa silhouette disparaître à la porte de la classe.

 Elle s'était tournée vers Mai, mais tout ce qu'elle vit, c'est sa silhouette disparaître à la porte de la classe

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Bad boy [Wakasa x OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant