Après que ma meilleure amie m'ait demandé de but en blanc de l'aider à sortir de sa prison de verre, j'avais soudain senti mon cœur être remué par une étrange émotion et sur le moment je n'avais pas voulu croire ce qu'elle venait de me dire. Pourtant, en me regardant droit dans les yeux, elle l'avait bel et bien fait, et ça sans la plus petite marque d'hésitation dans la voix.
- Mais les secours vont bientôt arriver, lui avais-je alors répondu dans un bégaiement avant d'ajouter, et Jeanne m'a promis qu'on nous laisserait partir sans rien nous demander en retour.
Sauf que comme à son habitude, Fleur m'avait gratifié de l'une de ces formules dont elle avait toujours eu le secret.
- Et tu l'as vraiment crue ?
Un instant j'avais rêvé au happy-end, mais un instant seulement, car à la seconde même ou j'avais entendu les mots de mon amie, la confiance presque aveugle que j'avais eue envers Jeanne avait aussitôt disparu.
Après tout ce que j'avais découvert en arrivant ici, comment avais-je encore pu croire que la scientifique serait capable de dire la moindre vérité ?
L'instant qui avait suivi, j'étais allée me perdre dans mes pensées et en le faisant, je m'étais dit que si j'avais été à ce point crédule, c'était parce que j'étais toujours aussi immature qu'en arrivant ici.
Pourtant, avant que ce moment ne se passe je m'étais enorgueillie d'avoir à plusieurs reprises tenu tête à Fleur, sauf qu'en définitive rien en moi n'avait fondamentalement changé depuis. Je n'avais pas grandi d'un iota.
Cette nuit-là, je m'étais alors mise à envisager à quoi pourrait ressembler le reste de ma vie si bien sûr je parvenais à sortir de cet enfer et ce que faisant je m'étais vue continuer à payer le prix de mon inexpérience.
Soudain, comme si j'avais moi-même été l'instigatrice de son envie d'évasion, j'avais tourné le dos à Fleur avant de me mettre en chemin vers là où se trouvait le laboratoire, bien décidée à aller jusqu'au bout de ce j'avais souhaité être une révolution personnelle.
Et tout en marchant à bon rythme dans le dédale de couloirs, une certitude s'était imposée à moi : celle que pour parvenir à faire sortir mon amie de l'enceinte de confinement, j'allais devoir voler à Jeanne son badge d'accès. Sauf que j'avais été incapable d'élaborer jusqu'à la plus basique stratégie me permettant d'y arriver.
Malgré tout, j'étais entré dans le laboratoire et au travers de la baie vitrée qui l'avait séparé de la salle de réunion, j'avais revu Jeanne qui ne l'avait jamais quitté. Toujours assise sur la chaise où elle était venue s'échouer, j'avais de suite compris que son état d'extrême fatigue allait m'être profitable et donc en la rejoignant, j'avais prétexté des règles douloureuses.
Maintenant que j'écris tout ça, je me souviens qu'avant de le faire, je n'avais pas plus réfléchi que ça. J'avais je crois simplement voulu provoquer le destin en espérant qu'il me donnerait une occasion d'arriver à mes fins.
Lorsqu'en me répondant, Jeanne m'avait proposé de la suivre jusqu'à son bureau, je l'avais alors vu sortir de l'une des poches de sa blouse son badge d'accès et je ne l'avais plus quitté des yeux. J'avais gardé dans ma ligne de mire l'objet de tous mes désirs et ça jusqu'à tant que la scientifique s'en serve pour déverrouiller la porte de son bureau avant qu'elle ne vienne le poser sur un coin de meuble.
En se dirigeant vers un tiroir, Jeanne en avait aussitôt sorti une boîte de paracétamol, sauf qu'au lieu de l'accepter quand elle me l'avait tendu, je m'étais figée dans l'attente qu'une idée me vienne. Un quoi que ce soit qui aurait forcé l'adulte à détourner le regard le temps que je puisse réaliser mon larcin.
- Anna, est-ce que tout va bien ? Avait fini par me demander la scientifique ce à quoi j'avais répondu dans une improvisation totale, oui, c'est juste que. Que je ne m'attendais pas à ce que ton bureau soit aussi...
- Petit ? Était venue compléter Jeanne non sans ironie ce à quoi j'avais acquiescé avant qu'elle ajoute, peu de gens le savent, mais la plupart des avancées scientifiques ont été faite dans ce genre d'endroit. Marie Curie par exemple a découvert la radioactivité dans un bureau trois fois plus petit que celui-ci et en comparaison, celui d'Einstein était un véritable cagibi.
Quand Jeanne m'avait à nouveau tendu la boîte de paracétamol, je n'avais pas davantage eu stratégie pour parvenir à lui voler son badge d'accès et au lieu de la saisir d'une main ferme, je m'étais surprise à la laisser glisser d'entre mes doigts.
Lorsque la scientifique s'était baissée pour la ramasser, une vague de chaleur était montée en moi. Une culpabilité inhabituelle qui immédiatement m'avait fait me sentir plus bas que terre, car j'avais instinctivement su que je tenais enfin l'occasion de passer à l'action.
L'instant d'après, le badge d'accès était dans ma main et quand pour la troisième fois Jeanne était venue me tendre la boîte de paracétamol, je l'avais saisie et sans que nous nous disions un mot de plus, nous étions sorties de la pièce.
En regagnant le laboratoire, la scientifique s'était de suite dirigée vers la salle de réunion pendant que moi j'étais allée dans la cuisine. Sauf qu'au lieu de me servir un verre d'eau comme je l'avais prétexté, j'en étais immédiatement sortie pour aller délivrer Fleur.
Arrivée devant la prison où était toujours retenue mon amie, j'avais fait usage du badge pour y entrer et après avoir traversé la zone tampon du sas, j'avais fait le même geste avant de pouvoir pousser la seconde porte.
Une fois à l'intérieur de l'enceinte de confinement, il y avait eu entre Fleur et moi comme une hésitation. Un instant suspendu dans le temps durant lequel nous nous étions dévisagés en chien de faïence sans parvenir ni à bouger ni à parler.
- Anna, je te jure que ce que je t'ai dit, je le pensais vraiment. Ne va surtout pas croire que c'était pour que tu m'aides à sortir d'ici, avait fini par me lancer mon amie ce à quoi j'avais répondu, je sais, avant de me jeter dans ses bras.
Mais alors que je m'étais attendu à ce que Fleur me rende mon étreinte. Qu'elle me félicite d'avoir enfin été capable de prendre une décision d'adulte, en plus de venir me voler le badge d'accès des mains, elle m'avait violemment poussé sur le côté et j'étais tombé à genoux sur le sol.
Quand en me retournant sur elle, j'avais revu Fleur, il était déjà trop tard, car après qu'elle ait traversé le sas, ma soi-disant meilleure amie était définitivement sortie de sa prison de verre et moi j'y étais enfermée à sa place.
Une fois encore, Fleur venait de se jouer de moi et je n'y avais vu que du feu. Paralysée par la surprise, ça n'avait été que lorsque mon talkie-walkie avait fait ce bip caractéristique pour me prévenir qu'on voulait me parler que ma torpeur s'en était allée.
- Anna, je suis vraiment désolée, mais je ne peux pas les laisser capturer 13.V ou encore lui faire le moindre mal, avait commencé par me dire Fleur avant d'ajouter, et si je t'ai enfermé à ma place, c'est pour ton bien. Parce que je ne supporterai pas qu'il t'arrive quoi que ce soit par ma faute.
Ces au revoir de fait, j'avais fini par voir ma presque sœur me tourner le dos. Puis après qu'elle ait abandonné son talkie-walkie sur le sol, elle s'était mise à courir avant de prendre la direction de la Fabrique.
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Impitoyable [ Terminée ]
TerrorFleur et Anna, deux jeunes militantes anti-spécisme partent enquêter sur une ferme d'élevage porcin qui cache un horrible secret...