54. Et après ? On fera quoi ?

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Après que les trois mercenaires aient été aboli par cette infamie qu'était devenu 13.V, Jeanne et moi avions échangé un regard de terreur et ce faisant, d'un comme un accord, nous nous étions mise à lentement nous en éloigner dans l'espoir que peut-être, il ne nous verrait pas.

Par chance, ça avait été le cas et en fuyant à l'opposé de l'entée B qui nous était devenue inaccessible, nous étions vite retournés au laboratoire. Une fois à l'intérieur, j'avais aidé la scientifique à rejoindre la salle de réunion avant de la faire s'asseoir.

Accablée par la fatigue et ses blessures internes, Jeanne m'avait alors longuement dévisagé puis elle m'avait demandé.

- Pourquoi es-tu vraiment revenue me chercher ?

Je me souviens que sur le moment, j'avais exagérément hésité avant de lui répondre. Non que de lui mentir sur mes réelles motivations m'avait encore posé problème, mais parce qu'aussi près que je l'avais crue être de la mort je m'étais soudain juré de lui dire la vérité au risque de perdre le peu d'estime qu'elle avait pu avoir pour moi.

- Je ne pouvais pas te faire confiance, lui avais-je répondu. Puis, après avoir marqué un temps j'avais ajouté en espérant qu'elle me comprendrait, je me suis dit que peut-être, tu m'avais envoyé en éclaireuse pour t'assurer qu'il n'y avait pas de danger à ouvrir à ces hommes. Ou que depuis le début ils avaient reçu l'ordre de tuer les témoins gênants. Alors, en te retrouvant et en te ramenant avec moi, je m'étais dit que si c'était le cas, tu me servirais d'assurance vie.

À la fin de mon explication, Jeanne avait eu un fou rire, mais la souffrance qu'avaient provoquée en elle ses traumatismes fermés l'avaient soudain forcé à s'arrêter tout net.

Son souffle de retrouvé, la scientifique m'avait alors dit.

- Je dois avouer que si j'avais été dans la même situation. Que j'avais été enfermé avec quelqu'un qui a été capable de mentir comme je l'ai fait. Qui a sacrifié toutes les personnes qu'elle connaissait, j'aurais fait exactement comme toi. Sauf que tu n'as rien à craindre de ces hommes et cela, je suis prête à te le jurer sur la tombe de mes grands-parents.

Après nos aveux mutuels, un long silence s'était fait entre Jeanne et moi. Puis, alors que pourtant rien ne m'avait semblé capable de parvenir à le briser, la scientifique était venue me demander.

- Si ces hommes avaient bien reçu l'ordre de te tuer, ce qui encore une fois n'est absolument pas le cas, sache que rien de ce que j'aurai pu leur dire ne les aurait empêchés de le faire. Dans ce cas, quel aurait été ton plan ? Parce que très franchement, moi je n'en aurais pas eu.

Sans répondre à Jeanne, je m'étais contentée de lui montrer la commande qui permettait de déclencher les détonateurs et donc de réduire à néant toute l'installation fermière : celle que pourtant, elle avait toujours gardée sur elle et que je lui avais volée au moment où je l'avais aidée à s'asseoir sur sa chaise.

En un instant, un message clair était passé entre l'adulte et moi et je m'étais attendu à ce qu'à ce qu'à minima, elle me gratifie d'un regard d'une noirceur telle qu'il aurait tout dit de son mépris et de sa colère.

Sauf qu'à nouveau, Jeanne s'était mise à rire. Un lâcher-prise que cette fois-ci même la douleur qu'elle avait ressentie n'était pas parvenue à éteindre. Et il ne s'agissait pas d'un rire nerveux ou sarcastique comme on peut en avoir pour souligner l'ironie d'une situation dont on sait qu'elle est devenue inextricable. Il avait s'agit d'un rire à gorge déployé, du genre de celui qui fini par vous arrache des larmes.

Je venais d'enfin comprendre que je m'étais trompé sur toute la ligne. Que je n'avais eu de cesse d'alimenter seule ma paranoïa et qu'elle n'avait jamais été justifiée. Que ces hommes qui avaient été envoyés pour nous sauver avaient toujours eu l'intention de le faire.

Quoiqu'il en avait été, cette nuit-là, je n'avais pas eu le temps de m'en émouvoir davantage, ni même de me confondre en excuses auprès de Jeanne, car de nouveaux tirs nourris s'étaient soudain fait entendre. Non sans difficulté, j'avais alors vu la scientifique se lever de sa chaise avant de se mettre à avancer vers la sortie de la salle de réunion, sauf qu'un puissant son de tôle froissé l'avait dissuadé d'aller jusqu'au bout de son envie.

Quand le même grincement métallique avait à nouveau retenti, Jeanne s'était immédiatement tournée vers moi avant de couvrir sa bouche d'un doigt pour m'intimer l'ordre de ne surtout pas parler. Après quoi, je l'avais vu se précipiter pour éteindre le plafonnier de la pièce.

Plongée dans une obscurité toute relative puisqu'au travers de l'immense baie vitrée qui nous avait séparés du laboratoire la lumière filtrait toujours, en s'accroupissant la scientifique m'avait rejoint et une fois à mon côté elle m'avait chuchoté.

- Surtout, tu ne me lâches pas d'une semelle.

- Mais qu'est-ce qu'on va faire ? Lui avais-je alors demandé tout en parlant aussi bas qu'elle ce à quoi elle avait répondu, on va aller se cacher dans mon bureau.

- Et après ? On fera quoi ? avais-je en retour réagi du tac au tac.

Mais en voyant le désarroi creuser encore davantage le regard de Jeanne, j'en avais conclu que ce sous-sol allait très probablement finir par devenir notre mausolée.

Acculée de la sorte, je m'étais soudain mise à penser que depuis le début nous n'avions pas été meilleures que ces adorateurs de la viande, puisque tout comme eux, nous avions traité 13.V comme un animal. Comme une espèce inférieure alors qu'il nous aurait simplement fallu lui parler comme à un égal. Comme seule Fleur avait su le faire avant de succomber.

Arrivée au bout de cette réflexion qui m'avait fait me redresser sur mes jambes, j'étais sortie de la salle de réunion bien décider à engager des négociations.

En entrant dans le laboratoire, je n'avais eu que des certitudes, mais quand j'avais vu que 13.V se tenait à côté de la bombe qu'avec Jeanne nous avions déposée ici moins d'une heure auparavant, elles avaient fondu comme neige au soleil.

Lorsqu'il m'avait senti, ou bien avait ce été en me voyant, 13.V s'était précipité vers moi et après qu'il ait tout emporté sur son passage, il avait presque réussi à me submerger quand en brandissant vers lui la commande qui permettait de déclencher les explosifs, je lui avais hurlé.

- Arrête-toi.

En s'interdisant de m'abolir comme il avait pourtant su le faire sans aucune hésitation avec les trois mercenaires, 13.V avait stoppé tout net sa course, puis il était resté comme en suspension dans l'air à moins d'un mètre de là où je m'étais trouvée.

L'instant d'après, j'avais pu sentir s'exercer contre mon crâne une pression. Comme ci par sa simple présence, 13.V avait été capable de pénétrer à l'intérieur pour frapper directement contre mon cerveau.

- N'avance plus. N'avance plus ou je te jure que fais tout explorer, avaient été les seuls mots que j'étais parvenue à lui cracher sur le moment.

Sans chercher à dire ni à négocier quoi que ce soit, 13.V s'était mis à reculer et en le faisant, je l'avais vue se dégonfler à la manière d'un ballon de baudruche avant de reprendre une forme humaine.

Quand il en avait eu fini de sa transformation, je m'étais soudain retrouvée face à face avec la copie conforme de ma meilleure amie Fleur et ce faisant, émue jusqu'aux larmes par cette vision d'outre-tombe, j'avais senti tout mon être se tordre de chagrin.

Impitoyable  [ Terminée ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant