Chapitre 2- Joshua.

325 26 34
                                    

Je suis sûr qu'il est gay, chuchote l'un des garçons appuyé contre le mur carrelé des toilettes.

De fou, ça se voit, renchérit un deuxième.

Je suppose qu'ils sont idiots au point de penser que je ne les entends pas, alors que je suis littéralement à moins de trois mètres d'eux.

Je frotte mes mains l'une contre l'autre pour faire mousser le savon que j'ai mis dessus quelques secondes plus tôt. La principale et Sam ont raison, les gens parlent déjà sur moi alors que cela ne fait que deux heures et quelques minutes que je suis entré dans l'établissement. Deux heures et seize minutes, plutôt. Non, dix-sept maintenant.

Je l'ai vu avec le blond là, Sam, tu penses qu'il veut le pecho ?

Les pédés sautent sur tout le monde, c'est sûr.

Je présume qu'ils pensent connaître ma sexualité parce que je porte du crayon noir sous les yeux. Un peu de mascara, aussi, mais mes cils sont si plats qu'on ne le voit que de près. Et j'espère que personne ne s'approchera assez près pour le voir.

Désolé hein, mais je me pense capable de me retenir de sauter sur tout ce qui bouge, lâché-je en essuyant mes mains avec une serviette en papier. Ou pas, qui sait ?

Les deux garçons échangent un regard inquiet. Sérieusement ? Ils croient vraiment à ce que je raconte ? Ils sont idiots à ce point ?

Et lorsque l'un des deux lâche un "T'es pas sérieux ?" d'un air effaré, j'éclate tout simplement de rire. Ils croient vraiment que je vais leur sauter dessus ? Eux ? Il y a bien mieux qu'eux, d'abord, et j'ai beau être gay comme ils le supposent, je sais me retenir, comme toute personne normale. Ma sexualité ne change rien à cela. Mais bon, ça se voit à dix kilomètres et demi que ces deux garçons sont complètement débiles et qu'ils n'y connaissent rien. Je juge probablement un peu vite, mais à partir du moment où ils disent le mot "pédé", ça m'énerve déjà.

Je rigolais, bien que vous ne soyez peut-être pas le meilleur public, ajouté-je.

Ça, je l'avoue, c'est bas de ma part. Très bas, puisque cette dernière phrase était totalement dans le but de me moquer légèrement d'eux.

Puis sans un mot de plus, je sors d'un pas nonchalant des toilettes, la tête droite, bien que je sois tenté de fixer le sol pour ne pas avoir à affronter le regard des autres. Que voulez-vous, j'ai tellement décidé de prendre un nouveau départ en changeant de lycée que j'affronte même mes peurs, celles que j'ai depuis au moins mes dix ans, sûrement plus. Incroyable, n'est ce pas ? Même moi je suis étonné, j'ai déjà du mal à me reconnaître. Peut-être que ça ne va pas durer, je ne sais pas, mais en tout cas je profite tellement de cet élan de confiance momentané. Personne ne me connaît ici, pas encore, je peux en profiter un peu.

C'est agréable, de se sentir quelqu'un d'autre, parfois. En tout cas, là, ça me plaît. Je me sens différent de la personne que j'ai toujours été, aussi loin que mes maigres souvenirs d'enfance me le disent, et j'aime bien.

Joshua !

Je tourne la tête vers la personne qui vient de m'appeler. Mon regard s'adoucit lorsque je constate que c'est Sam qui arrive en trottinant vers moi. Il s'immobilise devant moi, les joues rougies par sa précédente course et la respiration un peu rapide.

Je viens d'aller vérifier avec Nora, la prof d'anglais est absente, déjà. Et Nora est rentrée chez elle puisqu'on ne reprend qu'à quatorze heure trente. Tu veux venir au cdi avec moi, on ira à la cantine à onze heure trente ?

Il est gentil. Vraiment gentil. Je l'ai vu ce matin, rien que dans la salle de théâtre, il parle à peu près avec tout le monde. Il est sociable, mais il est venu me voir moi pour me demander d'aller avec lui.

CINQ ACTESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant